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Qu'il soit docte ou qu'il sçache escrire

Ny qu'il dise le mot pour rire;

Mais c'est seulement qu'il est né Coiffé.

N'en déplaise à l'auteur de ces jolis vers, frère René disait très-souvent le mot pour rire c'était la source de sa fortune.

Il jouait, perdait, gagnait, riait, jurait, amassait, perdait encore; faisait représenter de mauvaises comédies, recevait de toutes mains et se permettait ce que nul autre au monde n'aurait osé. Il dînait souvent chez le coadjuteur de Retz, qui tenait table ouverte. Un jour, craignant que l'affluence des convives ne rendit sa part moins bonne, il eut soin de descendre sous le péristyle au moment où ils arrivaient en foule ; et là, ayant l'air de compter chacun des nouveaux venus, il disait tout haut:

- Et de scize...

L'hospitalité se pratiquait à cette époque d'une manière plus large, plus irrégulière et plus facile qu'aujourd'hui. Le convive accueilli par ses paroles, craignant d'arriver le seizième et d'être de trop, se hâtait de disparaître. Cependant, le moment arrive de s'asseoir à table. Le cardinal s'étonne, regarde autour de lui, compte cinq ou six convives, et témoigne sa surprise.

Monseigneur, dit Boisrobert, le dîner sera excellent, nous le mangerons bien. Je ne vois aucune nécessité d'un plus grand nombre d'hôtes. Voilà une excellente soupe (on parlait ainsi à cette époque); et ce qu'il y a de charmant, c'est que nous n'avons pas à craindre que votre chef se soit trompé sur la quantité.

-Comment cela? dit le cardinal.

- J'ai eu soin de me tenir à la porte et de persuader à chacun des arrivants que vous aviez déjà quinze convives à table, ils se sont évanouis en un clin d'œil, et me voilà, grâce à Dieu, beaucoup plus rapproché de Votre Eminence et très-certain de bien dîner.

Cela s'appelait un tour à la Boisrobert et personne ne s'en formalisait. Une certaine naïveté facile de manières, et, comme le dit Ménage, une niaiserie apparente; un ton doux, aimable, sans prétention; cette ingénuité de paysan balourd, qui éloigne toute idée d'intrigue ou d'ambition personnelle, servaient de passe-port au personnage qui réussissait partout et se tirait des plus mauvais pas. Hardi jusqu'à l'impertinence, habile à réparer les témérités de sa langue et de sa conduite par la promptitude, l'à-propos de son esprit. Lorsqu'il alla en Angleterre avec le duc et la duchesse de Chevreuse pour le mariage de Madame, mais surtout (dit un contemporain) « pour y attraper quelque chose », il pensa se faire un mauvais parti avec les Anglais. La sévérité du climat affectait sa santé; la sévérité des mœurs le contrariait et il tomba malade. Alors il fit une superbe élégie où, ne ménageant pas plus les Anglais que ne le fit Saint-Amand, son camarade, il Inaudissait ce climat barbare. La duchesse, qui n'était pas plus sage que lui, et à laquelle il communiqua ces beaux vers, n'eut rien de plus pressé que de les lire au comte de Carlyle et au comte d'Holland; le premier ne fit qu'en rire, mais le comte d'Holland déclara une guerre sérieuse au pauvre Boisrobert. Le français que parlait lord Holland ne se distinguait pas par une grande pureté. Il ne disait pas la duchesse de Chevreuse, mais la toutchaise de Tchefrousse, ni il faut distinguer, mais foutistiker; et le jargon bizarre de sa galanterie amusait étrangement la spirituelle et étourdie nièce du cardinal de Richelieu, et Boisrobert qui le contrefaisait à merveille.

Un soir, que dans une barque à l'espagnole, dont l'usage s'était introduit sous Jacques II, lord Holland, lord Carlyle, la duchesse et Boisrobert descendaient lentement les vastes eaux de la Tamise, que dorait le soleil couchant, l'abbé de Châtillon-sur-Seine parut tout à coup plongé dans la rêverie, et lord Holland jugeant le moment favorable pour se venger un peu:

-

Pas de doute, dit-il en accentuant à l'anglaise le plus mauvais français du monde, que M. l'abbé ne soit occupé dans le moment présent à faire des vers. Foutistiker (il faut distinguer) entre M. de Boisrobert abbé et M. de Boisrobert poëte!

-Ah! monsieur le comte, s'écria l'abbé, le beau pays! Comment, reprit le comte, c'est un climat barbare, et vous le savez bien.

- Milord, dit Boisrobert, ne me querellez pas là-dessus, je vous le demande en grâce. Mme la duchesse, qui (ne lui en déplaise) est maligne comme trois pages, m'a joué un mauvais tour de trahir le secret de mes tristes vers. J'étais si enrhumé, monsieur le comte!

Mais pour cela, monsieur de Boisrobert, nous ne sommes pas des barbares!

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Ah! milord! je tiens pour barbares tous les pays où je suis malade, et j'en eusse dit autant du paradis terrestre en pareille occasion. Mais, depuis que je me porte bien, surtout du moment où votre roi m'a fait la grâce de m'envoyer trois cents jacobus, je trouve le climat fort radouci.

Comme on abordait alors à White-Hall, et que le comte de Carlyle, plus homme du monde que lord Holland, et disposé à tout pardonner à Boisrobert, donnait la main à la duchesse:

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Je ne demanderais pas mieux, reprit lord Holland, dans son jargon, mais il faut distinguer (foutistiker). Vous ne savez pas le tour qu'il m'a joué? Comme j'étais l'autre soir chez la duchesse, et que Boisrobert entra, elle me pria de passer dans un cabinet, et de rester caché derrière une tapisserie jusqu'à ce que monsieur eût achevé l'imitation fort exacte, me disait-elle, du langage et des manières de tous les hommes de la cour. La duchesse, vous le savez, fait ce qu'elle veut de moi. J'obéis; j'eus le plaisir d'assister une bonne heure durant à ma propre représentation, milord, car c'était moi que l'on parodiait!

Lord Carlyle avait grand' peine à ne pas éclater de rire, et se tournant vers Boisrobert:

A propos, lui dit-il, monsieur l'abbé, j'ai obtenu de M. le duc de Buckingham la permission que vous sollicitez pour les trois haquenées. Vous les emmènerez en France quand vous voudrez.

Et elles vous tireront de ce pays barbare, reprit le duc de Holland.

Ainsi marchait frère René, à travers tous les périls, sans se déconcerter jamais. Il était doué de cette faculté de la race féline qui tombe sans se briser, et double son élasticité par ses chutes. Aussi n'avait-il pas d'ennemis. Une saillie réparait tout. Témoin sa réponse au cardinal de Retz et son mot sur le nez rouge de maître Mulot (1). III. Nouveaux tours de Boisrobert. Ses comédies. Les TroisOrontes et les Trois-Racans. Le commis Penon. L'Académie.

Tel était le facétieux personnage qui, devenu l'ami nécessaire du cardinal, détermina, comme on l'a vu plus (1) Voyez le tome XXI, page 261.

haut, la fondation de l'Académie française. Il se hâta d'en devenir membre, et ce ne fut point l'un des moins notables. Il tournait bien le vers de huit pieds, faisait des comédies avec des anecdotes et des contes avec des comédies. Ses pièces avaient du succès, et ses contes en avaient davantage. On invitait ses amis à entendre les contes de Boisrobert, récités par lui-même, en guise de fête ou de concert. Nul acteur ne déclamait mieux ; aucun ne récitait avec plus de grâce. Il se vantait de pousser une passion, c'est-à-dire de réciter les vers tragiques et de jouer les grands rôles aussi bien que le Talma de l'époque, qui se nommait Mondory. Un beau jour, le cardinal mit ces deux artistes aux prises et le nom lui en resta.

- Voyez-vous ce petit homme? disait-on à un provincial qui assistait au service divin, c'est l'abbé Mondory qui prêchera ce soir à l'hôtel de Bourgogne.

Et, comme il s'en allait du théâtre à pied, quelqu'un lui ayant pris sa voiture, un plaisant s'approcha de Boisrobert et lui dit :

- Est-il possible, monsieur, qu'on vous laisse aller à pied? et cela si près de votre cathédrale.

Dans sa première jeunesse, il s'était mêlé aux comédiens, et on l'avait vu, roulé dans un manteau rouge, jouer l'étrange rôle du sang d'Abel, qui venait sur le théâtre crier :

« Vengeance! vengeance! >>

Pour attirer la foule et intéresser la cour aux représentations de ses pièces, il choisissait une anecdote contemporaine dont tout le monde parlait.

Tels sont les sujets de la Belle Plaideuse, où Molière a trouvé son admirable scène de l'avare querellant son fils, celle des Trois-Orontes, imitée naguère par un homme d'esprit et fondée sur l'histoire réelle et récente alors des Trois-Racans, qui avait amusé toute la société contemporaine.

Il y avait alors une vieille fille de beaucoup de cœur et d'esprit qui offrait comme un débris vénérable du règne de Henri IV, et servait de point de mire aux railleries de la jeune cour. Elle se nommait Mlle de Gournay, et se glorifiait d'être la fille d'adoption de Montaigne. Après la publication de son Ombre, livre consacré à la mémoire de son cher Montaigne, la plupart des hommes considérables ou lettrés en reçurent un exemplaire de sa main. Racan, neveu de Malherbe, poëte charmant mais bègue, lourd de sa personne, embarrassé de ses manières, et qui, incapable d'articuler la lettre R et la lettre C, ne pouvait pas prononcer distinctement son nom, eut part à la distribution.

Voici deux espiègles de la cour, le frère même de Racan, Du Bueil, et l'ami de Malherbe, Yvrande, qui s'entendent pour s'amuser aux dépens de la vieille et de Racan. — Racan devait se présenter à trois heures chez elle et la remercier. Du Bueil, frère de Racan, y va le premier vers une heure. Il heurte à la porte qui, dans ce temps-là, était veuve de sonnette. La vieille servante Jamin, nièce d'un page de Ronsard, et que Mlle de Gournay avait choisie par respect pour sa religion poétique, vint ouvrir.

- Jamin, s'écrie le faux Racan, avertis mademoiselle qu'un gentilhomme la demande.

La Vierge, on la nommait ainsi, était alors occupée à faire des vers. Elle se lève, se frappe le front, s'exprime

en ces mots:

-Cette pensée était belle; mais elle pourra revenir; ce cavalier peut-être ne reviendra pas. Qu'on fasse entrer! -Je suis le chevalier de Racan, mademoiselle, lui dit Du Bueil en entrant.

Elle se confondit en civilités de la vieille mode, et le fit asseoir.

- Ah monsieur! si jeune et si bien fait, vous venez donc visiter la pauvre vieille? Que c'est bien à vous! que c'est aimable!

Du Bueil, d'une humeur joviale, cause, répond, interroge et fait mille contes. Craignant de ne pas assez bien l'entendre, parce que sa chatte favorite s'était avisée de miauler:

-Jamin, dit-elle à sa servante, faites taire ma mie Piallon pour mieux écouter M. de Racan.

Il salue et s'en va, la laissant toute ravie. Aussitôt le second Racan monte les degrés de l'escalier antique, dont une simple corde en guise de rampe ornait les détours. Celui-ci était Yvrande. Trouvant la porte entr'ouverte, il s'y glisse et parvient jusqu'à la Vierge.

-J'entre bien librement, mademoiselle, mais l'illustre Mile de Gournay ne doit pas être traitée comme le

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- Je viens vous remercier, mademoiselle, de l'honneur que vous m'avez fait de me donner votre livre.

- Moi! monsieur! je ne vous l'ai pas donné; mais je devrais l'avoir fait. Jamin, une Ombre pour ce gentilhomme,

--J'en ai une, mademoiselle, et pour vous montrer cela, je vous dirai tout ce dont vous parlez dans votre Ombre: page 202, vous dites deux mots de votre chasteté, et page 731, des manières différentes dont on peut sonner de la trompette.

Vraiment oui; je me le rappelle très-bien il s'agit de Démétrius et de son opinion sur les fats et les sots! - Je vous apporte aussi de petits vers de ma façon, mademoiselle.

Elle les prend, les lit et les approuve.

-Voilà qui est gentil, s'écrie-t-elle, Jamin, voilà qui est gentil. Ne vous récriez pas, monsieur, Jamin en peut être, elle est nièce d'Amadis Jamin, page de Ronsard. Cela est gentil! Ici, vous « malherbisez »; ici, vous « colombisez»! Mais que cela est gentil! Ne saurai-je point votre nom?

-Mademoiselle, je m'appelle Racan.

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Et il répétait en soufflant:

--Qui... qui... qu'il y a haut! Mademoiselle ze vous lends glace de... de... vo... vo...tle Omble que... que vous m'avez donnée, ze... ze... vous... vous... en suis bien... bien obligé...

La Vierge regardait cet homme de l'air le plus dédaigneux.

Jamin, dit-elle à sa servante, désabusez ce pauvre gentilhomme, je n'en ai donné qu'à M. de Malherbe, à M. de Racan...

- Eh! eh! mademoiselle, z'est moi-même Ha...can! (Racan.)

-Voyez, Jamin, le joli personnage: au moins les deux

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gens montent, Racan se pend à la corde de l'escalier, se laisse couler jusqu'en bas, et se sauve

A côté de cette piquante histoire, la comédie des TroisOrontes est bien languissante. Souvent c'était son frère Douville qui écrivait la pièce, et lui qui la raccommodait. Il s'enquérait peu que ses pièces fussent bonnes, pourvu qu'elles lui rapportassent quelques vers, et qu'il restât membre de l'Académie. Un jour qu'un acteur prononçait mal ses vers:

-Ah! le maraud, s'écria-t-il en se levant de sa place, et s'adressant à l'auditoire, il va me faire chasser de l'Académie !

Il avait bien plus de crédit auprès de ce corps et chez

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dent solliciteur des Muses affamées, son interprète et son ambassadeur naturel auprès du ministre; la plupart devaient à ses soins une pension ou un bienfait. Il avait fait entrer, comme la duchesse d'Aiguillon l'avait prédit, bien des nullités à l'Académie, « faux illustres, » enfants de la pitié de Boisrobert, comme on les nommait alors, comparses de l'armée, passe-volants enfin, terme emprunté à l'organisation militaire de l'époque. Ces passe-volants étaient des soldats de louage que les capitaines empruntaient les jours de revue pour compléter, en apparence, l'effectif de leur compagnie. On riait un peu de ce qu'il y avait de factice dans ces troupes qui servaient de garde du corps à Boisrobert, mais il n'y perdait rien en considération et en crédit. Assidu aux séances, non-seulement il travaillait au Dictionnaire de la langue française, œuvre principale de l'illustre compagnie, mais c'était chez lui que se tenait un des bureaux destinés à la préparation de la grande œuvre.

Voilà comment nous nous divertissons

En beaux discours, en sonnets, en chansons;
Et la nuit vient qu'à peine on a su faire
Le tiers d'un mot pour le vocabulaire.
J'en ai vu tel, aux Avents commencé,
Qui vers les Rois n'étoit guère avancé.

Depuis six mois dessus l'F on travaille,
Et le destin m'auroit fort obligé
S'il m'avoit dit: Tu vivras jusqu'au G.

Pour dire tout enfin, dans cette épître,
L'Académie est comme un vrai chapitre;
Chacun à part promet d'y faire bien,

Mais tous ensemble ils ne tiennent plus rien.

A-t-on rendu complète justice à son talent pour l'épitre légère; il y a là netteté de trait, précision, finesse dans la plaisanterie ? Cette étoile de la bonne humeur qui protégea toute sa vie fait encore briller ses vers d'une certaine lueur goguenarde et maligne, qui leur donne du prix. Ce Falstaff ecclésiastique, chanoine de Saint-Ouen de la cathédrale de Rouen, s'attaquait non-seulement à l'Académie, mais à ses confrères, les chanoines, qui l'obligèrent à faire amende honorable devant leur chapitre. Un autre jour, qu'une beauté célèbre était tombée malade dans l'abbaye de Saint-Amand de la même ville, il voulut en son honneur et à sa prière que les cloches ne sonnassent pas le jour de la fête de la sainte Vierge. On sonna malgré lui. Dans une pièce de vers adressée le lendemain à sa protégée, il prétendit qu'une rivale avait intrigué près du chapitre, dans l'espoir d'accroître le mal et de diminuer les attraits de Mlle de Toussy, c'était son nom. De là, colère des confrères, interdiction, appel comme d'abus; le chapitre céda, effrayé des plaisanteries de Boisrobert.

Le cardinal une fois mort, il se raccommoda bien vite avec la duchesse d'Aiguillon, qui lui promit de le servir, et le trompa; ce dont elle fut punie. Elle devait obtenir pour lui un bon prieuré, et ce prieuré-ne venait pas. Il invente le nom du faux prieuré de Kermasonnet, et apporte à la duchesse une lettre contenant l'avis que ce prétendu bénéfice est vacant.

-Ah! mon pauvre monsieur de Boisrobert, s'écriet-elle, que je suis malheureuse! si vous fussiez venu deux heures plus tôt, vous l'auriez eu.

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- Et pourquoi?

- C'est qu'il n'y en a jamais eu de ce nom-là. Je vous rends grâce de votre bonne volonté, me voilà plus convaincu que jamais de votre sincérité et de votre bonne foi!

L'ingénieur Douville, son frère, avait une pension que La Vrillière voulait rayer de la liste. Là-dessus grandes querelles, fureur, résistance et satire de Boisrobert, qui court la ville et les ruelles. La Vrillière se plaint au cardinal Mazarin. Celui-ci appelle Boisrobert, se fait lire les vers satiriques, et interroge le coupable.

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Mousou de La Vrillière, reprenait Mazarin, za n'est point vous! ze zont des caratteres de Théophraste!

Le frère fut payé, mais bien difficilement. La Vrillière résistait toujours. Boisrobert alla attendre le cardinal dans sa garde-robe et lui dit :

- Monseigneur, M. de La Vrillière dit qu'il ne le fera pas, quand la reine le lui commanderait. Il faut donc qu'il monte sur le trône après cela!

Le cardinal donna des ordres. Cependant les commis reculaient encore, et le brevet n'arrivait pas. Mon Boisrobert se rend chez le premier commis et trouve un homme fort mal disposé. Il prie, il caresse, il menace. Rien ne réussit. Enfin, il tire de sa poche quatre pistoles qu'il exhibe et qu'il fait sonner devant le commis. Celuici trouve l'argument péremptoire et se hâte de délivrer le fameux brevet. Boisrobert, muni de la pièce authentique, remet les quatre pistoles dans sa poche:

-Ah, monsieur ! à vous de l'argent! Est-ce que je suis ivre d'y avoir pensé! A vous quatre pistoles! Je vous demande pardon. Je ne savais ce que je faisais!

Ce frère et toute sa famille donnaient assez de mal à Boisrobert, qui disait à ce propos :

Melchisédech était un homme heureux, Car il n'avait ni frères ni neveux !

Curieux bouffon! Plus heureux cent fois que les plus honnêtes plus célèbre que les mieux doués! En lui se résume l'histoire facétieuse de ce temps confus. SaintÉvremond avait raison de dire que « l'étourdi dans son vieil âge devrait être jugé sur le pied d'un enfant de huit ans, grâce à la perpétuelle inconsidération dont Dieu l'avait doué. » La place qu'il occupe dans l'histoire littéraire rappelle toujours cet à-propos d'un trop jeune conseiller d'État auquel il disait :

Monsieur, je suis ravi de voir la France si bien con

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Imaginez la figure la plus jolie, la physionomie la plus douce et la plus fine, un esprit aimable, le don de plaire, l'art de se taire et de parler à propos, des goûts modérés, une ambition restreinte, le double amour de la solitude

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