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peuple, et dès-lors encore les Vincent, les Ronsin, les Momoro, les Grammont, les Maillard et tant d'autres furent me. nacés du coup qui alloit les frapper à leur

tour.

cc La terreur, s'écrioit Robespierre dans ce discours emphatique, la terreur n'est autre chose que la justice prompte, sevère, inflexible; elle est donc une émanation de Ja vertu. Elle est moins un principe particulier, qu'une conséquence du principe gé néral de la démocratie appliquée aux plus pressans besoins de la patrie. On a dit que la terreur étoit le ressort du gouvernement despotique, le nôtre ressembleroit-il donc au despotisme? oui, comme le glaive qui brille dans les mains des héros de la liberté ressemble à celui dont les satellites de la tyrannie sont armés. Que le despote gouverne par la terreur ses sujets abrutis, il a raison comme des pote. Domptez par la terreur les ennemis de la liberté et vous' aurez raison comme fondateurs d'une république. Le gouvernement révolutionnaire est le despotisme de la liberté contre a tyrannie.... On se plaint de la déten

tion

tion des ennemis de la république, on cherche ces exemples (voici pour Camille) dans l'histoire des tyrans, parce qu'on ne veut pas les choisir dans celle des peuples. A Rome, lorsque le consul découvrit la conspiration et l'étouffa sur le champ par la mort des complices de Catilina, il fut accusé d'avoir violé toutes les formes, par qui ? par l'ambitieux César qui vouloit grossir son parti de la horde des conjurés ; par les Pisons, les Claudius et les mauvais citoyens qui redoutoient pour eux-mêmes la vertu d'un vrai Romain et la sévérité des loix. Punir les oppresseurs de l'humanité, c'est clémence; leur pardonner, c'est barbarie. La rigueur des tyrans n'a pour principe que la rigueur, celle du gouvernement républicain part de la bienfaisance..... Les ennemis intérieurs du peuple français se sont divisés en deux corps d'armée; l'une de ces deux factions nous pousse à la foiblesse, l'autre à l'excès. Celle-ci veut changer la liberté en bacchante, celle-là en prostituée ce sont les modérés et les faux révolutionnaires.... Tel appeloit la France à la conquête du monde, qui n'avoit d'auTome XII, 3: Part.

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tre but que d'appeler les tyrans à la conquête de la France. L'étranger hypocrite Clootz, qui, depuis cinq années, proclamoit Paris la capitale du globe, ne faisoit que traduire, dans un autre jargon, les anathêmes des vils fédéralistes qui vouoient Paris à sa destruction ( quel stupide amalgame de mensonges). Prêcher l'athéisme

'est qu'une manière d'absoudre la superstition et d'accuser la philosophie; et la guerie déclarée à la divinité, n'est qu'une diversion en faveur de la royauté ».

Il falloit que ce tigre comptât beaucoup sur la terreur qu'il avoit inspirée et dont il parloit tant, pour qu'il ne craignît pas qu'un membre de la convention pulvérisât cet échafaudage et lui arrachât son masque. C'étoit déjà beaucoup qu'il eût parlé de la sorte, sans faire sur le champ mettre à mort ceux qu'il désignoit ; car ordinairement, entre la menace et l'effet, il ne laissoit d'intervalle que celui qui existe entre l'éclair et la foudre : cependant, pour cette fois, il fit, comme nous l'avons annoncé tout-à-l'heure, précéder le coup qu'il méditoit d'une nouvelle diatribe gré

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parée par l'écolier Saint-Just qui, bien qu'à peine sorti de l'enfance, étoit aussi consommé et aussi froid dans le crime que son roi Robespierre,

Saint Just étoit né à Blérancourt, près Noyon, dans le departement de l'Aisne ; il avoit reçu de la nature un de ces caractères ardens qui ouvrent le cœur à toutes les impressions fortes et précipitent dans un abyme de déréglemens, lorsqu'ils ne sont pas contenus par des principes. L'enthousiasme de la nouveauté, aliment or dinaire d'une ame active et entreprenante, le lança de bonne heure dans la carrière révolutionnaire, où il se crut un géant, Cette idée se fortifia d'autant plus en lui, il eut d'autant plus lieu de se croire un héros, que quand il débuta dans la convention par ses extravagances révolutionnaires, les choses étoient tellement empirées qu'on n'osoit déjà plus fronder les ridicules horreurs qu'il débitoit à la tribune. A peine échappé de la poussière de l'école, tout gonflé d'une prétendue érudition qu'il croyoit avoir puisée dans Montesquieu qu'il ne comprenoit pas, il pensa que le

Juxe et les arts portés à l'excès, étant les principes vicieux qui inclinent un gouvernement vers sa chute, il falloit, des-lors, anéantir le luxe, le commerce et les arts; et aussi-tôt il s'écrie, que ce n'est pas le bonheur de Persépolis, mais celui de Sparte qu'il faut procurer à la France. Il n'admet plus de foi privée, une foi publique lui 'suffit. Détruisant ensuite la sensibilité, les larmes versées sur la tombe d'un père, d'un frère ou d'un ami, lui paroissent un vol fait à la cité; s'attendrir en particulier étoit un crime, et ne pas pleurer généralement c'étoit conspirer. Poussant au suprême degré la fureur de la dévastation, il dit ailleurs ; «< L'esprit humain est au jourd'hui malade et sa foiblesse produit le malheur; n'en doutez pas, tout ce qui existe autour de nous doit changer et finir, parce que tout ce qui existe autour de nous est injuste ; un révolutionnaire doit être prêt à marcher les pieds dans le sang et dans les larmes ». Il semble que la tâche particulière de ce conspirateur fut de faire disparoître à jamais, du sein des Français, les principes de la morale sociale, pour les

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