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Car enfin le vrai zèle a-t-il quelque maxime
Qui montre à dépouiller l'héritier légitime?
Et, s'il faut que le ciel dans votre cœur ait mis
Un invincible obstacle à vivre avec Damis,
Ne vaudrait-il pas mieux qu'en personne discrète
Vous fissiez de céans une honnête retraite,
Que de souffrir ainsi, contre toute raison,

Qu'on en chasse pour vous le fils de la maison?
Croyez-moi, c'est donner de votre prud'hommie,
Monsieur

Tar.

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Il est, monsieur, trois heures et demie :

Certain devoir pieux me demande là-haut,
Et vous m'excuserez de vous quitter sitôt.
Clé. (seul.) Ah!

SCENE III.

Madame Pernelle, Orgon, Elmire, Cléante, Mariane, Damis,

Dorine.

Mad. Per. Qu'est-ce? J'apprends ici de terribles mystères!

Or. Ce sont des nouveautés dont mes yeux sont témoins,
Et vous voyez le prix dont sont payés mes soins.
Je recueille avec zèle un homme en sa misère,
Je le loge, et le tiens comme mon propre frère;
De bienfaits chaque jour il est par moi chargé;
Je lui donne ma fille, et tout le bien que j'ai :
Et, dans le même temps, le perfide, l'infâme,
Tente le noir dessein de suborner ma femme;
Et, non content encor de ses lâches essais,
Il m'ose menacer de mes propres bienfaits,
Et veut, à ma ruine, user des avantages

Dont le viennent d'armer mes bontés trop peu sages,
Me chasser de mes biens où je l'ai transféré,
Et me réduire au point d'où je l'ai retiré !
Dor. Le pauvre homme !

ACT 1. Sc. I. Bru, daughter-in-law; souci, care; mal édifiée, dissatisfied; contrariée, contradicted; cour du roi Pétaud, a place where every one will command; ma mie, my dear; fille suivante, maid-servant; forte en gueule (a vulgar expression), fond of talking; garnement (a vulgar expression of contempt), boy; sous cape, slily; un train, a course of life; qu'il ne vous en déplaise, may it please you; défunte, late; en usait, behaved; dépensière, spendthrift; ajustement, finery; si j'étais de, or que,

if I were; ne mâche point (a vulgar expression), say plainly; courroux, passion; cagot, hypocrite, bigot; critique, censurer; céans, here; à tous coups, at every minute; m'emporte, get into a passion; une suite, a consequence; pied-plat, wretch; éclat, quarrel, break; certes, indeed; s'impatronise, gets authority; gueux, wretch; merci de ma vie, faith; tout son fait, all his conduct; la langue, the slander; se courrouce, is incensed; hante céans, should visit the family; vacarme, uproar; tracas, bustle; hantez, see, frequent; font un éclat fâcheux, have a bad effect; caquets, talks, reports; nul égard, no attention; lueur (faint light), sign; à son corps defendant, against her own inclination; les brillants, the charms; galants, admirers; sombre inquiétude, surly anxiety, grief; sevré (weaned), deprived; contes bleus, idle stories; tient le dé, is in humour; recueillant, receiving; au besoin, when wanted; fourvoyé, erring; salut, salvation; reprend, censures; fariboles, idle discourses; le prochain, the neighbour, other people; médire, slander; du tiers et du quart, every one; tout du long de l'aune, without restraint; qui ricane, sneering; en rebats la moitié, say only half of what could be said; y mettrai le pié, will come again; bayez aux corneilles, are gaping in the air; frotter les oreilles, to thrash; gaupe, slut.

Sc. II. Cette bonne femme (that good woman), old woman; dommage, (damage), a pity; ouît, hears; bon (good), a funny man; échauffée, irritated; coiffée, taken up; au prix du, compared to; un homme hébêté, a dunce; entêté, taken up; choie, cockers; morceaux, bits; roter, to belch; à tous coups, at every turn; à tous propos, for everything; miracles, wonders; dehors fardés, false appearances; éblouir, to dazzle; cagotisme, hypocrisy; gloser, to talk; il n'est pas jusqu'au fat .... scoundrel, too, who waits on him, pretends to teach us; nous sermonner, to lecture us; farouches, fierce; rouge (red), rouge; mouches, patches; Fleur des Saints, a book of legends of saints.

Sc. IV. Détours, evasions.

the

Sc. V. Or, now; m'ôter de souci, relieve me of cares; dégoût, surfeit ; gigot, leg of mutton; hachis, hash; veiller, sit up; saignée, bleeding; reparer, make up for; coups de vin, glasses of wine.

Sc. VI. A votre nez, in your face; charme, magic; alte-là, stop; ravissements, raptures; fumier, dung, dirt; m'en soucierais autant que de cela, would not care a jot; élancements, ejaculations; devançait, went before; eau bénite, holy water; son garçon, his man; retirer, to harbour, receive as inmate; péché, sin; puce, flea; entiché, fond; simagrées, grimaces; façonniers (ceremonious), hypocrites; esclaves (slaves), dupes; plâtré (plastered), false; spécieux, pretended; francs charlatans, real quacks; de place, by profession; métier, trade; clins, twinklings; élans, ejaculations; âpre, bitter; dont on leur sait bon gré, which is taken kindly of them, for which they are praised; débattu, refused; fanfarons, boasters; faste, show; reprennent, censure; portée, inclined; autrui, others; acharnement, anger; voilà mes gens, these are the sort of persons I like; comme il en faut user, the way one must behave; éclat, display; différer, to put off; finesses, jests; tout de bon, in earnest; foi (faith), word.

ACT 2. Sc. I. Cabinet, closet; or sus, now then; esprit (mind), temper. Sc. II. Bagatelle (trifle), nonsense, idle story; plaisante, funny. ACT 3. Sc. V. Abord, coming; reconnaît, acknowledges, repays; à toute force, obstinately; traverser, trouble.

Sc. VI. Viens d'entendre, have just heard; scélérat, villain; souillures, stains; amas, heap; ordures, lewdness; de quelque grand forfait, whatever great crime; je n'ai garde d'avoir l'orgueil de, I am far from being so proud as; en partage, in my lot; démentir, deny; peste maudite, rascal; infâme, ruffian; perdu, lewd; pendard, rogue; paix! be silent;

lui dis des injures, abuse him; sus, well; de ce pas (by this step), this minute; succession, inheritance; malédiction, curse.

Sc. VII. T'ait fait grâce, has spared you; assommé sur la place, knocked down, killed on the spot; remettez-vous, cheer up; surprendre, deceive; il y va de ma vie, my life depends on it; pourtant, however; soit, let it be so; en user là-dessus, to act in that affair; ombrage, suspicion; crever (burst), die.

ACT 4. Sc. I. Net, plainly; à fond, thoroughly, minutely; n'en ait pas bien usé, did not behave well; à tort, unjustly; démêlé, quarrel; en grâce, in favour; aigreur, spite; d'abord (at first), directly; sous main, slily, secretly; tirées, far-fetched; brouillons l'esprit, confuse our mind; le droit, justice; intéressée, covetous; appas, attraction; ne m'éblouis pas, am not dazzled; prochain, neighbour, others; en mésuse, should make a bad use of it; j'admire, I (admire) wonder; dépouiller, strip, deprive; prud'hommie, wisdom.

Sc. III. Témoins, witnesses; le tiens, keep him; dont le viennent d'armer, with which have just armed him; mes biens, my estate.

SCÈNES DES FEMMES SAVANTES.

(MOLIÈRE.)

ACTE PREMIER.

SCÈNE I.

Armande, Henriette.

Arm. Quoi! le beau nom de fille est un titre, ma sœur, Dont vous voulez quitter la charmante douceur!

Et de vous marier vous osez faire fête !

Ce vulgaire dessein vous peut monter en tête!
Hen. Oui, ma sœur.

Arm.

Ah! ce oui se peut-il supporter?

Et sans un mal de cœur saurait-on l'écouter?

Hen. Qu'a donc le mariage en soi qui vous oblige,

Ma sœur?.

Arm. Ah! mon Dieu! fi!

Hen.

Arm.

Comment!

Ah! fi! vous dis-je.

Ne concevez-vous point ce que, dès qu'on l'entend,

Un tel mot à l'esprit offre

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De quelle étrange image on est par lui blessée,

N'en frissonnez-vous point? et pouvez-vous, ma sœur,
Aux suites de ce mot résoudre votre cœur ?

Hen. Les suites de ce mot, quand je les envisage,
Me font voir un mari, des enfants, un ménage;

Et je ne vois rien là, si j'en puis raisonner,
Qui blesse la pensée et fasse frissonner.

Arm. De tels attachements, ô ciel! sont pour vous plaire !

Hen. Et qu'est-ce qu'à mon âge on a de mieux à faire Que d'attacher à soi, par le titre d'époux,

Un homme qui vous aime et soit aimé de vous;

Et, de cette union de tendresse suivie,

Se faire les douceurs d'une innocente vie?

Ce nœud bien assorti n'a-t-il pas des appas?

Arm. Mon Dieu! que votre esprit est d'un étage bas!

Que vous jouez au monde un petit personnage,
De vous claquemurer aux choses du ménage,
Et de n'entrevoir point de plaisirs plus touchants
Qu'une idole d'époux et des marmots d'enfants!
Laissez aux gens grossiers, aux personnes vulgaires,
Les bas amusements de ces sortes d'affaires.
A de plus hauts objets élevez vos désirs,
Songez à prendre un goût de plus nobles plaisirs.
Vous avez notre mère en exemple à vos yeux,
Que du nom de savante on honore en tous lieux;
Tâchez, ainsi que moi, de vous montrer sa fille;
Aspirez aux clartés qui sont dans la famille,
Et vous rendez sensible aux charmantes douceurs
Que l'amour de l'étude épanche dans les cœurs.
Loin d'être aux lois d'un homme en esclave asservie,
Mariez-vous, ma sœur, à la philosophie,

Qui nous monte au-dessus de tout le genre humain,
Et donne à la raison l'empire souverain.

Ce sont là les beaux feux, les doux attachements
Qui doivent de la vie occuper les moments;
Et les soins où je vois tant de femmes sensibles

Me paraissent aux yeux des pauvretés horribles.

Hen. Le ciel, dont nous voyons que l'ordre est toutpuissant,

Pour différents emplois nous fabrique en naissant;
Et tout esprit n'est pas composé d'une étoffe

Qui se trouve taillée à faire un philosophe;

Si le vôtre est né propre aux élévations
Où montent des savants les spéculations,

Le mien est fait, ma sœur, pour aller terre à terre,
Et dans les petits soins son faible se resserre.

Ne troublons point du ciel les justes règlements,
Et de nos deux instincts suivons les mouvements.
Habitez, par l'essor d'un grand et beau génie,
Les hautes régions de la philosophie;
Tandis que mon esprit, se tenant ici-bas,
Goûtera de l'hymen les terrestres appas.
Ainsi, dans nos desseins l'une à l'autre contraire,
Nous saurons toutes deux imiter notre mère :
Vous, aux productions d'esprit et de lumière;
Moi, dans celles, ma sœur, qui sont de la matière.
Arm. Quand sur une personne on prétend se régler,
C'est par les beaux côtés qu'il lui faut ressembler;
Et ce n'est point du tout la prendre pour modèle,
Ma sœur, que de tousser et de cracher comme elle.
Hen. Mais vous ne seriez pas ce dont vous vous vantez,
Si ma mère n'eût eu que de ces beaux côtés;
Et bien vous prend, ma sœur, que son noble génie
N'ait pas vaqué toujours à la philosophie.
De grâce, souffrez-moi, par un peu de bonté,
Des bassesses à qui vous devez la clarté ;

Et ne supprimez point, voulant qu'on vous seconde,
Quelque petit savant qui veut venir au monde.

Arm. Je vois que votre esprit ne peut être guéri
Du fol entêtement de vous faire un mari :}

Mais sachons, s'il vous plait, qui vous songez à prendre : Votre visée au moins n'est pas mise à Clitandre.

Hen. Et par quelle raison n'y serait-elle pas? Manque-t-il de mérite? Est-ce un choix qui soit bas? Arm. Non mais c'est un dessein qui serait malhonnête Que de vouloir d'une autre enlever la conquête;

Et ce n'est pas un fait dans le monde ignoré

Que Clitandre a pour moi hautement soupiré.

Hen. Oui mais tous ces soupirs chez vous sont choses vaines,

Et vous ne tombez point aux bassesses humaines;
Votre esprit à l'hymen renonce pour toujours,
Et la philosophie a toutes vos amours.

Ainsi, n'ayant au cœur nul dessein pour Clitandre,
Que vous importe-t-il qu'on y puisse prétendre ?
Arm. Cet empire que tient la raison sur les sens
Ne fait pas renoncer aux douceurs des encens;
Et l'on peut pour époux refuser un mérite
Que pour adorateur on veut bien à sa suite.

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