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résister à Charlemagne, lui envoie des ambassadeurs pour traiter de la paix. Roland fait choisir Ganelon, son parátre, le mari de sa mère, pour porter la réponse. Ganelon est jaloux de la gloire du paladin et complote sa mort avec Marsile. Roland commandera l'arrière-garde et les Sarrasins l'attaqueront avec toute leur armée et l'écraseront, avant que l'empereur puisse venir à son secours. Selon le complot, Roland est assailli à Roncevaux par une grande armée. Olivier, le frère d'Alde, la fiancée de Roland, voyant l'immense armée des ennemis, veut que Roland sonne son cor, son olifant, pour appeler Charlemagne. Le fier guerrier refuse, de crainte que sa famille n'en soit honnie, et le combat commence. Ils font tous des prodiges de valeur, mais ils vont être accablés sous le nombre, et l'archevêque Turpin prie Roland de sonner du cor pour que Charlemagne puisse venir les venger et que leurs corps soient mis en terre sainte. Roland sonne son olifant d'une si puissante haleine que Charlemagne l'entend et revient sur ses pas. Mais hélas, il a beau chevaucher au grand galop, il arrivera trop tard. On entend en France du tonnerre et du vent, il grêle, les maisons tombent, la terre se fend. On croit que c'est la fin du monde, mais non, "c'est le grand deuil pour la mort de

Roland."

Les Français à Roncevaux sont tous tués excepté Olivier, Roland et l'archevêque Turpin. Olivier meurt le premier, ensuite l'archevêque, après avoir béni les corps des pairs et leur avoir donné rendezvous en paradis. Roland, qui s'est rompu la tempe en sonnant son olifant, sent qu'il va mourir. Les Sarrasins sont défaits et le paladin est seul. Il veut,

cependant, empêcher que sa fidèle épée, sa Durendal, ne tombe entre les mains des infidèles. Il veut la briser sur un rocher, mais le roc se fend, l'acier grince, cruist, mais ne se rompt pas. Le preux chevalier se prépare à la mort, il tourne son visage du côté de l'Espagne, met Durendal et son olifant sous sa tête, se confesse de ses péchés et offre son gant droit à Dieu. L'archange Gabriel le prend et les anges emportent l'âme du comte en paradis. Charlemagne arrive à Roncevaux, recueille les corps des paladins, et demande à Dieu d'allonger la journée pour qu'il puisse vaincre l'émir sarrasin, Baligant. Dieu lui accorde sa demande, il détruit l'armée païenne et retourne bien triste à Aix-la-Chapelle. Là, il annonce à la belle Alde la mort de Roland et celle-ci tombe morte aux pieds de l'empereur. Ganelon est écartelé, la veuve de Marsile reçoit le baptême, et Dieu envoie Saint Gabriel dire à Charlemagne de recommencer la guerre contre les païens. "L'Empereur voudrait bien n'y pas aller: 'Dieu '! s'écrie-t-il, 'que ma vie est peineuse!' Il pleure de ses yeux, il tire sa barbe blanche. La "Chanson de Roland" est réellement une belle œuvre, et l'on s'intéresse grandement à ces preux chevaliers qui meurent pour que douce France ne soit pas honnie." On ne sait qui a écrit ce beau poème, car Turold, dont le nom paraît à la fin de l'œuvre, est probablement un copiste. M. Gaston Paris dit: "Le Roland soulève encore d'innombrables questions, que la critique n'arrivera sans doute jamais à résoudre toutes. La patrie et la date de la rédaction dont nous avons conservé les textes indiqués plus haut ne sont pas encore fixées sans contestation. Le plus probable est qu'elle

...

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repose sur un poème originairement composé dans la Bretagne française, remanié ensuite en Anjou, et qu'elle a pour auteur un 'Français de France,' qui a dû achever son œuvre, à laquelle il a donné une inspiration plus largement nationale et royale, sous le règne de Philippe Ier."

Les trois épopées les plus anciennes sont la " Chanson de Roland," le " Pèlerinage de Charlemagne" et le "Roi Louis." Nous pouvons aussi Les ancien- mentionner parmi les poèmes de la geste nes épopées. du roi, "Ogier le Danois," "Renaud de Montauban," "Girard de Roussillon," "Huon de Bordeaux," 66 Berte aux Grands Pieds," et ne se rattachant à aucun cycle particulier autre que le cycle français, "Aioul" et "Amis et Amile."

gestes de Garin de Monglane et de Doon de Mayence sont des récits généalogiques, c'est-à-dire que l'auteur raconte les enfances (les premiers exploits) d'un héros connu, et invente alors des aventures extraordinaires du prétendu père ou des ancêtres supposés du héros. Ainsi, souvent le héros semble naître avant son père ou son grand-père. Les épopées qui ont pour sujet les croisades, comme la "Chanson d'Antioche," appartiennent aussi au cycle français, à la matière de France. Notons ici l'immense popularité des chansons de geste au moyen âge, non seulement en France, mais dans toute l'Europe. Elles méritent cette popularité; quoique aucune épopée en vieux français n'arrive à la hauteur de la "Divine Comédie" et des grands poèmes épiques de l'antiquité, nous pouvons dire que la "Chanson de Roland " est digne de toute notre admiration, et nous regrettons que l'auteur de cette noble épopée et ceux de la

plupart des chansons de geste du cycle français ne soient pas connus. / ́

Le cycle

breton.

Les poèmes du cycle breton sont souvent appelés romans; ils expriment le sentiment chevaleresque du moyen âge et on y voit apparaître l'idée de courtoisie envers les dames, de protection de la veuve et de l'orphelin, ainsi que de l'opprimé, quel qu'il soit. La plupart des romans bretons sont intéressants, et les incidents qui y sont entassés indiquent chez les auteurs de ces ouvrages une imagination plus fertile que celle qu'indiquent les épopées du cycle français. L'amour jouant un grand rôle dans les poèmes du cycle breton, les incidents sont plus variés que ceux des chansons de geste, et il n'y est pas question seulement de combats et de grands coups d'épée. Le merveilleux y joue un rôle important et les histoires d'amour sont charmantes et touchantes. Arthur, autour duquel se groupent les romans de ce cycle, est devenu un personnage aussi grand que Charlemagne, et sa dignité royale est plus respectée que celle des rois francs. Chef d'une tribu celtique il combat en héros contre l'envahisseur saxon, et transporté dans l'île d'Avalon il attend que son peuple l'appelle pour repousser l'étranger. L'imagination populaire s'empare de l'histoire d'un petit prince celtique comme elle l'avait fait de la défaite de Roland par les Basques, l'histoire réelle et insignifiante devient une légende, nous pourrions dire, un mythe, les poètes s'y attachent et la racontent en vers harmonieux, les trouvères chantent les exploits d'un Roland invincible, à la douce musique de leur vielle, et les chanteurs bretons accompagnent de leur rote les paroles rythmées qu'ils ont consacrées à

Les

Arthur et aux chevaliers de la Table Ronde. Celtes vaincus par les Saxons se sont retirés dans les pays de Galles et de Cornouaille et dans l'Armorique gauloise, et leurs légendes ont servi de base aux laist et aux romans bretons.

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Arthur et la

Table Ronde.

Au xe siècle parut sous le nom de Nennius "l'Histoire des Bretons," où nous voyons, pour la première fois, le nom du héros celtique, Arthur. Au XIIe siècle, Gaufrei de Monmouth écrivit son "Historia Regum Britanniæ," où la vie d'Arthur est racontée avec détails. L'œuvre de Gaufrei fut traduite plusieurs fois en français, notamment par Wace, dont le "Brut" eut une influence considérable sur les romans subséquents. Ce n'est pas, cependant, chez Gaufrei et chez Wace qu'il faut chercher l'origine réelle des poèmes du cycle breton; ce sont les récits des chanteurs gallois, modifiés par les poètes français, qui furent la base de ces vers innombrables consacrés à Arthur et à la Table Ronde.

Les lais de
Marie de
France.

Il y eut d'abord les lais, courts poèmes d'amour, puis les longs romans, dont un grand nombre furent basés sur le sujet des lais. Lorsqu'on lit les lais du "Chèvrefeuille," de "Lanval," de "Tidorel," et bien d'autres de Marie de France, on est attiré par les vers charmants de l'aimable femme, on se sent pris de pitié pour la tendre Iseut et le valeureux Tristan, et l'on a hâte de parcourir les œuvres de Chrétien de Troies pour connaître les autres aventures des héros gallois.

Chrétien de Troies, Raoul de Houdan, et Robert de Boron sont les principaux auteurs du cycle breton. C'est au premier, cependant, que l'on doit les meilleurs

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