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la poffeffion n'étoit point enviée, & qui étant mife en piéces, étoit inutile à tout? Car on dit que les Ouvriers avoient ordre de tremper le fer tout rouge dans le vinaigre, pour en émouf fer la pointe, & le rendre inutile à tout autre emploi; ce fer ainfi trempé devenant fi aigre &fi éclattant, qu'on ne pouvoit plus ni le battre, ni le forger. De plus il chaffa de Sparte tous les Arts inutiles & fuperflus; & quand il ne les auroit pas chaffez, la plupart feroient tombez d'eux-mêmes, & s'en feroient allez avec l'ancienne monnoie, les Artifans ne trouvant pas à fe défaire de leurs ouvrages, parce que cette monnoie de fer n'avoit voint de cours chez les autres Grecs, qui, bien loin de l'eftimer, s'en moquoient, & en faifoient des railleries. Ainfi ceux de Sparte ne pouvoient acheter ni merceries, ni marchandifes étrangères: Aucun Marchand n'entroit dans leurs Ports, & dans toute la Laconie on n'auroit trouvé, ni Sophifte, ni difeur de bonne aventure, ni Charlatan, ni Vendeur d'esclaves, ni Orfévre, ni Foüaillier; car tous ces gens-là ne cherchent que l'Argent. Par ce moien le Luxe denué (h) Idem, in ejus peu à peu de tout ce qui l'enflamme & qui le nourrit, fe flétrissoit & tomboit enfin de lui-même. Mais Lyfandre (h) aiant enfuite rétabli la monnoie d'or & d'argent, rappella dans cet core Platon, De Legib. Lib. V. Etat l'Avarice, qui en avoit été bannie. On voit auffi que ce Vice s'accrût par tout ailleurs pag. 848. E. Marc. à mesure que l'ufage de l'Argent se répandoit. En effet, tant que les Richelles confiftérent II. Cap. XXI. G. en grains, en bétail, & autres chofes femblables; le grand nombre & la vafte étendue de Gentius ad Sadi ces fortes de chofes, la peine qu'il y avoit à les garder & à les faire valoir, arrêtoit enfin la paffion d'amaffer du bien, & mettoit des bornes à ce défir, qui n'en a point depuis que Rofar.Perfic.Cap. III. Buchanan. l'invention de la Monnoie d'Or & d'Argent fournit le moien de poffeder & d'embrasser aifément plufieurs millions.

Vita. Voiez en

Paul. Venet. Lib.

Rofe

Hift. Scor. Lib.

XII. pag. 450.

Il faut fur tout valeur des ter

res.

(a) Voiez la Loi

citée ci-deffus, S. 12. Not. I.

(b) Lib. II. Cap.

XII. §. 17.

XLVI. Tit. III.
De folution. &
liberat. Leg.
XCIV. §. I.

§. XV. LA Monnoie étant la régle du Prix des autres chofes, il eft clair que l'on ne doit rien changer à la valeur des efpéces que dans un grand befoin de l'Etat; & que, quand la néceffité y oblige, il faut faire ce changement le moindre qu'il eft poffible, pour ne pas trop caufer d'embarras & de défordre dans les affaires des Citoiens (a). Grotius dit (b), que l'argent monnoié reçoit naturellement fonction, ou tient lien d'équivalent, non feulement à l'égard du Métal, ou même du nom & de la forme particuliére de chaque espéce, mais encore d'une maniére plus générale, en ce qu'il fert à régler & comparer enfemble le Prix on de toutes les autres chofes, ou du moins des plus néceffaires. Ces paroles fignifient, que, fi une pièce de Monnoie vaut tant en telle ou telle occafion, c'eft-à-dire, eft actuellement (c) Voiez la Loi, équipollente au Prix d'une autre chose de différente nature, cela ne vient (c) ni de la mabi fupra ; & Lib. tiere (1) feule des espèces, comme de ce qu'elles font, par exemple, d'Or, ou d'Argent; ni du nom & de la forme particulière qu'elles ont, comme de ce qu'on les appelle des Ducats, des Piftoles, des Florins &c. ou de ce qu'elles portent une certaine empreinte: mais de la comparaifon que l'on fait, par rapport à la rareté ou à l'abondance, entre l'argent & les autres chofes, fur tout les plus néceffaires à la vie. Telles font principalement les terres, d'où provient ou médiatement, ou immédiatement, prefque tout ce qui fert à faire fubfifter les Hommes. Car, comme les revenus en font toûjours affez égaux, la stérilité d'une mauvaise année étant compenfée par la fertilité d'une bonne; elles ont une valeur naturelle & intrinféque fort conftante & invariable, fur laquelle on régle ordinairement le Prix des autres chofes, du moins de celles auxquelles le luxe ou la folie des Hommes n'a pas attaché celui qu'elles ont: & il eft jufte que le Prix de ce qui provient ou qui tire fa nourriture des terres, baifle ou hauffe felon la valeur des terres mêmes. Maintenant donc que les terres font prefque par tout le principal fonds des Patrimoines, il faut que la valeur de l'argent hauffe ou baiffe felon qu'il eft rare ou abondant par rapport aux terres. En effet, dans les Etats civilifez, le Peuple eft compofé de deux claffes principales: l'une, de

5. XV. (1) Ce n'eft point là le fens de Grotius. Mais ce grand Homme veut dire, comme l'a expliqué Gronovius, & comme il paroit aifement, pour peu que l'on faffe d'attention à fes termes: que fi la Monnoie reçoit fonction ou équivalent, ce n'eft pas feulement, parce qu'on peut

ceux

donner des Ecus, pour des Piftoles, ou des pièces de quinze ou de trente fols pour des Ecus; mais encore parce qu'avec de l'argent on peut avoir du bled, du vin &c.

ceux qui cultivent la terre; l'autre, de ceux, qui, par leur induftrie, s'appliquent en diverses maniéres à procurer ou augmenter les commoditez de la vie. Si donc, dans le tems que l'argent roule en abondance, les terres, & ce qui en provient, étoient à grand marché; les Laboureurs ne pourroient qu'être entiérement ruinez. Que fi, au contraire, lors que l'argent eft rare, les terres & leurs revenus étoient d'une grande cherté; ceux qui ne fubfiftent que de leur induftrie, mourroient de faim. L'expérience le prouve incontestablement. Lors qu'une récolte extraordinaire fait que les vivres deviennent à grand marché, fans que pour cela le travail & les ouvrages de ceux, qui vivent de leur industrie, fe paient moins que dans les années moins fertiles; on voit que les Laboureurs n'en font guéres plus à leur aife, malgré l'abondante récolte. Au contraire fi, dans une grande cherte de vivres, le travail des Artifans ne fe paie pas davantage, que quand ils étoient à meilleur marché; les Artisans ont bien de la peine à fubfifter. Mais lors que la récolte a été médiocre, le commerce des Artifans & des Laboureurs va le mieux du monde, & l'on n'entend guéres de plaintes parmi eux. D'où il s'enfuit manifeftement, que, pour régler la jufte valeur des Monnoies, il faut avoir égard principalement à celle des terres; fur tout dans les Etats où l'on ne fubfifte guéres que de ce qui croît ou qui fe fabrique dans le Païs, & non pas uniquement du Négoce ou de la Navigation.

La valeur intrin féque de la Monau changement, celle des autres chofes..

noie eft fujette auffi bien que

publ. Lib. VI. C.

§. XVI. De là il paroit, comment il faut décider la queftion, s'il eft jufte qu'un fonds, qui étoit eftimé cent Ecus il y a deux cens ans, vaille davantage aujourd'hui, toutes chofes d'ailleurs égales? ou fi un ouvrage, qui paffoit alors pour bien paié à un Ecu, vaut au jourd'hui quelque chofe de plus? Il y en a qui le nient, par la raifon que les Ecus d'aujourd'hui font de même poids & de même alloi, & ont le même nom & la même forme que les anciens. Mais il faut bien confidérer ici, que, pendant les deux derniers fiécles, on a porté en Europe, des Indes & de l'Afrique, une fi grande quantité d'Or & d'Argent, & qu'on a même tiré tant d'Argent de nos mines d'Europe, que la valeur intrinféque des Monnoies eft peu à peu confidérablement diminuée; en forte que, felon le calcul d'un Auteur (a) Mo- (a) Bodin. de Rederne, les chofes doivent valoir aujourd'hui dix fois plus qu'autrefois, à caufe de la gran- . pag. 1028. de abondance d'or & d'argent. Il faut donc, toutes chofes d'ailleurs égales, augmenter, fuivant cette proportion, le Prix des terres, & le falaire des Ouvriers (b). En effet, fup- (b) Voiez Valer pofons que, dans un Païs, où tout le commerce fe fait par un fimple échange des denrées Maxim. Lib. IV. & des marchandifes, il y aît peu de Vin, & beaucoup de Froment: en ce cas-là, il faut donner une grande mefure de Froment, pour un petit pot de Vin. Mais fi l'on fe met à bien cultiver les vignes, & à en planter même de nouvelles, en forte qu'au bout de quelques années on recueille une plus grande abondance de raifins; il faudra alors fans contredit donner une plus grande mefure de Vin pour la même quantité de Froment. Par la même raifon, lors que, dans un Païs, il y a en général peu d'argent, en comparaifon des autres chofes; il faut donner beaucoup de celles-ci pour une petite fomme d'argent. Mais auffitôt que l'argent roule en plus grande quantité, les mêmes chofes doivent être paiées davantage. En effet la matiére des Monnoies pouvant entrer & entrant d'ordinaire dans le commerce par fa valeur propre & intrinféqne, auffi bien que les autres fortes de marchandifes; cette valeur doit hauffer, ou baiffer, felon que l'Or, par exemple, eft rare, ou abondant. Or le Prix éminent de la Monnoie fuit néceffairement la valeur intrinféque des Métaux, dont elle eft faite car il ne feroit pas convenable, qu'une égale quantité d'Argent, par exemple, valût beaucoup moins, dans un feul & même endroit, étant confidérée comme une marchandife, que non pas comme une pièce de Monnoie, c'eft-à-dire, qu'une feule & même chofe, emploiée pour fe mefurer elle-même, fût plus grande entant que mefurée, qu'entant que mefurante. C'eft la raifon pourquoi, au lieu que l'abondance d'argent monnoié a fait changer le Prix de prefque toutes les autres chofes, l'Or & l'Argent maffif confervent néanmoins toûjours leur ancienne valeur; car une Once d'Argent, par exemple, fe vend aujourd'hui, auffi bien qu'autrefois, un Ecu Impérial. En effet, fi l'ArB 3

gent

(c) Voiez Sueton. in Auguft. Cap. XLI. Jofeph. de Bell. Jud. Lib.

VI. Cap. XXXII.

Franc. Lopez de
Gomar. Hift. Ind.
Cap. CXVII.
(d) Voiez Jacob.
Gothofred. Dif-
fert. de mutatione
& augmento mo-

aeta aurea.

gent maffif valoit, par exemple, quatre fois plus qu'autrefois, il faudroit donner pour une Once quatre Ecus; de forte que, fur ce pied-là, on ne gagneroit guéres à frapper de la Monnoie. Quand donc on dit, que le Prix d'une chofe a changé, il faut bien diftinguer, fi c'eft proprement la valeur intrinféque de la chofe même, ou bien la valeur de la Monnoie. Le premier arrive, lors qu'y aiant une même quantité d'argent, la chofe commence à être ou plus rare, ou plus abondante. L'autre, lors qu'y aiant une même quantité de cette chofe, l'argent en général commence à rouler plus, ou moins. De forte que, fi, après une mauvaife recolte, on donne trois Ecus d'un boifleau de Bled que l'on avoit pour un Ecu quand les vivres étoient en abondance, c'est parce que la valeur du Bled a changé, & non pas celle de l'argent. Mais lors qu'une terre, qui valoit cent Ecus il y a un fiécle, en vaut aujourd'hui deux cens, ce n'eft pas proprement la valeur de la terre, mais celle de l'argent, qui a changé (c). La Monnoie cependant n'en eft pas pour cela moins propre à fervir de mefure commune : car ce changement ne fe fait pas tout d'un coup, comme il arrive aux autres chofes par mille accidens imprévûs; mais la valeur de l'argent diminue d'une ma niére fi lente & fi infenfible, qu'on ne s'en apperçoit que long-tems après (d).

CHAPITRE II.
Des Contracts en général.

Différence qu'il §. I. L'ORDRE veut, que nous traitions préfentement des Contracts, c'est-à-dire de ces fortes de Conventions, qui fuppofent nécessairement la Propriété & le Prix des

y a entre une

Simple Convention,

& un Contract, chofes.

1. felon Hobbes.

(a) De Cive,Cap. 11. §. 9.

2. Selon les Interprêtes du Droit Romain.

Hobbes (a) entend par Contract en général, l'action de deux on de plufieurs perfonnes qui fe transférent mutuellement quelque droit. Or, ajoûte-t-il, dans tout Contract il arrive, on que l'on effectue d'abord ce dont on eft convenu; ou que l'un des Contractans fait ce à quoi il s'eft engagé, fe repofant fur la bonne foi de l'autre, ou enfin que ni l'un ni l'autre n'exécutent rien fur le champ. Lors que de part & d'autre on effectue dans le moment ce dont on est convenu, c'eft proprement, felon nôtre Auteur, ce que l'on doit appeller un Contract. Mais fi l'un des Contractans, ou tous les deux enfemble, font obligez de fe fier à la parole l'un de l'autre, & que celui, fur la bonne foi de qui on compte, promette d'exécuter dans la fuite ce à quoi il s'engage, c'eft-là une fimple Convention.

Cette diftinction, comme on voit, n'eft pas fondée fur la nature même des Conventions fimples, & des Contracts; elle ne regarde que leur exécution. D'ailleurs, l'ufage reçû ne permet pas d'appeller du nom de Contract, une Vente, par exemple, faite argent comptant; & de celui de fimple Convention une Vente à crédit.

§. II. PRESQUE tous les Interprêtes du Droit Romain regardent le mot de Convention comme un terme général, qui comprend toutes les affaires que les Hommes font enfemble, & ils la définiffent, (1) un accord de deux ou de plufieurs perfonnes. Après quoi ils divifent ce genre en deux efpéces, favoir, la Convention proprement & particuliérement ainfi nommée, & le Contract. La premiére eft, felon eux, une Convention fans caufe, & qui n'a point de nom particulier, ou, ce qui revient à la même chofe, qui par elle-même (2) n'oblige pas civilement, ou ne donne pas action en Juftice. Ils la fubdivifent en fimple Con

5. II. (1) Pactum autem à pattione dicitur. . . . Et eft pactio, duorum pluriumve in idem placitum confenfus. Con ventionis verbum generale eft, ad omnia pertinens, de quibus negotii contrahendi, tranfigendique caufa confentiunt qui inter fe agunt. Digest. Lib, II. Tit. XIV. De Pattis, Leg. I.

§. 1, 2, 3.

ven

(2) Nec obeffe tibi poterit, quod dici folet, ex pacto actionem non nafci: tunc enim hoc jure utimur, cùm pactum nudum eft. Cod. Lib. II. Tit. III. De Pactis, Leg. X.

(3) L'Au

vention, & Convention non fimple; & celle-ci encore en Légitime, & Ajoutée (3). Voici comment ils entendent cela. Les affaires, difent-ils, que l'on a enfemble, renferment quelque chofe de plus qu'une fimple Convention, ou par leur nature, ou feulement par le fecours extérieur que les Loix Civiles leur prêtent. Les premiéres font telles, ou parce qu'elles quittent le nom général de Convention, pour prendre un nom (4) particulier; ou parce que, bien qu'elles n'aient point de nom affecté, ni de forme particulière, elles font fondées fur quelque (5) cause, c'est-à-dire, fur une Promeffe, que l'on doit effectuer, ou fur ce que l'autre Contractant a donné ou fait quelque chofe, afin que l'on executât ce à quoi l'on s'eft engagé en la faveur. C'est-là ce que l'on appelle proprement des Contracts, qui par eux-mêmes produifent une Obligation efficace, & pour lefquels on a trouvé juste & équitable de donner action en Justice. Les autres Conventions, qui n'aiant pas de leur nature cette vertu, l'aquiérent (6) par la confirmation & l'affiftance des Loix Civiles, font appellées à cause de cela en un fens particulier des Conventions Légitimes. Selon les Jurif confultes, la Stipulation (7) fait auffi que les fimples Conventions donnent action en Juftice; & lors qu'elles font ajoûtées aux (8) Contracts de bonne foi, elles tiennent de la nature des Contracts mêmes.

rifconfultes.

§. III. MAIS la vertu de donner action en Juftice étant quelque chofe d'extérieur, qui Réflexions fur ne regarde point la nature même des Conventions; on ne fauroit fe contenter de cette di- ces idées des Ju vifion des Jurifconfultes, qui roule uniquement là-deffus. D'ailleurs, il eft clair, que le Droit Civil peut refuser action en Justice pour des Conventions mêmes qui ont leur caufe; ce qui étoit autrefois en ufage parmi les (1) Indiens à l'égard de bien des Contracts.

(3) L'Auteur remarquoit ici en paffant, que les plus judicieux Jurifconfultes s'abftiennent d'appeller Pactum veftitum, ce qu'il nomme ici Pactum non nudum : car, ditil, quoi qu'on parle ainfi en Latin, ex nuda gratiâ, ex nuda benevolentia, on ne diroit pas pour cela, ex gratia veftita. Toutes ces belles fubtilitez n'ont point de lieu non plus en François.

(4) [Conventiones] qua pariunt actiones, in fuo nomine non ftant, fed tranfeunt in proprium nomen contractus : ut emptio, venditio, locatio, conductio, focietas, commodatum, depofitum, & ceteris fimiles centractus. Digeft. Lib. II. Tit. XIV. De Pattis, Leg. VII. §. 1.

(s) Sed & in alium contractum res non tranfeat, fubfit tamen caufa: eleganter Arifto Celfo refpondit, effe obligationem: ut puta, dedi tibi rem ut mihi aliam dares, dedi ut aliquid facias, hoc ouvánnagua, id eft, contractum esse, &bine nafci civilem obligationem. Ibid. §. 2.

(6) Legitima conventio eft, qua Lege aliqua confirmatur : &ideo interdum ex pacto actio nafcitur vel tollitur, quotiens Lege, vel Senatufconfulto adjuvatur. Ibid. Leg. VI.

(7) Hac verba [ROGAVIT TITIUS, SPOPONDIT MAVIUS] non tantùm pactionis loco accipiuntur, fed etiam ftipulationis. Ideoque ex ftipulatu nafcitur actio. Ibid. Leg. VII. §. 12.

(8) Pourvû, difent-ils, qu'elles aient été ajoutées d'abord aprés la conclufion du Contract: car il n'en eft pas de même de celles que l'on ajoûte quelque tems après. Solemus enim dicere, pacta conventa ineffe bona fidei judiciis. Sed hoc fic accipiendum eft: ut fi quidem ex continenti pacta fubfecuta funt, etiam ex parte actoris infint: ex intervalla, non inerunt. Ibid. §. s. Voiez ce que l'on dira ci-deffous, Chap. X.

5. III. (1) L'Auteur le prouve par un paffage de Straben (Lib. XV. pag. 488. au commencement, Edit. Cafaub. Genev.) où il eft fait mention du Dépôt, & d'une autre Convention que Cafaubon avoue ne favoir ce que c'est,

x: ce qui lui fait foupçonner, qu'on doit lire outSz. De quelque manière qu'on life, il femble qu'on doive expliquer ce paffage par un autre de Nicolas de Damas, rapporté dans Stobee (Serm. XLII.) fig' 'Indus ἐάν τις αποστερηθῇ δανείς ἢ παρακαταθήκης, ἐκ ἔσι κρίσις, ἀλλ' αὐτὸν αἰτιᾶται ὁ πιςεύτας. Chez les Indicus, f l'on

Pour

refufe de rendre un argent prêté, ou un Dépôt; le Créancier,
ou celui qui a confié le Dépôt, n'a point action en Justice con
tre le Débiteur, ou le Depofitaire: mais il ne peut s'en pren-
dre qu'à lui-même de ce qu'il s'eft imprudemment fie à l'au-
tre. Je ne fai pas pourquoi Mr. Perizonius (dans fes Notes
fur Elien, Lib. IV. Cap. I. p. 300.) explique ces paroles,
comme fi elles vouloient dire feulement, que ces fortes
de procès étoient fort rares parmi les Indiens. Ces mots,
in is neitis, femblent emporter quelque chofe de plus;
auffi bien que l'expreffion de Strabon: re jo duns, 8-
σε παρακαταθήκης ΕΙΝΑΙ ΔΙΚΑΣ. Mais il ya un autre
paffage encore plus fort: c'eft dans le même Livre, (pag.
483. au commencement) où Strabon dit, fur la foi d'o-
néficrite, que ceux qui habitoient dans cette partie des In-
des, qui étoit fous l'obeiffance de Muficanus, n'avoient
action que pour cause de meurtre, ou d'injures; diunvμn
sivas Thay give ges: & cela pour deux raifons: l'u-
ne, que chacun ne peut pas fe précautionner contre les
infultes d'autrui, comme il peut prendre fes mefures pour
n'être pas trompé dans un Contract, & pour voir avec
qui il a affaire: Pautre, qu'il ne faut pas remplir l'Etat
de procès. Οὐκ ἐπ' αὐτῷ γὰ τὸ μὴ παθεῖν ταῦτα· τὰ δό
ἐν τοῖς συμβολαίοις ἐπ' αὐτῷ ἑκάτῳ· ώςε ανέχεθς δεῖ ἐὰν
τις παραβῇ τὴν πίσιν· ἀλλὰ καὶ προσέχειν ὅτῳ πιςευτέον,
καὶ μὴ δικῶν πληρῖν τὴν πόλιν. Η me femble que tout ce-
la donne affez à entendre, que c'étoit un établissement
les Juges n'euffent
que
fait par autorité publique, afin
pas la tête rompue d'un trop grand nombre de procès ; &
non pas un fimple effet de la retenue & de la probité des
Particuliers, qui faifoit qu'on voioit peu de gens in-
tenter proces, pour fe faire rendre ce qu'on leur devoit
en vertu d'un Contract. Ainfi il y a beaucoup d'appa-
rence que x 451 ngis, dans Nicolas de Damas, auffi
bien que dinny univa, dans Strabon, fignifient fimple-
ment, qu'on n'avoit point action en Juftice. Mais ce qui,
a mon avis, achève de mettre la chofe dans une pleine
evidence, c'eft la comparaifon de ce paffage d'Ariftote,
Ethic. Nicom. Lib. VIII. Cap. XV. Ai ng crisis TÉTOV
OTK EIXI AIKAI, où l'on voit precifement l'ex-
preflion, dont il s'agit, avec une autie du même Au-
où elle eft expliquée dans le fens, que je crois
la
qu'elle a chez Strabon, & chez Nicolas de Damas, & ce-

teur,

V. §. 9, 10, 11.

Pour la maxime du Droit Romain, qui porte, que les fimples Conventions ne donnent point action en Juftice, il faut diftinguer entre les Conventions Affirmatives, & les Négatives. Les derniéres, c'est-à-dire, celles par lesquelles on s'engage à ne rien demander, font telles, & par le Droit Civil, & par le Droit Naturel, qu'elles donnent non pas action en Juftice (2), mais feulement exception ou fins de non recevoir. Car toute l'utilité, qui en revient au Défendeur, confiftant en ce que l'autre ne peut rien exiger de lui légitimement; elles ne fauroient produire d'autre effet, que celui de débouter le Demandeur de (a) Voiez ci-def- fes prétenfions. Mais les fimples Conventions Affirmatives ne font pas par elles-mêmes (a) ...Ch. deftituées de la force de produire une Obligation efficace : & fi les Loix Romaines la leur ont ôtée, en ne donnant point action pour de telles Conventions, c'eft qu'on a voulu étouffer dans leur naiffance une infinité de procès, dont le nombre n'eft que trop grand fans cela. D'autant mieux qu'on voioit, qu'il y avoit bien des Conventions, qui fe faifoient fans beaucoup de réflexion, (autrement pourquoi les Contractans ne fe feroient-ils pas fervis des formalitez ordinaires des Stipulations?) & que d'autres étoient fans caufe, ou fans aucune utilité qui en revint aux Contractans; car c'eft le fens auquel les Jurifconfultes Romains prennent le mot de (3) caufe, dont ils fe fervent ordinairement dans cette matiére. Ainfi fuppofé que deux perfonnes s'engagent l'une envers l'autre à ne pas fe laver les mains, ou à ne pas fe peigner, ou à ne pas changer de chemise pendant un certain tems, (comme nous favons que l'ont fait quelques débauchez) à quoi bon leur permettroit-on d'aller rompre la tête au Juge pour faire exécuter de pareilles chofes? On peut même dire, que, par le Droit Naturel tout feul, ces fortes de Conventions ou inutiles, ou faites à l'étourdie, n'ont rien qui les rende fort facrées & fort inviolables (4).

3. Selon moi.

§. IV. POUR moi, il me femble qu'il faut avoir égard ici à la matiére même des Conventions, ou aux chofes fur lefquelles on traite, en forte que par Contract (1) on entende ces fortes de Conventions que l'on fait au fujet des Chofes & des Actions qui entrent en commerce, & qui fuppofent l'établiffement de la Propriété & du Prix des chofes : & par fimples Conventions, celles que l'on fait fur tout le refte. Ainfi il faudra mettre au rang des fimples Conventions, toutes les Conventions Négatives, par lefquelles on s'engage à ne pas faire ou à ne pas demander ce que l'on auroit pu faire ou demander de plein droit; comme auffi celles qui concernent le mouvement de quelque Faculté Naturelle, confidéré comme tendant uniquement à l'utilité ou à l'avantage mutuel des Contractans, & envisagé fimplement en lui-même, fans le comparer ou en faire l'eftimation par rapport à quelque autre mouvement de même nature: en un mot toutes fortes de Conventions au fujet de quelque action ou de quelque travail qui ne doit pas fe faire pour de l'argent. Il y a pourtant plufieurs affaires de la vie, auxquelles l'ufage donne indifféremment le nom de

1a fur la même matière: Εναχό τ ̓ ΕΙΣΙ ΝΟΜΟΙ,
σ' εκέσιων συμβολαίων ΔΙΚΑΣ ΜΗ ΕΙΝΑΙ. Ethic.
Nic. Lib. IX. Cap. I. Voiez Grotius, Lib. II. Cap. XVIII.
§. 10. Au refte nótre Auteur remarquoit ici, que Sené-
que fouhaitte, dans fon Traité des Bienfaits, Lib. III.
Cap. XV. qu'il n'y eût point de Loi qui forçât les Hom-
mes à tenir leur parole, & qu'ils ne s'aquitaffent que
de leur pur mouvement de ce à quoi ils fe feroient en-
gagez.

(2) Nuda patio obligationem non parit, fed parit ex-
ceptionem. Digeft. Lib. II. Tit. XIV. De Pactis, Leg.
VII. §. 4.

(3) L'Auteur le prouvoit par ce paffage de l'Afinaria
de Plaute, A&. III. Scen. I. verf. 17.

Vbi quiefco, omnis familia caufa confiftit tibi:
C'eft-à-dire, non pas, comme il l'explique après quel-
ques Interprêtes, tout le profit que vous retirez de votre
famille; mais, tous les revenus, dont vous faites fubfifter
votre famille, vous manquent, auffi tôt que je ne trafique
plus de mon métier. Voiez Gronovius, dans fes obferva-

Con

tions, Lib. IV. Cap. XXVI. pag. 419. Au refte je ne fai pas fi, lors que les Jurifconfultes Romains difent qu'une Convention fans caufe n'oblige point, ils entendent précifément par le mot de caufe l'utilité qui en revient aux Contractans. Mais il eft certain que, dans le Droit Romain, pour dire, par exemple, que l'on doit reftituer le bien d'autrui avec les fruits & les revenus que le Propriétaire en auroit retirez, on fe fert du mot de caufa: Nec enim fufficit, corpus ipfum reftitui; fed opus eft ut & caufa rei reftituatur. Digeft. Lib. VI. Tit. I. De rei vindicatione, Leg. XX. Et c'eft ainfi qu'il faut entendre ce terme dans le Titre I. du Liv. XXII. De ufuris, & fructibus, & caufis, &c.

(4) Voicz ce que j'ai dit dans la Note 5. fur Liv. III. Chap. V. §. 9.

§. IV. (1) Permis à chacun de diftinguer & de ranger fes idées comme bon lui femble. Mais la vérité eft, que, par le Droit Naturel tout feul, il n'y a au fond nulle différence entre les Contracts, & les fimples Conventions.

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