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CATON D'UTIQUE.

LA maifon de Caton tira le commencement de fon éclat & de fon luftre de fon bifayeul Caton le Cenfeur, personnage qui par fa vertu parvint à une plus grande réputation & à une plus grande puiffance qu'aucun Romain de fon tems, comme nous l'avons écrit dans fa vie. (a) Celui-ci dont nous parlons pré

(a) Celui-ci, dont nous petit-fils du premier.) Voici parlons préfentement, arriere- la généalogie.

Caton le Cenfeur eut deux femmes.

De fa femme Licinia il eut,

M. Porcius Cato Licinianus, mort désigné préteur du vivant de fon pere. Il laissa

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M. Porcius Cato M. F. M. N. qui fut conful avec Q. Marcius Rex, & mourut en Afrique. Il eut pour fils

M. Porcius Cato M. F. M. N. M. P. N. qui mourut dans les Gaules,

De fa femme Salonia il eut,

M. Porcius Cato Salonianus, M. F. qui laiffa deux fils;

M. Porcius Cato, & L. Porcius Cato, M. F. M. N.

Ce M. Porcius Cato mort dans la poursuite de la prétúre,

laiffa,

M. Porcius Cato, qui fut ce Caton d'Utique.

Tome VIII.

A

fentement, arriere petit-fils du premier, fut laiffé orphelin de pere & de mere avec fon frere Cæpion, & une fœur nommée Porcie. (a) Il avoit auffi une autre four appellée Servilie, mais elle n'étoit fœur que de mere. Ils furent tous nourris & élevés dans la maifon de (b) Livius Drufus, leur oncle maternel, qui tenoit alors le premier rang, & avoit la principale autorité dans la ville homme très-éloquent, d'une très-grande fageffe, & qui, en courage & en grandeur d'ame, ne cédoit à aucun des Romains.

On dit que Caton dès fon enfance, & dans fa voix & dans fon vifage, & dans toutes fes actions, jufques dans fes jeux mêmes, fit, paroître un naturel inflexible qui ne s'étonnoit. ni ne s'émouvoit de rien, & une fermeté inébranlable en toutes choses. Car il n'entreprenoit rien dont il ne vînt à bout, & il s'y opiniâtroit avec une ardeur au-delà de fon âge, Et s'il paroiffoit revêche & rebours à ceux qui vouloient le gagner par leurs flatteries, il fe montroit encore plus rebelle à ceux qui vouloient l'intimider par leurs menaces. Il étoit très-difficile de l'émouvoir jusqu'à le

(a) Il avoit auffi une autre four appellée Servilie.) Il n'en eut pas une feule, il en eut trois, mais feulement fonts de mere. L'une fut mere de Brutus, qui tua Céfar; la feconde fut mariée à Lucullus, & la troiGéme à Junius Silanus. Cæpion n'étoit non plus fon

frere que de mere.

(b) Livius Drufus, leur oncle maternel.) Il manque un mot au texte, θείῳ μὲν ὄντε

rpès, il faut fuppléer comme dans un manufcrit, i mir. ὄντι πρὸς τῶν μητρός, car Livius Drufus n'étoit pas oncle de la mere de Caton, mais fon frere.

faire rire, & ce n'eft que très-rarement qu'on a vu fon vifage s'épanouir jufqu'au fouris. Il n'étoit ni fujet ni prompt à fe mettre en colere, mais quand il y étoit une fois, il n'étoit pas facile de l'appaifer.

Quand il commença à étudier les belleslettres, il fe trouva dur & lent à comprendre; mais ce qu'il avoit une fois bien compris, il le retenoit fort bien, & avoit la mémoire ferme & sûre, ce qui arrive assez ordinairement; car on voit que les efprits vifs font naturellement oublieux, & que les efprits lents qui n'apprennent qu'à force d'application & de peine, retiennent beaucoup mieux ce qu'ils ont une fois appris, chaque chofe qu'on apprend & qu'on inculque dans fa tête étant un nouveau mouvement & une forte de flamme qui allume l'ame; mais ce qui contribuoit le plus à rendre Caton fi dur & fi lent à apprendre, c'eft qu'il ne croyoit pas légérement. Car apprendre ce n'eft autre chofe que recevoir une impreffion, & il arrive toujours que ceux-là croient plus facilement qui ont le moins d'objections à faire contre ce qu'on leur dit; c'eft pourquoi les jeunes gens croient plus facilement que les vieux, & les malades que les fains. Et en général par-tout où la partie qui doute eft la plus foible, le confentement eft le plus prompt. Cependant Caton ne laiffoit pas d'obéir en tout à fon précepteur & de faire tout ce qu'il lui ordonnoit, mais il lui demandoit toujours la raison de chaque chofe, & en tout il vouloit favoir

le pourquoi. Auffi dit-on que fon précepteur étoit très-honnête homme & très-favant, & qu'il avoit plutôt en main la raison que la férule: il s'appelloit Sarpedon.

Pendant que Caton étoit encore enfant, les peuples de l'Italie, alliés des Romains, follicitoient le droit de bourgeoifie dans Rome, & Pompédius Silo, grand homme de guerre, & qui avoit beaucoup de réputation, logea pour cet effet plufieurs jours chez Livius Drufus fon ami particulier. Pendant ce tems-là il s'amufa fouvent avec les enfans qui étoient dans la maifon, & vivoit avec eux dans la derniere familiarité. Un jour il leur dit: O çà, mes beaux enfans, intercédez pour nous auprès de votre oncle, afin qu'il nous aide à obtenir le droit de bourgeoifie que nous demandons. Cæpion en riant fit d'abord figne qu'il folliciteroit fon oncle; & comme Caton ne répondoit rien, & qu'il tenoit les yeux fixement attachés fur ces étrangers avec un vifage refrogné & févere; Et toi, mon enfant, lui dit Pompédius, que dis-tu? ne veux-tu pas parler à ton oncle en faveur de fes hôtes auffibien que son frere? Comme il ne répondoit rien encore, & que, par fon filence & par tout fon air, il paroiffoit rejetter fa priere Pompédius, le prenant entre fes bras, & le tenant fufpendu hors de la fenêtre comme prêt à le jetter, lui dit promets de parler, ; ou je te jette ; ce qu'il lui dit d'un ton rude & menaçant, en le tenant toujours hors de la fenêtre, & lui donnant diverfes fecouffes

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