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Mr. DE SOTENVILLE.

Cela eft jufte, & c'eft l'ordre des procédez. Allons, mon gendre, faites fatisfaction à Monfieur. GEORGE DANDIN.

Comment fatisfaction?

Mr. DE SOTENVILLE.

Oui. Cela fe doit dans les régles pour l'avoir à tort accufé.

GEORGE DANDIN.

C'est une chofe moi dont je ne demeure pas d'ac cord de l'avoir à tort accufé, & je fçay bien ce que j'en penfe.

Mr. DE SOTEN VILLE.

Il n'importe. Quelque penfée qui vous puiffe refter, il a nié, c'eft fatisfaire les perfonnes, & l'on n'a nul droit de fe plaindre de tout homme qui fe dédit.

GEORGE DANDIN.

Si bien donc que fi je le trouvois couché avec ma femme, il en feroit quitte pour se dédire.

Mr. DE SOTEN VILLE.

Point de raifonnement. Faites-lui les excufes que je vous dis.

GEORGE DANDIN.

Moi, je lui fera: encore des excufes aprés...
Mr. DE SOTENVILLE.

Allons; vous dis-je. Il n'y a rien à balancer, & vous n'avez que faire d'avoir peur d'en trop faire, puifque c'est moi qui vous conduis.

GEORGE DANDIN.

Je ne fçaurois...

Mr. DE SOTENVILLE.

Corbleu, mon gendre, ne m'échauffez pas la bile, je me mettrois avec luy contre vous. Allons. Laiflez vous gouverner par moi.

GEORGE DANDIN.

Ah George Dandin!

Mr. DE SOTENVILLE.

Vôtre bonnet à la main le premier, Monsieur eft Gentilhomme, & vous ne l'étes pas.

GEORGE DANDIN.

J'enrage.

Mr.

Mr. DE SOTENVILLE.

Répétez aprés moi, Monfieur.
GEORGE DANDIN.

Monfieur.

Mr. DE SOTENVILLE.

Je vous demande pardon. Il voit que fon gendre fait difficulté de luy obéïr. Ah!

GEORGE DANDIN.

Je vous demande pardon.

Mr. DE SOTENVILLE.

Des mauvaises penfées que j'ay euës de vous.
GEORGE DANDIN.

Des mauvaises penfées que j'ay euës de vous.
Mr. DE SOTENVILLE.

C'eft que je n'avois pas l'honneur de vous connoître.

GEORGE DANDIN.

C'eft que je n'avois pas l'honneur de vous connoître.

Mr. DE SOTENVILLE.

Et je vous prie de croire.

GEORGE DANDIN.

Et je vous prie de croire.

Mr. DE SOTENVILLE

Que je fuis vôtre ferviteur.

GEORGE DANDIN.

Voulez-vous que je fois ferviteur d'un homme qui

me veut faire cocu?

Mr. DE SOTENVILLE..

Il le menace encore.

Ah!

CLITANDRE.

Il fuffit, Monfieur.

Mr. DE SOTENVILLE.

Non, je veux qu'il achéve, & que tout aille dans les formes. Que je suis vôtre serviceur.

GEORGE DANDIN.

Que je fuis vôtre ferviteur.

CLITANDRE.

Monfieur, je fuis le vôtre de tout mon cœur,' & je ne fonge plus à ce qui s'eft paffé. Pour vous, Monfieur, je vous donne le bon jour, & fuis fâché du petit chagrin que vous avez cu.

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Mr. DE SOTENVILLE.

Je vous baife les mains, & quand il vous plaîra, je vous donnerai le divertiflement de courre liévre.

CLITANDRE.

C'est trop de grace que vous me faites.
Mr. DE SOTENVILLE.

un

Voilà,mon gendre, comme il faut pouffer les chofes. Adieu. Sçachez que vous étes entré dans une famille qui vous donnera de l'appui, & ne souffrira point que l'on vous faffe aucun affront.

SCENE VII.

GEORGE DANDIN

H que je... vous l'avez voulu, vous l'avez vouAlu, George Dandin, vous l'avez voulu, cela vous fied fort bien, & vous voilà ajufté comme il faut, vous avez juftement ce que vous méritez. Allons, il s'agit feulement de défabufer le pere & la mere & je pourrai trouver peut-être quelque moyen d'y réüffir.

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Fin du Premier Acte.

ACTE SECOND,

SCENE I.

CLAUDINE, LUBIN.

CLAUDINE.

Ui j'ay bien deviné qu'il falloit que cela vint de toi, & que tu l'euffes dit à quelqu'un qui l'ait rapporté à nôtre Maître. LUBIN.

-Parma foi je n'en ai touché qu'un petit mot en paffant à un homme, afin qu'il ne dit point qu'il m'avoit vi fortir, & il faut que les gens en ce païscy foient de grands babillards,

CLAUS

CLAUDINE.

Vrayment ce Monfieur le Vicomte a bien choisi fon monde que de te prendre pour fon Ambaffadeur, & il s'eft alle fervir là d'un homme bien chanceux.

LUBIN.

Va, une autrefois je ferai plus fin, & je prendrai mieux garde à moy.

CLAUDINE.

Oui, oüi, il fera temps.

LUBIN.

Ne parlons plus de cela, écoute..

CLAUDINE,

Que veux tu que j'écoute !

LUBIN.

Tourne un peu ton vifage devers moi.

CLAUDINE,

Hé bien qu'eft-ce?

LUBIN..

Claudine.

CLAUDINE.

Quoi ?

LUBIN.

Hé là, ne sçais-tu pas bien ce que je veux dire

Non.

CLAUDINE.

LUBIN.

Morgué je t'aime.

CLAUDINE.

Tout de bon.

LUBIN.

Oui le diable m'emporte, tu me peux croire, puis

que j'en jure.

CLAUDINE.

A la bonne heure.

LUBIN.

Je me fens tout tribouiller le coeur quand je te re

garde.

CLAUDINE.

Je m'en réjouis.

LUBIN,

Comment eft-ce que tu fais pour être fi jolia?

CLAU

CLAUDINE.

Je fais comme font les autres.

LUBIN.

Vois tu, il ne faut point tant de beurre pour faire un quarteron. Si tu veux tu feras ma femme, je ferai ton mari, & nous ferons tous deux mari & femme. CLAUDINE.

Tu ferois peut-étre jaloux comme nôtre Maître.
LUBIN.

Point.

CLAUDINE.

Pour moi je haïs les maris foupçonneux, & j'en veux un qui ne s'épouvante de rien, un fi plein de confiance, & fi fûr de ma chafteté qu'il me vit fans inquiétude au milieu de trente homines.

LUBIN.

Hé bien, je ferai comme cela.

CLAUDINE.

C'eft la plus fotte chofe du monde que de fe'défier d'une femme, & de la tourmenter. La vérité de l'af faire eft qu'on n'y gagne rien de bon; cela nous fait fonger à mal, & ce font fouvent les maris qui avec leurs vacarmes fe font eux-mêmes ce qu'ils font.

LUBIN.

Hé bien, je te donnerai la liberté de faire tout ce qu'il te plaira.

CLAUDINE.

Voilà comme il faut faire pour n'étre point trompé. Lors qu'un mari fe met à nôtre difcretion, nous ne prenons de liberté que ce qu'il nous en faut ; & il en eft comme avec ceux qui nous ouvrent leur bourse & hons difent, prenez. Nous en ufons honnêtement, & nous nous contentons de la raifon. Mais ceux qui nous chicanent, nous nous efforçons de les tondre, & nous ne les épargnons point.

LUBIN.

Va. Je feray de ceux qui ouvrent leur bourse, tu n'as qu'à te marier avec moi.

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&

CLAU

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