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époux américains nous appellent au fond de leurs déserts; là nous entendons gémir la vierge dans les solitudes du cloître: Homère vient se placer auprès de Milton, Virgile à côté du Tasse : les ruines de Memphis et d'Athènes contrastent avec les ruines des monuments chrétiens, les tombeaux d'Ossian avec nos cimetières de campagne; à Saint-Denis nous visitons la cendre des rois; et quand notre sujet nous force de parler du dogme de l'existence de Dieu, nous cherchons seulement nos preuves dans les merveilles de la nature; enfin nous essayons de frapper au cœur de l'incrédule de toutes les manières : mais nous n'osons nous flatter de posséder cette verge miraculeuse de la religion, qui fait jaillir du rocher les sources d'eau vive.

Quatre parties, divisées chacune en six livres, composent notre ouvrage. La première traite des dogmes et de la doctrine.

La seconde et la troisième renferment la poétique du christianisme, ou les rapports de cette religion avec la poésie, la littérature et les arts.

La quatrième contient le culte, c'est-à-dire tout ce qui concerne les cérémonies de l'Église et tout ce qui regarde le clergé séculier et régulier.

Au reste, nous avons souvent rapproché les dogmes et la doctrine des autres cultes, des dogmes, de la doctrine et du culte évangéliques : pour satisfaire toutes les classes de lecteurs, nous avons aussi touché de temps en temps la partie historique et mystique de la religion. Maintenant que le lecteur connoît le plan général de l'ouvrage, entrons dans

l'examen des Dogmes et de la Doctrine; et, afin de passer aux mystères chrétiens, commençons par nous enquérir de la nature des choses mystć

rieuses.

CHAPITRE II.

DE LA NATURE DU MYSTÈRE.

Il n'est rien de beau, de doux, de grand dans la vie, que les choses mystérieuses. Les sentiments les plus merveilleux sont ceux qui nous agitent un peu confusément : la pudeur, l'amour chaste, l'amitié vertueuse, sont pleins de secrets. On diroit que les cœurs qui s'aiment s'entendent à demi-mot, et qu'ils ne sont que comme entr'ouverts. L'innocence, à son tour, qui n'est qu'une sainte ignorance, n'estelle pas le plus ineffable des mystères? L'enfance n'est si heureuse que parce qu'elle ne sait rien, la vieillesse si misérable, que parce qu'elle sait tout; heureusement pour elle, quand les mystères de la vie finissent, ceux de la mort commencent.

la

S'il en est ainsi des sentiments, il en est ainsi des vertus les plus angéliques sont celles qui, découlant immédiatement de Dieu, telles que charité, aiment à se cacher aux regards, comme leur source.

En passant aux rapports de l'esprit, nous trouvons que les plaisirs de la pensée sont aussi des secrets. Le secret est d'une nature si divine, que

les premiers hommes de l'Asie ne parloient que par symboles. A quelle science revient - on sans cesse? à celle qui laisse toujours quelque chose à deviner et qui fixe nos regards sur une perspective infinie. Si nous nous égarons dans le désert, une sorte d'instinct nous fait éviter les plaines, où tout est vu d'un coup d'œil; nous allons chercher ces forêts, berceau de la religion, ces forêts dont l'ombre, les bruits et le silence sont remplis de prodiges, ces solitudes où les corbeaux et les abeilles nourrissoient les premiers Pères de l'Eglise, et où ces saints hommes goûtoient tant de délices, qu'ils s'écrioient : « Seigneur, c'est assez; je mourrai de douceurs, si vous ne modérez ma joie !» Enfin, on ne s'arrête pas au pied d'un monument moderne dont l'origine est connue; mais que dans une île déserte, au milieu de l'Océan, on trouve tout à coup une statue de bronze dont le bras déployé montre les régions où le soleil se couche, et dont la base soit chargée d'hieroglyphes, et rongée par la mer et le temps, quelle source de méditations pour le voyageur! Tout est caché, tout est inconnu dans l'univers. L'homme lui-même n'est-il pas un étrange mystère ? D'où part l'éclair que nous appe lons existence, et dans quelle nuit va-t-il s'éteindre ? L'Éternel a placé la Naissance et la Mort, sous la forme de deux fantômes voilés, aux deux bouts de notre carrière : l'un produit l'inconcevable moment de notre vie, que l'autre s'empresse de dévorer.

Il n'est donc point étonnant d'après le penchant de l'homme aux mystères, que les religions de tous

les peuples aient eu leurs secrets impénétrables. Les Selles étudioient les paroles prodigieuses des colombes de Dodone; l'Inde, la Perse, l'Éthiopie . la Scythie, les Gaules, la Scandinavie, avoient leur s cavernes, leurs montagnes saintes, leurs chênes sacrés, où le brachmane, le mage, le gymnosophiste, le druide, prononçoient l'oracle inexplicable des Immortels.

A Dieu ne plaise que nous voulions comparer ces mystères aux mystères de la véritable religion, et les iminuables profondeurs du Souverain qui est dans le ciel aux changeantes obscurités de ces dieux, ouvrages de la main des hommes ! Nous avons seulement voulu faire remarquer qu'il n'y a point de religion sans mystères; ce sont eux qui, avec le sacrifice, constituent essentiellement le culte: Dieu même est le grand secret de la nature; la divinité étoit voilée en Égypte, et le sphinx s'asseyoit sur le seuil de ses temples.

1 Sap., cap. xшi, v. 10.

CHAPITRE III.

DES MYSTÈRES CHRÉTIENS.

DE LA TRINITÉ.

On découvre au premier coup d'œil, dans la partie des mystères, un grand avantage de la religion chrétienne sur les religions de l'antiquité. Les mystères de celles-ci n'avoient aucun rapport avec l'homme, et ne formoient tout au plus qu'un sujet de réflexion pour le philosophe, ou de chants pour le poëte. Nos mystères, au contraire, s'adressent à nous; ils contiennent les secrets de notre nature. Il ne s'agit plus d'un futile arrangement de nombres, mais du salut et du bonheur du genre humain. L'homme qui sent si bien chaque jour son ignorance et sa foiblesse, pourroit-il rejeter les mystères de Jésus-Christ? ce sont ceux des infortunés !

La Trinité, premier mystère des chrétiens, ouvre un champ immense d'études philosophiques, soit qu'on la considère dans les attributs de Dieu, soit qu'on recherche les vestiges de ce dogme autrefois répandu dans l'Orient. C'est une très méchante manière de raisonner que de rejeter ce qu'on ne peut comprendre. A partir des choses les plus simples dans la vie, il seroit aisé de prouver que nous ignorons tout, et nous voulons pénétrer dans les ruses de la Sagesse!

La Trinité fut peut-être connue des Égyptiens :

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