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pas lui en donner un. Disant cela, il mentait, je peux vous l'assurer.

J'étais chez les Morin le jour où Jacques passa devant leur porte, le chapeau enrubanné, pour quitter la commune; il était plus pâle qu'un suaire en regardant Marie pour la dernière fois. La petite se tint ferme pour lui rendre son salut d'adieu. Il n'avait pas plus tôt tourné l'église que j'entendis un grand fracas à côté de moi; c'était la petite qui tombait sur le plancher, roide et blanche comme son ami. Ça se passera! qu'elle me dit, un moment après que je l'eus fait revenir, et, me remerciant avec un sourire du paradis, je la crus quasiment consolée. Effectivement, depuis ce jour elle ne m'a jamais parlé qu'une fois du pauvre solat. Elle a repris sa vie ordinaire, et personne n'y voyait rien, si ce n'est qu'elle perdait tous les jours ses couleurs. Depuis six mois, ses forces baissaient à vue d'œil. Il y a quinze jours, le fer lui tomba des mains et elle s'évanouit. On la porta sur son lit, et elle ne s'est plus levée. Deux jours avant sa mort, assise auprès d'elle:

Tout le pays était là, les riches et les pauvres; mais qu'est-ce que tout cela? Il n'importe... Toujours est-il que nous ne la verrons plus! Tenez, dit encore Rosalie en me montrant une fleur blanche détachée de la couronne mortuaire, j'ai pris ça, ce sera pour Jacques.

Les larmes m'avaient gagnée à mon tour. Rosalie aimait mieux cela que des paroles de consolation.

- Voulez-vous faire une petite prière sur sa terre? le cimetière n'est pas loin.

Je lui répondis en me levant; elle comprit, et nous nous acheminâmes ensemble vers l'enclos bénit. Je m'agenouillai sur la fosse de Marie, et je priai sa jeune âme de parler de moi au bon Dieu. Je jetai sur la terre ma gerbe de fleurs et nous quittâmes le cimetière.

- Tenez, madame, me dit Rosalie, quelque chose ajoute encore à ma peine: c'est que demain le soleil brillera, les fleurs s'ouvriront comme si cile devait les cueillir, ses compagnes qui l'ont tant pleurée danseront peut-être dimanche comme à l'ordinaire; il me semble que lorsqu'une créature si parfaite laisse la terre, tout devrait prendre le

deuil. Que voudrais-tu, ma chérie? lui dis-je bien doucement; faudrait-il dépenser tout ce qu'il y a chez nous, je te le donnerais pour t'égayer un peu.

Ce que je voudrais, ma marraine, me dit-elle bien bas, on ne peut me le donner, ni pour or ni pour argent.

Elle était toute rouge en parlant ainsi; ses mains étaient serrées l'une contre l'autre, et ses grands doux yeux regardaient les nuages.

Qu'est-ce que tu désires? voyons! repris-je en la priant, on essayera...

Je voudrais revoir Jacques! murinura-t-elle si bas que j'eus presque besoin de deviner pour entendre; vous voyez bien, marraine, que ça ne se peut pas. Je n'avais rien à répondre et je me mis à pleurer. Le curé venait la voir tous les jours, et il disait à tout le monde que c'était une sainte. On est bon par ici, et tous les bourgeois s'intéressaient à ma petite amie. Les dames venaient la voir tous les jours, tantôt l'une, tantôt l'autre, pour ne pas la fatiguer, et chacune apportait des douceurs, si bien qu'elle fut soignée comme une princesse. Ce matin, si vous aviez vu son deuil, ça vous aurait fendu le cœur quatre jeunes filles, des meilleures, portaient sou cher cercueil, et l'une d'elles tomba de faiblesse en chemin; mais se relevant bientôt :

Allons, dit-elle, du courage! soyons fortes et rendons-lui honneur.

J'allais quitter Rosalie lorsqu'une élégante voiture, doucement traînée par deux beaux chevaux anglais, vint attirer notre attention. Une jeune femme, belle de cette beauté audacieuse qui repousse au lieu d'attirer, occupait l'ua des côtés de la calèche ;. le blanc et le rouge qui couvraient ses joues cachaient mal un air de souffrance; une toux sèche et fréquente soulevait sa poitrine. Un beau jeune homme était étendu près d'elle:

Allons, Bertha, fais-moi donc rire! tu es sombre comme un catafalque aujourd'hui ! lui cria-t-il.

La jeune femme, après m'avoir jeté un regard hardi qui me fit baisser les yeux, entonna d'une voix stridente un refrain joyeux qui me navra le cœur. Les chevaux prirent le trot, et la voiture disparut bientôt dans un nuage de poussière. J'avais reconnu une beauté à la mode, célèbre dans les bals d'Asnières et du Château-Rouge.

J'enviai pour cette reine d'un jour la mort de la paysanne.

Nous passions alors devant l'église ouverte; japerçus la croix de l'autel où le Sauveur étendu semblait me dire, répondant à ma pensée :

« Je ne suis pas venu pour ceux qui se portent bien, mais pour ceux qui sont malades. >> J'entrai, et je fis une prière pour Bertha. Lady JANE ***.

CHRONIQUE DU MOIS.

LE COURONNEMENT D'ALEXANDRE II. L'événement du mois sera le couronnement d'Alexandre II, empereur de toutes les Russies.

Nous avons l'honneur de vous le présenter en image, dans la majesté de sa tête et de son port, de ses décorations et de ses moustaches.

Toutes les personnes qui l'ont approché s'occordent à en dire le plus grand bien. Il est, assure-t-on, ami sincère de la paix et des sciences, et médite pour la Russie un grand développement littéraire, artistique et industriel. -Si nous arrivons à Constantinople sous Alexandre II, ce sera en chemin de fer ou en ballon, disent les Menschikoff du nouveau règne.

L'empereur Alexandre est très-grand, presque autant que l'empereur Nicolas, mais il n'a pas le teint aussi brun; il est, an contraire, assez pâle.

Une émotion puissante a marqué l'heure de son avéncment. Lorsque, après la mort de son père, il dut se préparer à recevoir les hommages des grands dignitaires de l'empire, et qu'il était sur le point de se rendre dans la salle de marbre, les portes de son appartement s'ouvrirent subitement, et ce fut sa mère, l'impératrice Alexandra Federowna, qui entra la couronne sur la tête. L'auguste veuve de l'empereur Nicolas avait ôté pour quelques moments ses habits de deuil, et était venue en costume de cérémonie vers son fils pour le saluer empereur. Elle avait voulu être la première à rendre hommage au nouveau

souverain. Profondément attendri, Alexandre se jeta dans ses bras en pleurant.

L'amour du nouveau czar pour sa mère se manifesta bientôt après d'une manière non moins délicate. Quand Nicolas se rendait dans les appartements de son épouse, on l'annonçait toujours ainsi : L'EMPEREUR! Alexandre, pensant que ce mot devait renouveler la douleur de sa mère, défendit qu'on l'annonçât quand il viendrait chez elle.

On attribue au successeur de Nicolas un trait d'esprit qui ne semble pas indiquer l'ambition conquérante de son père. Il dînait un jour en Prusse, avec le grand-duc Michel et les princes, et l'on mangeait des écrevisses, qui sont une chose rare en Moscovie. Alexandre se mit à plaisanter et dit au grand-duc son frère:

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Portrait d'Alexandre II, empereur de Russie. Desssin de Marc, d'après le portrait publié par l'éditeur Daziaro.

Les fêtes du couronnement à Moscou s'annoncent avec une magnificence véritablement impériale. La singularité la plus piquante sera que toutes les splendeurs et tous les plaisirs en viendront de Paris: étoffes, objets d'art, théâtres, cafés, vins de Champagne et de Bordeaux, etc., etc. Nos entrepreneurs les plus fameux de cérémonies et de réjouissances, de bals et de soirées, de raouts et de festins, ont pris la route de Moscou depuis plusieurs semaines.

Qu'aurait donc élé le couronnement sans la signature de la paix?

O France! Alma parens! tous les peuples sont tes enfants, quand il s'agit... d'aller à la noce!

Voici quelques détails intéressants sur le couronnement des anciens czars, détails qui expliqueront le privilége

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de Moscou pour cette solennité nationale, et qui seront encore le tableau des fêtes de 1856, car la tradition n'a guère changé ses us et coutumes en Russie.

Ivan Vassilievitch, surnommé le Terrible, fut le premier prince moscovite qui prit le titre de czar, et qui, le 18 mars 1584, introduisit dans son pays les cérémonies du sacre et du couronnement.

Jusqu'à Pierre Ier, les czars, à leur avénement au trône, comme nos anciens rois francks, paraissaient ne tenir leur puissance que de la volonté libre de leurs sujets. Ils n'étaient pas supposés demander la couronne ni fixer le jour où ils voulaient en ceindre leur front. Le clergé, les officiers du palais, les nobles, les jeunes boyards, les principaux marchands de Moscou, venaient en corps les prier de consacrer leur puissance par les formules du sa

cre public. On s'imagine bien que cette prière était adressée au prince d'après ses ordres exprès, et que les personnages qui la faisaient n'avaient pas à craindre un refus.

La nuit qui précédait le couronnement était consacrée à la prière dans toutes les églises; le peuple, du noble au serf, s'y rendait en foule. La cérémonie se faisait dans la cathédrale Sainte Marie, au Kremlin, que l'on décorail pompeusement à cet effet. On y élevait un trône où l'on montait par dix ou douze degrés converts de velours. Ce trône était d'argent massif doré, et surmonté d'ouvrages ciselés et sculptés de même métal, se développant en forme de baldaquin, le tout incrusté de pierreries et garni de velours brodé d'or. Les rues et les places par où devait passer le prince étaient recouvertes de bandes de velours écarlate.

Le siége du patriarche, placé à la même hauteur que le trône impérial, et à gauche, était également garni de velours de même couleur, mais moins richement orné.

Avant que le czar se rendît à l'église, on y portait du palais, en grande pompe, tous les ornements impériaux et une croix d'or dans laquelle était enchâssé un énorme morceau de la vraie croix.

La couronne, tout incrustée de perles, de pierres précieuses, avait la forme d'une pyramide terminée par une croix grecque en or. Elle était posée sur un bonnet de zibeline noire ou de renard noir (1). Le sceptre, éclatant de pierreries et surtout de perles noires d'une grande rareté, était également posé sur un coussin fait de fourrures précieuses.

Le prince, avant de se mettre en marche, faisait d'abord une prière dans la chapelle de son palais (granavitaïa palata), puis se rendait à pied à la cathédrale, accompa gné de tous les membres de sa famille, princes et princesses, de sa noblesse, vêtus d'étoffes d'or; les hommes la tête couverte de bonnets de renard noir, les femmes la tête ornée de la coiffure nationale, espèce de diadème brodé d'or, d'argent, de perles, de corail et de pierres précieuses; tous ayant au cou des colliers de perles, de diamants, des chaînes émaillées pendant sur la poitrine,

Les strélitz étaient rangés le long du chemin, et, au passage du souverain, inclinaient la tête jusque sur le pavé.

Arrivé à la porte du sanctuaire, le czar, vêtu des pieds à la tête de rares fourrures et de broderies, s'inclinant trois fois, à droite, à gauche, puis en face, saluait humblement le patriarche. Celui-ci descendait de son trône, bénissait le czar avec de l'eau bénite d'abord, et avec la main ensuite; cela fait, le monarque et le pontife se donnaient mutuellement un baiser et montaient ensemble à leur trône.

Au bas du trône se tenaient debout, la hache sur l'épaule et immobiles comme des statues, quatre boyards vêtus d'hermine blanche de la tête aux pieds, le bonnet et les bottes aussi en hermine. Puis deux cents autres boyards, choisis parmi les plus illustres, couverts de drap d'or à riches broderies de pierreries, assis sur des bancs tapissés, formaient une haie dans la principale nef du temple.

Le czar, assis majestueusement, dit l'annaliste russe de qui ces détails sont empruntés, adressait alors un discours au patriarche, qui y répondait. Puis le manteau impérial était apporté; le prince en était revêtu par les deux principaux boyards de l'empire; le pontife bénissait de nouveau son souverain, trois fois, avec la croix d'or, et la lui posait sur le cou, pour lui rappeler qu'il était (1) Voyez les Couronnes russes dans nos tomes XIX, p. 24, et XX, p. 228.

le sujet de Dieu. Ensuite il lui imposait les mains en faisant une longue prière.

Des archimandrites apportaient le diadème, la couronne, le sceptre, le globe impérial, au fur et à mesure que le pontife en décorait le monarque. Cette toilette achevée, celui-ci, après avoir reçu les humbles félicitations du clergé, était conduit par la main par le pontife jusqu'à son trône, où ce dernier lui adressait un long discours sur les devoirs de la souveraineté. Puis la liturgie commençait.

Après la consécration, le patriarche oignait le prince de l'huile sainte, au front, aux deux oreilles, sur les lèvres, aux doigts, au cou, aux épaules, aux bras, disant chaque fois: «Ceci est le sceau et le don du Saint-Esprit !» et le saint chrême était enlevé avec des étoupes, que l'on brûlait aussitôt sur un brasier placé exprès sur l'autel. Le pontife donnait au souverain la communion sous les deux espèces, suivant le rite grec. Et, pendant sept jours, le czar ne pouvait et ne devait se laver ni s'essuyer aucune des parties qui avaient été ointes de l'huile sacrée.

Après le service divin, le czar, toujours vêtu des insignes de la souveraineté, allait faire des stations dans deux églises différentes, et, à l'entrée du prince, le protopope ou archiprêtre lui jetait de la poudre d'or sur la tête." La même cérémonie était renouvelée par un des grands de l'empire à la sortie de l'église. Cette poudre d'or était regardée comme le symbole de l'abondance et des richesses. Le soir même, le czar donnait un grand repas au patriarche, aux chefs du clergé et aux principaux seigneurs de la cour.

Les représentants des puissances étrangères ajouteront encore, en 1856, à l'éclat de ces cérémonies. On a pu en juger par l'immense train de M. le comte de Morny, notre ambassadeur, composé de cent cinquante colis, sans parler des voitures ni des équipages, et par la suite nombreuse de Son Excellence, où figurent quelques grands noms de la noblesse de France.

Le comte Paul Esterhazy, qui représente la cour d'Autriche, a fait les préparatifs les plus magnifiques. Outre la foule des domestiques et des voitures qui sont couvertes d'or et d'argent, c'est surtout le costume du prince qui excite l'étonnement. Ce costume, tout chargé de pierreries, est évalué à plusieurs millions de florins. Le bouton de son pluiet est un diamant de trois cent mille florins. Les harnais de son cheval ne sont pas moins précieux.

Les Moscovites, de leur côté, se sont mis en frais avec une ardeur inouïe pour recevoir dignement leur czar dans son ancienne capitale. Tous les appartements de la ville sont déjà retenus ou occupés, et il devient de plus en plus difficile de se loger, même dans les faubourgs.

LE NOUVEAU LOUVRE (1).

Le pavillon d'angle, à droite de la cour Napoléon. Ses sculptures. Origine des cariatides. Les six guichets ouverts. Les statues des grands hommes. Omissions à réparer. Les agriculteurs Le Sage et Saint-Simon. La surface du nouveau Louvre. Une prédiction du poëte Roucher.

Le nouveau Louvre a fait encore un pas depuis notre dernier travail, et voici un des plus beaux pavillons de la

(1) Voyez la Table générale des vingt premiers volumes, le tome XXII, p. 195, et le t. XXIII, p. 154.

Ne pouvant traiter en bloc un aussi vaste sujet que le Louvre ancien et moderne, nous y revenons successivement, à mesure que le monument se complète et que nos dessinateurs peuvent en fixer les merveilles. Mais nous avons soin d'éviter le double emploi et de combiner nos études de détail de façon à composer une étude d'ensemble, au moyen des renvois scrupuleusement indiqués à nos lecteurs.

cour Napoléon III. C'est celui qui forme l'angle de cette cour avec la place du Carrousel, à droite du spectateur tourné vers l'ancien Louvre, et qui relie les édifices modernes à la vieille galerie du bord de l'eau. Là seront installés : un manége, la salle des Etats, l'entrée du Musée, l'exposition des artistes vivants, les écuries de l'empereur et leur service, etc.

Les sculptures de ce riche et double fronton sont de MM. Robert, Ottin, Jaquot, Brian, Huguenade, Gruyère, Barye, Debay, Charrier, Leprêtre, Roubaux, Perrault et Lechesne.

Les quatre premiers ont fait les cariatides qui soutienneût le fronton en se donnant la main ou en s'épaulant aux corniches. A propos et entre parenthèses, savez-vous ce ce qu'est une cariatide et d'où vient ce mot? Une cariatide est toute figure qui supporte un ornement d'architecture, et Vitruve nous en explique l'origine et l'étymologie. Carie, ville du Péloponèse, dit l'illustre panégyriste de l'art grec et romain, ayant été prise et ruinée par les autres Grecs vainqueurs des Perses, avec lesquels les Cariates s'étaient ligués, les hommes furent passés au fil de l'épée et les femmes emmenées en esclavage; on contraignit les plus qualifiées d'entre elles à garder leurs longues robes et leurs ornements. Dans la suite, pour éterniser la trahison et la honte de ces captives, les architectes, ajoute le même historien, les représentèrent dans les édifices publics chargées d'un pesant fardeau, image de leur misère. On sait que les plus anciennes cariatides du Louvre sont les quatre qui soutiennent l'admirable balcon de la salle des Cariatides, où mourut Henri IV, dues à Jean Goujon, puis les deux cariatides par Sarrazin, qui décorent le pavillon de l'Horloge.

Ces chefs-d'œuvre ne rougiront pas des ouvrages de MM. Robert, Ottin, Jaquot et Brian. Ils ont les attitudes les plus nobles ou les plus gracieuses, et remplissent à la fois les lois de la statuaire et de l'architecture, au jugement de notre critique d'art le plus sévère, M. Th. Gautier.

Les socles sur lesquels reposent ces cariatides ont été sculptés par M. Huguenade; au-dessous de la corniche de couronnement, au milieu de l'étage attique, se déploie un vaste blason impérial ayant pour support les personnifications des arts et des sciences, de M. Gruyère, arrangement qui répète celui de l'autre façade.

Deux groupes ronde bosse, de M. Barye, sont placés de chaque côté et en avant de l'écusson; celui de gauche représente la Force protégeant le Travail et rassurant les bons; celui de droite, l'Ordre comprimant les pervers. Ces figures, d'une rare puissance et de la plus fière tournure, offrent des profils superbes et des lignes monumentales. Elles mettent M. Barye, ce roi des animaux, premier rang de nos statuaires.

an

Les trophées de génies et d'attributs sont dus au ciseau de M. Debay. Le trophée de gauche a pour sujet l'Agriculture et la Navigation; celui de droite, l'Armée et la Marine. Les motifs d'accotoirs des croisées sont exécutés par MM. Charrier et Leprêtre. La frise, de l'ordre composite, est de M. Lechesne; ce sont des enfants se jouant avec des oiseaux à travers les volutes d'une guirlande de feuillages, de fleurs et de fruits, d'une délicatesse et d'une invention charmantes. M Perrault a exécuté l'ornementation de la corniche et de l'architrave.

Les six guichets du Louvre, en face de la rue de Rolan, sont maintenant tous ouverts au public, qui peut ainsi parcourir la place Napoléon III et apprécier de près les frontons qui décorent les pavillons et toutes les statues des grands hommes qui bordent les terrasses.

Au sujet des statues, énumérées dans notre article de février dernier, on a remarqué des omissions fâcheuses et qui seront bientôt réparées sans doute : 1° l'oubli des représentants de l'agriculture, mère de toutes les sciences et nourrice de l'humanité (Olivier de Serres, Daubenton, Mathieu de Dombasle, Parmentier, le pauvre Rémy et leurs pareils figureraient au Louvre aussi dignement pour le moins qu'Abailard, Rabelais et Voltaire); 2° l'absence de Le Sage, l'immortel auteur de Gil Blas et de Turcaret, et du duc de Saint-Simon, ce grand moraliste-historien de l'ancienne société. En vérité, Saint-Simon joue de malheur avec les architectes et les sculpteurs du dix-neuvième siècle. Jamais sa gloire littéraire et philosophique ne fut plus grande; on réimprime et on lit ses Mémoires dans tous les formats, dans toutes les classes et dans toutes les langues. Eh bien! s'écrie M. Delord, allez à Versailles, cherchez dans tous les coins et recoins de cet immense palais farci de portraits, de bustes, de statues, vous serez bien heureux si vous parvenez à découvrir au haut d'une frise le médaillon du grand confesseur de Versailles, de celui qui l'a animé, peuplé de créations qui vivront encore quand les murs du château et les œuvres d'art qui le remplissent auront cessé d'exister. Saint-Simon n'était pas seulement un écrivain original, un peintre admirable et un honnête homme, il prétendait descendre de Charlemagne ; il siégeait comme duc et pair sur les fleurs de lis; il fut membre du Conseil de régence, ambassadeur, grand d'Espagne, chevalier de l'ordre. Que peut-il lui manquer pour renaître au Louvre à côté de La Bruyère et de La Rochefoucauld?

Ce n'est certes pas la place qui fait défaut aux statues du nouveau monument. Le Louvre de Louis XIV forme un carré parfait de 200 mètres de côté; superficie: 40,000 mètres. Le Louvre de Napoléon III a 90,000 mètres. Les Tuileries ont 90,000 mètres. Total de la superficie des deux palais réunis: 223,000 mètres, soit 22 hectares et 3,000 mètres.

Si vous voulez ajouter à ces mesures une comparaison curieuse, la rue de Rivoli, depuis la rue des Champs-Elysées, où elle commence, jusqu'à l'église Saint-Paul, au Marais, où elle s'arrête provisoirement, a exactement 3,600 mètres de longueur, près d'une lieue ancienne. Le boulevard de Sébastopol, partant de l'embarcadère de Strasbourg et allant aboutir à la barrière d'Enfer, aura 6,000 mètres de longueur, une lieue et demie.

La réunion des principales gloires françaises autour du palais qui résume l'histoire de France avait été réclamée et annoncée par le poëte Roucher, auteur des Mois et du Temple de la Gloire, cet amant de la liberté que la première république remercia,.. en lui coupant la

tête:

Sur les bords enchantés, dans les eaux de la Seine,
Dont leur mouvant cristal reproduisait la scène,
Je cherche ce palais, où les arts accueillis
Reposent noblement sous l'ombrage des lis,
Hlatons-nous, réparons leur ruine grossière;
Que le marbre, brillant sur leur triste poussière,
En colonnes s'élève et monte jusqu'aux cieux.
Je veux le couronner d'un dôme audacieux :
Je veux que, prodiguant leurs travaux et leurs veilles,
Les arts sous celle voute épuisent leurs merveilles.

Le temple est achevé, Français, accourez tous.
Venez, venez aussi, insulaires jaloux,
Héritiers des Romains, je vous invite encore.
Le ciel pour ce grand jour d'un or pur se décore,
Et la terre en silence attend les demi-dieux

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Vue du pavillon d'angle du nouveau Louvre, à droite en tournant le dos aux Tuileries. Dessin de Lancelot.

Ils s'avancent ensemble au temple de l'Honneur.
Ceux-là firent parler et le marbre et la toile;
Ceux-ci de la nature ont déchiré le voile,
Les autres, que Lully forma par ses leçons,
Enivrèrent les cœurs par leurs douces chansons;

Colbert, l'ami des arts, les conduit, les protége,
Et de son roi brillant en forme le cortége, etc., etc.
PITRE-CHEVALIER.

TYP. HENNUYER, RUE DU BOULEVARD, 7. BATIGNOLLES.
Boulevard extérieur de Paris,

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