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que

dans l'histoire de l'Esprit humain, dont ils signalent toute la force.

Français cette gloire est immense ; elle n'appartient qu'à vous. Ne vous en montrez pas indignes en la laissant dépérir. Héritiers industrieux de vos opulens ancêtres, accroissez encore ce noble héritage : que cette succession de triomphes ne finisse point à vous. Démentez, démentez aussi l'inconstance des destinées humaines. Osez du moins le tenter. Le premier pas vers les grandes choses est l'espérance d'y parvenir. Osez l'avoir cette généreuse espérance: le grand Siècle qui vient d'expirer semble vous la léguer luimême. Toute sa gloire n'a pas reposé sur quelques hommes supérieurs dont l'existence est passagère, et qui dans l'Empire des Arts laissent rarement de postérité. Non, la France toute entière a pris part à leurs succès, a idolâtré leurs talens, s'est éclairée de leurs lumières, et elle a fait de tant de gloire un patrimoine vraiment national. Cette admiration pour les talens, ces lumières ne sont pas éteintes. Tant d'ouvrages consacrés aux saines doctrines, tant d'excellentes critiques, de traités d'Eloquence et de Poésie,

tant

tant de précautions prises dans le dix-huitième Siècle pour prévenir la décadence du goût, la corruption de la langue, empêcheront long-tems parmi vous et la langue de se corrompre et le goût de se dépraver. Ce Siècle que vous avez vu finir a laissé des guides habiles au Siècle qui vient de naître; leur expérience saura l'introduire dans la route des succès, où tout lui impose le devoir d'imprimer à son tour des traces lumineuses.

Oui, Français, n'en doutez pas, votre Littérature est appelée à de nouvelles conquêtes. Les troubles dont vous avez été témoins, ces agitations convulsives qui ont ébranlé tout l'Empire, ces agitations ellesmêmes sont des gages assurés de votre éclatant avenir. Elles ont placé ce Siècle dans la même situation où se trouvait le Siècle de Louis après les divisions intestines et les guerres de sa minorité. Elles ont laissé dans les esprits cette activité inquiète et féconde, qui, lorsque ces crises terribles ont cessé se tourne en véritable force, et porte encore toute l'ardeur, toute la violence des factions dans les hautes et nobles entreprises. Si jusqu'à présent cette vigueur secrette ne s'est

pas également fait sentir dans toutes les parties de votre Littérature, elle s'est signalée dans vos camps, et l'attention publique l'y a suivie. Mais quand les regards de la Nation, arrêtés depuis plusieurs années sur de grands événemens, loin du sanctuaire paisible des Muses, viendront à se reporter enfin avec plus de calme sur ces Arts qui furent toujours le premier des plaisirs, la plus douce des jouissances pour les Nations civilisées, et qui sont un besoin pour les Français; alors on verra se déployer cette énergie des esprits,* après celle des caractères, cette émulation cette soif de travaux et de célébrité qui suivent chez tous les peuples le passage sanglant et rapide des Révolutions; alors le Siècle de Bossuet et de Corneille, celui de Voltaire et de Montesquieu, reconnaîtront leur successeur; alors la Renommée, long, tems fixée sous nos drapeaux, viendra planer sur nos murs; et cette grande époque de l'Histoire, commencée par tous les prodiges de la guerre, s'enrichira dans le sein de la paix, de tous les triomphes des Arts.

ET

DISSERTATIONS.

Page 15. Jusqu'alors tous les siècles célebres avaient paru marcher à la suite de quelques esprits créateurs: Fontenelle n'a rien créé, si ce n'est peutétre l'esprit de son siècle, etc.

sur.

LES Es bons ouvrages de Fontenelle, ses Éloges tout, si souvent imités, et toujours restés modèles, eurent, en effet, beaucoup d'influence sur l'esprit naissant du dix-huitième siècle, moins en augmentant les lumières des hommes déjà versés dans l'étude des sciences, qu'en attirant sur ces études elles-mêmes un intérêt général qu'elles n'avaient point inspiré jusqu'alors.

Pour ne parler ici que de ces Éloges, leur réunion présente un tableau bien digne de réveiller l'attention, et d'exciter le respect, ou même l'enthousiasme. C'est là qu'on embrasse , pour ainsi dire, l'ensemble de l'esprit humain dans ses variétés infinies; qu'on observe l'abondance et la richesse de ses facultés, si bien ordonnées entre elles, et cependant si diverses; qu'on

les voit se développer dans les Sciences de tout genre, dans les génies de toutes les trempes, dans les travaux des Newtons, des Mallebranches, des Leibnitz, des Cassinis, des Vaubans, des Boërhaves. C'est là qu'on voit les découvertes les plus étonnantes, les plus neuves même, préparées par des découvertes faites à des siècles d'intervalle, dans des Langues, et quelquefois dans des Sciences toutes différentes et qu'on admire comment les Hommes de génie de tous les tems et de tous les lieux, élèvent ainsi de concert cet étonnant édifice des Connaissances humaines.

Tels sont les objets que Fontenelle a su rendre visibles à tous les yeux par une exposition des faits une analyse toujours claire, précise, méthodique, une critique souvent lumineuse. Il rendit en quelque sorte témoins du développement des Sciences, il introduisit dans les routes qu'elles avaient parcourues, dans les secrets du Génie qui les avait fécondées ceux qui n'avaient point approfondi les Sciences, ceux même qui y étaient presque étrangers. Son plus bel éloge est renfermé dans cet hémistiche de Voltaire : l'ignorant l'entendit. Il sut répandre le goût de l'instruction et des études sérieuses dans ce qu'on appelle le Monde. Mais on doit vivement regretter que, peu fait par son caractère comme par la nature de son esprit, pour les ouvrages de sentiment et d'imagination, il s'y soit livré long-tems avec une constance malheureuse.

Comme nous l'observons ailleurs, il conserva toujours des traces de la fausse direction donnée à ses

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