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plaire, et je conclus à rejeter toute la loi venant d'eux ou de vous.

Voilà ce que j'aurais dit après le général Foy, si j'eusse pu, député indigne, lui succéder à la tribune.

A MESSIEURS

DU

CONSEIL DE PRÉFECTURE

A TOURS.

(1820.)

MESSIEURS,

Je paie dans ce département 1,314 francs d'impôts, et ne puis obtenir d'être inscrit sur la liste des électeurs. A la préfecture, on me dit que mon domicile est à Paris, que je ne dois pas voter ici. et l'on me renvoie à l'article 104 du Code civil, ainsi conçu :

« Le domicile est au lieu du principal établis

<< sement.

« Le changement de domicile s'opérera par le « fait d'une habitation réelle dans un autre lieu, joint à l'intention d'y fixer son principal établis

<< sement.

« La preuve de l'intention résultera d'une dé

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<«< claration expresse faite, tant à la municipalité « du lieu que l'on quittera qu'à celle du lieu où

« l'on aura transféré son domicile. >>

Cette déclaration, je ne l'ai faite nulle part, ni

à Paris, ni ailleurs; mon principal établissement est la maison de mon père, à Luynes; là est le champ que je cultive, et dont je vis avec ma famille; là, mon toit paternel, la cendre de mes pères, l'héritage qu'ils m'ont transmis et que je n'ai quitté que quand il a fallu le défendre à la frontière. N'ayant rempli, en aucun lieu, aucune des formalités qui constituent, suivant la loi, le changement de domicile, je suis à cet égard comme si jamais je n'eusse bougé de ma maison de Luynes. C'est l'opinion des gens de loi que j'ai consultés là-dessus, et j'en ai consulté plusieurs qui, de contraire avis en tout le reste (car ils suivent différens partis dans nos malheureuses dissensions), sur ce point seul n'ont qu'une voix. En résumé voici ce qu'ils disent :

Mon domicile de droit est, selon le Code, à Luynes. Mon domicile de fait à Véretz, où j'ai, depuis deux ans, maison, femme et enfans. Ces deux communes étant dans le même arrondissement du département d'Indre-et-Loire, mon domicile est, de toute façon, dans ce département, où je dois voter comme électeur. Si je nommais les jurisconsultes de qui je tiens cette décision, vous seriez étonnés, messieurs, vous admireriez

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j'en suis sûr, qu'entre des hommes de sentimens si opposés, surtout en matière d'élections, il ait pu se trouver un point sur lequel tous fussent d'accord, et c'est ce qui donne d'autant plus de poids à leur avis.

Mais que dire après cela d'une note qu'on me produit comme pièce convaincante, et d'une autorité irréfragable, décisive? Cette note du maire de Véretz, adressée au préfet de Tours, porte en termes clairs et précis : Courier, propriétaire domicilié à Paris. Dans ce peu de mots, je trouve, messieurs, deux choses à remarquer : l'une que le maire de Véretz, qui me voit depuis deux ans établi à sa porte, dans cette commune dont il est le premier magistrat, et où lui-même m'a adressé des citations à domicile, ne veut pas néanmoins que j'y sois domicilié; l'autre, chose fort remarquable, est qu'en même temps il me déclare domicilié à Paris. Le préfet, prenant acte de cette déclaration, part de là. Mon affaire est faite, ou la sienne peut-être, j'entends celle du préfet. Il refuse, quelque réclamation que je lui puisse adresser, de m'admettre au rang des électeurs, et me voilà déchu de mon droit.

Que signifie cependant cette assertion du maire? sur quoi l'a-t-il fondée? Il pouvait nier mon domicile dans la commune de Véretz, si je n'en avais fait aucune déclaration légale; mais avancer et affirmer que mon domicile est à Paris, où je n'ai

pas une chambre, pas un lit, pas un meuble, c'est être un peu hardi, ce me semble. De quelque part qu'aient pu lui venir ces instructions, fût-ce même de Paris, il est mal informé. Aussi mal informé est le préfet, qui, sur ce point, eût mieux fait de s'en rapporter à la notoriété publique, recommandée par les ministres comme un bon moyen de compléter les listes électorales. Cette notoriété lui eût appris d'abord que nul n'est mieux que moi établi et domicilié dans ce département, et que je n'eus de ma vie domicile à Paris, non plus qu'à Vienne, à Rome, à Naples, et dans les autres capitales où tour à tour me conduisirent les chances de la guerre et l'étude des arts, et où j'ai résidé plus long-temps qu'à Paris, sans perdre pour cela mon domicile au lieu de mon unique établissement dans le département d'Indre-et-Loire.

Certes, quand je bivouaquais sur les bords du s Danube, mon domicile n'était pas là. Quand je retrouvais, dans la poussière des bibliothèques d'Italie, les chefs-d'oeuvre perdus de l'antiquité grecque, je n'étais pas à demeure dans ces bibliothèques. Et depuis, lorsque seul, au temps de 1815, je rompis le silence de la France opprimée, j'étais bien à Paris, mais non domicilié. Mon domicile était à Luynes, dans le pays malheureux alors dont j'osai prendre la défense.

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