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Canaan furent de retour: les Enfans d'Ifraël entrérent dans le païs de Canaan, trois jours après qu'elles en furent revenues. Cette Hypothefe eft préférable à celle de quelques Interpretes, qui ont crû que Jofué étoit dans l'erreur, lorsqu'il parloit ainfi aux Ifraëlites. Ce font là de ces violentes folutions, auxquelles il ne faut jamais avoir recours, fans une abfolue néceffité.

L'envoi de deux Efpions, que l'Hiftoire Ste. ne nomme point, fut la feconde précaution de Jofué. Ils partirent par fon ordre du Camp de Sittim, fitué dans les plaines de Moab, où campoient alors les Ifraëlites. Leur commiffion portoit qu'ils épiaffent la ville & le territoire de Jérico. Ils arrivérent dans cette ville, & ils y furent recueillis par une femme nommée Rahab. L'équivoque du terme, dont les Auteurs facrez fe font fervis pour marquer fa profeffion, eft peu avantageuse à fon honneur. Il Jofué II. peut fignifier ou qu'elle étoit une Hôtelière, ou qu'elle étoit une Femme prostituée. Si la charité demande que nous donnions au mot de l'Original l'explication la plus favorable dont il est fufceptible, il faut reconnoitre auffi que les plus grandes probabilitez font contre Rahab.

I.

Nous ne faifons pas beaucoup de fonds fur le témoignage des Juifs qui ont parlé des mœurs de cette femme, & des circonftances de fa vie, avec cette témérité, dont ils ont accoutumé d'accompagner les recits les plus incertains. Il

eft

4. C'est la pensée de ST. AUGUSTIN quaft.2.in Jo fuam Tom. IV. pag. 122. 123. 5. JALCUT T part. II. fol. 3.

6. Voi, un long paffage de PLAT ON de Legibus Lib II. pag. 918-19-20, ATHENAI Deipnosoph. Lib. XIII,

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eft dit dans le Jalcut, que quand les Enfans d'Ifraël fortirent d'Egypte, elle étoit agée de dix ans qu'elle commença dès lors l'indigne métier de prostituée, dont fa jeuneffe fembloit la rendre encore incapable: & qu'elle le continua jusqu'à l'Epoque dont nous parlons. Mais voici quelque chofe de plus précis.

1. La fignification conftante du terme, qui exprime la profeffion de Rahab, eft celle d'une femme proftituée. Je ne fai même si l'on pourroit produire un feul paffage, dans lequel on toit forcé de le prendre dans un autre lens. 2. Les Septante ont fuivi cette Interprétation.

3. St. Paul & St. Jaques ont traduit de mê- Hebr. me: & il n'eft pas vraisemblable que ces Sts. XI. 13. Hommes cuflent voulu flétrir la réputation, Jac. II, & ternir ainfi les premiéres années d'une femme, qui fut enfuite vénérable dans l'Eglife, s'ils n'y avoient été contraints par les loix de la vérité.

4. La profeffion d'une Hôteliére, & celle d'une femme proftituée avoient anciennement une grande affinité, comme le prouve le témoignage de plufieurs Auteurs que nous indiquons. C'eft peut-être une des raifons, qui ont porté les Juifs à apeller ces deux profes fions du même nom,

Mais s'il y a beaucoup de vraisemblance dans l'opinion de ceux qui penfent que Rahab étoit une femme prostituée, nous ne trouvons rien

qui

pag. 566, &c. TOMASINUS de Tefferis hofpitalitatis Cap. 29. dans le Ix. vol. des Antiquit. Gr. pag. 278, Voi. HENR. STEPH. Thefaur, Ling. Gr. Tom. II. voce xaña pag. 67. col. 1.

qui juftifie la conjecture de ceux qui ont as vancé que les débordemens de fa vie venoient de fa Religion, qu'elle étoit dévouée à la Lu ne, qu'on prétend avoir été la Divinité tute laire de la ville de Jérico, & que la proftitu tion étoit une partie du culte qui lui étoit rendu.

Ce qu'il y eut d'infame dans quelques-unes des années de Rahab n'empêcha pás que fa Foi & fa Repentance ne fuffent agréables à Dieu, Les fuccès inouis des Ifraëlites, le bruit des victoires qu'ils avoient déjà remportées, cette fuite de merveilles dont leur féjour en Egyp te, & les quarante années qu'ils avoient paffées dans le Defert, avoient été accompagnez, toutes ces circonftances réunies engagérent Rahab à de profondes réflexions fur l'existence & fur les perfections du premier Etre elle comprit que la puiflance de Dieu n'étoit pas restreinte à certains lieux, & à certains peuples: elle fut convaincue que les nations, dont il étoit le moins connu, n'étoient pas moins fes créatures que celles qui lui rendoient le culte fupréme, & que les Cananéens étoient à lui comme les Ifraëlites: elle fe dévoua à fon fervice: la premiére victime, qu'elle lui immola, fut l'infame profeffion qu'elle avoit fuivie : elle regarda les Miracles, que Dieu avoit déja opérez en faveur des Juifs, comme des garants de ceux qu'il leur refervoit encore: elle ne douta point que ces favoris du Ciel ne fiffent bien-tôt la conquête de tout ce païs, fur les frontiéres duquel la Providence les avoit fi miraculeusement conduits: & elle voulut être incorporée dans

une

7 Voi. SALIAN Tom. II. Annal. fur l'an 2584. art.

II.25.

une Nation, pour laquelle Dieu fe déclaroit avec tant de pompe. Les Auteurs facrez difent Voi. Jac; qu'elle crût : & qu'elle fut juftifiée par fes auvres. Ils mettent la conduite, qu'elle tint envers les Efpions, parmi les preuves qu'elle donna de la fincérité de fa Foi. Elle les recueillit, & elle favorifa le deffein pour lequel ils étoient envoyez.

Mais quoique la fituation de fa mailon qui touchoit aux murailles de la ville, & qui étoit peut-être pratiquée dans l'épaiffeur des murailles mêmes, facilitât l'arrivée des Efpions, & quoique Rahab fut en poffeffion de recevoir des étrangers, ceux-ci furent bien-tôt découverts & fufpects. il eft vraisemblable que le Roi de Jérico, qui avoit depuis quatre mois aux portes de fa capitale une Armée ennemie, Voi. compofée de fix cents mille hommes, déjà fa- Nombr meufe par la défaite de plufieurs Rois, étoit &c. fur fes gardes. Il fut qu'ils étoient dans la XXXI.8. maifon de Rahab, & il lui ordonna de les Jofué 11, livrer.

XXI. I.

10.

Mais les mêmes motifs, qui l'avoient portée à les recevoir, l'engagérent à les dérober aux pourfuites de ce Prince. Elle les fit monter fur le toict de fa maifon, qui, felon la coutume de ce temps-là,-étoit fait en forme de terraffe, & où l'on avoit étendu du lin encore en tige, pour le faire fecher. Rahab couvrit les Efpions avec ce lin: elle dit à ceux qui les pourfuivoient, que véritablement il é- Jofué II. toit arrivé chez elle deux inconnus, mais qu'ils n'y avoient fait aucun féjour, qu'ils s'étoient retirez incontinent, & qu'on n'avoit qu'à les pour

10. pag. 316. col. 2.

poursuivre fi on avoit deffein de les atteindre.

Quelle fource fi ftérile pourroit-on imaginer, dans laquelle les Rabins n'euflent l'art de puifer quelque penfée? Il y a dans le Texte un fingulier, au lieu d'un pluriel, & c'est un tour d'expreffion assez ordinaire à la Langue Ste. Rabab le cacha, au lieu de les cacha ce qui femJofué II. bloit fe mieux raporter aux deux Efpions. Sur cela les Juifs ont dit que Caleb feul, qu'ils prétendent avoir été un de ceux que Jofué envoya avec Phinées, fut caché fous les tiges de lin: que Phinées n'eut Phinées n'eut pas befoin de cette précaution, parce qu'il étoit Sacrificateur, & par cela même invifible comme un Ange; felon ce qui eft dit, le Sacrificateur eft l'Ange de l'Eternel. La feinte de Rahab lui réuffit. Son confeil fut fuivi, ou plûtôt les hommes envoyez par le Roi de Jérico donnerent dans le piége qu'elle leur avoit tendu. Ils crurent que les Efpions étoient retournez dans les plaines de Moab d'où ils étoient venus, & dans l'efpérance de les furprendre, ils fe hâterent d'aller occuper les lieux où il falloit que ces deux Ifraëlites paffasfent le Jourdain. D'un autre côté le Roi de Jérico avoit fait fermer les portes de fa capitale, afin que les Efpions n'en puffent fortir, s'ils y étoient encore.

Malach. 11. 7.

Alors Rahab les degagea du lieu, où elle les avoit cachez. Elle leur declara les motifs

qui

8. Deuter. XI. 8. Jerem. XLVIII. 38. Matth. X. 27. Act. X. 9.

9. SALOM. JAR CHI in Jofuam II. 6. pag. 6. Seder Olam & nota MEIERI pag. 401.

io. Judai ita vocem Hebraicam intelligunt, ac fi nervi Cauaneorum fic effent remiffi, ut nullus eorum ampliùs par

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