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point qu'à la fin de chaque chapitre. Alors, dans un si vaste assemblage de mots, comment reconnaître leurs différentes sortes d'enchaînement, et pouvoir marquer tous les degrés de subordination? C'est l'impossible qu'on a entrepris, et il faut nécessairement qu'on succombe. Combien il est plus naturel et plus proportionné à notre faiblesse de faire finir la chaîne où en effet la construction idéologique montre qu'elle finit!

Le point une fois placé,

il faut voir si l'on peut ou si l'on ne peut pas diviser ou sous-diviser la phrase.

Par exemple, celle-ci, il y a des styles qui portent le nom de styles personnels, ne présente qu'une série d'anneaux successifs qui ne forment qu'un tout indivisible. Cette phrase n'est donc pas susceptible d'être divisée, ni par conséquent de recevoir dans son intérieur aucun signe de ponctuation.

Mais il n'en est point de même de la phrase suivante :

J'aime trois sortes de styles :

le style rapide, qui émeut, entraine;

le style pittoresque, qui présente vi

vement les objets;

et le style méthodique, qui marche toujours avec ordre.

Elle se coupe naturellement en deux grandes parties, savoir:

La première, j'aime trois sortes de styles;

La seconde, le style rapide, etc.;

Mais cette seconde partie se subdivise, comme on a vu, en trois branches, savoir:

le style pittoresque, etc.
le style rapide, etc.
le style méthodique, etc.

Chacune de ces branches se subdivise encore en rameaux.

On a vu que, pour marquer la première division, celle de la phrase en deux parties, on a mis les deux-points; qu'on a sépare les premières subdivisions par le point-virgule, et les secondes subdivisions par la virgule.

Ainsi tous les signes graduels de la ponctuation ont été employés

dans la même phrase: ce qui arrivera toujours lorsqu'il y aura division, subdivision et arrière-subdivision.

Les deux-points annoncent toujours ces trois coupes graduelles. Mais, quand il n'y a que division et subdivision, le point-virgule et la virgule suffisent pour les marquer;

Quand il n'y a qu'une division, on n'a plus besoin que de la virgule.

Ainsi on ponctuera de cette sorte les phrases suivantes :

J'aime trois sortes de styles;

le style rapide,
le style pittoresque,

et le style méthodique.

J'aime le style rapide, le style pittoresque, et le style méthodique.

Après avoir ainsi indiqué le génie de la ponctuation, nous allons en examiner un à un les différents signes en sept chapitres.

Le premier chapitre traitera du point;

Le second de la virgule;

Le troisième du point-virgule;
Le quatrième du deux-points;
Le cinquième du point interrogatif;

Le sixième du point admiratif;

Le septième traitera de la ponctuation, lorsqu'elle est en rapport avec la parenthèse.

Nous terminerons ce traité par un huitième chapitre, où nous donnerons une idée de quelques autres signes typographiques, appelés points suspensifs, traits de séparation, etc.

CHAPITRE Ier.

DU POINT.

1. Je t'avoue qu'il n'y a rien de si dé-[3. Deux écoliers de la ville feront plus solant que de voir une jolie chose qu'on a dite mourir dans l'oreille d'un sot qui l'entend. Il est vrai que souvent il y a compensation.

a

2. Chaque connaissance ne se déve loppe qu'après qu'un certain nombre d'autres connaissances se sont développées. NOTA. Il faut, bien entendu, excepter la première connaissance.

b

de dégât dans un pays que la jeunesse de tout un village. Cependant les enfants des villageois sont encore bien loin de ce qu'ils devraient être. c

4. Resserrez le vocabulaire de l'enfant : c'est un très-grand inconvénient qu'il ait plus de mots que d'idées. Je crois qu'une des raisons pourquoi les paysans ont généralement l'esprit plus juste que les gens de la ville est que leur dictionnaire est moins étendu, d

Aucune de ces phrases n'est divisible ni subdivisible en parties qui puissent se détacher. Par exemple, on ne pourrait point couper ainsi la première phrase:

Je t'avoue qu'il n'y a rien

de si désolant

que de voir une jolie chose
qu'on a dite

mourir dans l'oreille d'un sot qui l'entend.

Toute autre coupe serait encore plus insupportable. La dernière phrase est remarquable par sa longueur. Cependant il est impos sible d'y faire des coupes, qu'on puisse distinguer par la ponctus. tion : elle pourrait être trois fois plus longue, et être encore indi visible. C'était donc une doctrine créée en l'absence totale des faits, que celle qui établissait que la ponctuation doit se régler sur les besoins de la respiration, et qu'elle est l'art d'indiquer, par des signes reçus, la proportion des pauses qu'on doit faire en lisant.

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Cette erreur a jeté de si vastes, de si profondes, nous osons le dire, et de si pernicieuses racines, qu'elle ne peut être trop puissamment combattue. Aux faits déjà avancés, nous allons ajouter les

suivants :

Je préfère le témoignage de ma conscience à tous les discours qu'on peut tenir de moi.

La gloire des grands hommes se doit toujours mesurer aux moyens dont ils se sont servis pour l'acquérir. a

Je ne sentis point devant lui le désordre où nous jète ordinairement la présence des grands hommes. b

Mais ils ne veulent s'exposer qu'autant qu'il est nécessaire pour faire

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réussir le dessein pour lequel ils s'ex-
posent. c

Le peuple s'étonna comme il se pouvait faire
Qu'un homme seul eût plus de sens
Qu'une multitude de gens. d

Un loup qui commençait d'avoir petite part
Aux brebis de son voisinage
Crut qu'il fallait s'aider de la peau du renard, e

Le même orgueil qui nous fait blâmer les défauts dont nous nous croyonsi exempts nous porte à mépriser les bonnes qualités que nous n'avons pas. ƒ

Selon Beauzée même, la première phrase, où il y a vingt-six syllabes, n'excède pas la portée ordinaire de la respiration, et peut én être regardée à-peu-près comme la mesure.

Remarquez que les trois phrases suivantes, dont l'une est de trente-trois syllabes, sont encore écrites par Beauzée sans ponctuation intérieure. Les trois subséquentes, dont l'une est de trente-huit syllabes, sont ponctuées de même par Didot.

Urbain Domergue et plusieurs autres grammairiens prétendent que la portée de la respiration ne s'étend pas au-delà de huit syllabes, parce qu'en effet nous n'avons point de vers au-dessus de cette mesure, sans un repos intérieur ou césure.

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trouve quatre repos dans la phrase traduit et figure ainsi la même suivante, et la figure ainsi :

Animadverti, judices, omnem accusatoris orationem in duas

divisam esse partes.

phrase:

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Que M. Beauzée nous dise s'il trouve ces repos bien ou mal notés. Dans le premier cas que deviennent ses principes de ponctuation? Dans le second qui peut y atteindre?

D'après les exemples ci-dessus et l'explication qui les suit, il est évident que la respiration n'a rien, absolument rien à démêler avec la ponctuation; que c'est le sens seul, plus ou moins divisible de la phrase, qui décide la manière de ponctuer (416).

Suite.

Exemples.

La venue du faux christ et des faux prophètes semblait être un plus prochain acheminement à la dernière ruine. a

Chaque connaissance ne se développe qu'après qu'un certain nombre d'autres connaissances se sont développées. b

L'homme impatient est entraîné par ses désirs indomptés et farouches dans

un abîme de malheurs. c

L'homme dont vous m'avez cité les

Observations.

Beauzée, aux poumons de longue haleine, est resté court dans ces trois phrases, et il met une virgule après la partie italique.

Ainsi dans la première phrase il sépare le nominatif et le verbe la venue..... semblait. Dans la seconde il nous fait bayer en attendant un complément nécessaire, et inséparable pour le sens; à-peu-près comme si l'on disait : il était devenu amoureux d'une autre.... philo sophie. Dans la troisième il nous force à détonner.

M. Sicard met une virgule après la talents est fort au-dessous de sa re- partie italique. Il paraît donc qu'il n'ı

nommée. d

pas la respiration bien longue, puisqu'il est obligé de couper en deux morceaux une phrase de vingt-une syllabes, et de séparer impitoyablement le sujet et le verbe.

(416) L'idée que la respiration influe sur la ponctuation est une idée moderne. Elle introduit l'anarchie dans la ponctuation, et ceux qui sont imbus de ce préjugé ne ponctuent passablement que parce qu'ils sont peu fidèles à leur système.

Je sais qu'on dit que ce sont les sens partiels tout à-la-fois et la respiration qui règlent la ponctuation. Mais que peut avoir de commun la force, toujous

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Le

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