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nelle ! Détournant ma pensée de nos grands martyrs de la liberté, de notre stoïque Malesherbes, de notre sublime Bailly, je compare Démosthène mourant à Cicéron, et je trouve, avec Plutarque, plus de fermeté dans les derniers moments de l'orateur athénien. Toutefois,

il est ici une autre différence, , que le sage biographe n'a pu apprécier. Surpris par les satellites d'Antipater, Démosthène s'empoisonne; arrêté par les égorgeurs des

gardent comme authentique. J'ai traduit d'après les corrections de Westermann (Plut. Vit. X Orat., p. 90; 1833).

DÉCRET DU PEUPLE ATHÉNIEN POUR HONORER LA MÉMOIRE DE DÉMOSTHÈNE.

Démocharès, fils de Lachès, de Leuconion, demande pour Démosthène, fils de Démosthène, de Pæauia, une statue de brouze sur la place publique; et, pour l'aîné de sa famille, à perpétuité, le droit d'être nourri au Prytanée, et des places d'honneur.

Démosthène a souvent servi honorablement le Peuple Athénien de ses bienfaits, de ses conseils, et employé sa propre fortune au bien de l'Etat :

Il a donné gratuitement huit talents et une trirème lorsque le Peuple délivra l'Eubée; une autre trirème lorsque Céphisodore fit voile pour l'Hellespont; une troisième, lorsque Charès et Phocion furent envoyés comme généraux à Byzance par le Peuple;

Il a racheté plusieurs citoyens, faits prisonniers par Philippe à Pydna, à Méthone, à Olynthe;

Il a été chorége volontaire quand la tribu Pandionide manqua de choréges; il a fourni des armes à de pauvres citoyens;

Préposé, par le choix du Peuple, à la réparation des remparts, il a ajouté aux dépenses trois talents de son bien, et payé les frais des deux tranchées dout il fortifié le Pirée;

Il a donné un talent après la bataille de Chéronée; un talent pour acheter du blé pendant la disette;

Par ses conseils, son éloquence, son dévoûment, il a fait entrer dans l'alliance de la république Thèbes, l'Eubée, Corinthe, Mégare, l'Achaïe, la Locride, Byzance et Messène; réuni, pour la défense d'Athènes et de la confédération, une armée de dix mille fantassins et de mille chevaux; déterminé, dans une ambassade, les villes li

triumvirs, Cicéron leur présente sa tête. N'y aurait-il pas là un admirable progrès, une sorte d'anticipation sur l'Evangile qui approchait? Seule, la loi nouvelle pourra bientôt convertir en devoir une telle résignation, et dire à la victime : « Même sous la main des bourreaux, ta vie ne t'appartient pas; pour mourir avec toute ta vertu, attends ta délivrance du martyre, et non du suicide! »

guées à fournir une contribution de guerre de plus de cinq cents talents;

Il a empêché le Péloponèse d'envoyer des renforts à Alexandre contre Thèbes, distribuant son argent, et s'acquittant lui-même de cette mission;

Il a conseillé au Peuple beaucoup d'autres résolutions honorables, et mieux soutenu, par son administration, l'indépendance nationale et la démocratie, qu'aucun de ses contemporains;

Banni par l'oligarchie, quand le Peuple eut perdu sa souveraineté, il mourut à Calauria, victime de son zèle pour cette cause. Poursuivi par les soldats d'Antipater, il demeura jusqu'à la fin fidèle à son ardent amour pour la démocratie, sut échapper aux mains de ses ennemis, et, à l'approche de la mort, ne fit rien qui fùt indigne d'Athènes.

PROCÈS DE LA COURONNE.

INTRODUCTION.

Douze ans s'étaient écoulés depuis le procès de l'Ambassade, et la longue lutte de l'éloquence contre le génie des conquêtes s'était terminée par la défaite de Chéronée.

Avant même que les Athéniens eussent rendu les honneurs funèbres à leurs guerriers, et les Thébains consacré la mémoire des leurs par ce beau lion colossal découvert de nos jours, Athènes, comme plusieurs autres cités nouvellement asservies, retentissait d'accusations. Parmi les plus véhémentes, se distinguaient celles du sévère Lycurgue contre un négociant fugitif, Léocrate, et contre Lysiclès, général malheureux. « Tu commandais l'armée, ô Lysiclès! et mille citoyens ont péri, deux mille ont été faits prisonniers ; un trophée s'élève contre la république, la Grèce entière est esclave! Tous ces malheurs sont arrivés quand tu conduisais nos soldats et tu oses vivre, voir la lumière du soleil, te présenter sur la place publique, toi, monument de honte et d'opprobre

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:

Voyage à Athènes et à Constantinople, par Dupré.

pour la patrie. » Lysiclès fut condamné à mort. L'orateur Hypéride courut aussi risque de la vie pour avoir fait décréter, dans ce pressant danger, l'affranchissement et l'armement des esclaves. Démosthène fut souvent poursuivi : le plus célèbre et le plus important de ces procès politiques fut celui que lui intenta réellement Eschine en attaquant un décret qui le couronnait pour son patriotisme. Le second orateur d'Athènes, le chef et le représentant du parti macédonien, avait déposé son accusation depuis huit ans dans les mains de l'Archonte, quelques jours avant les fêtes de Bacchus, où se faisait la proclamation des couronnes. Que s'était-il passé pendant ce délai, dont la prolongation est demeurée un mystère 2?

2

Le monarque absolu qui avait vaincu la Grèce y maintint les formes républicaines politique adroite, mais qui ne rassura pas entièrement les Athéniens. A la prière de l'Aréopage, ils remirent le commandement militaire à Phociou 3, dont la maxime était, Sois le plus fort, ou l'ami du plus fort. L'achèvement et la réparation des murailles furent confiés à dix citoyens 4: Démosthène était du nombre. Mais bientôt arriva le jeune Alexandre, avec une mission toute pacifique. Persuadés par l'orateur Démade, un des prison

* Diod. Sic. XVI, 88.

2 V. l'Introd. de Jacobs, p. 441 ( 1833); et Winiewski, Comment. hist., p. 288.

3 Plutarq. Phoc., 16.

4 Liban. Argum.

niers que le vainqueur avait rendus, les Athéniens conclurent la paix. Le traité, en leur ôtant la Chersonèse et quelques possessions maritimes, leur rendait la ville d'Oropos, si souvent disputée aux Thébains. Une ambassade, dont Eschine faisait partie, alla recevoir les serments de Philippe.

.

Le moment était venu d'exécuter cette guerre nationale des Hellènes contre la Perse, que ce prince méditait depuis longtemps. Les victoires navales de Cimon, la brillante expédition d'Agésilas, les combats livrés par les Grecs à la solde de Cyrus-le-Jeune, montraient combien la conquête de l'Asie serait facile à la Grèce unie et pacifiée. Jason de Phères en avait conçu le projet; Isocrate, tant qu'il vécut', y poussa Philippe. Ainsi, tout était mûr pour une réaction féconde et providentielle du monde grec sur l'Orient.

Le roi de Macédoine assemble donc un congrès général à Corinthe. Sparte seule n'y envoie pas de représentants, trop faible pour s'opposer à ce dessein, trop fière pour y contribuer. La guerre est votée par acclamations, Philippe élu général l'année même de la mort de Timoléon (Ol. CX, 4; 337 avant J.-C.); et bientôt, les Macédoniens non compris, 200,000 hommes d'infanterie et 15,000 chevaux sont prêts à marcher. Des Etats qui pouvaient se défendre avec des forces aussi considé rables, étaient amenés par leurs dissensions à subir le joug de trente mille Macédoniens .

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1 Précis de l'Hist. Anc., par MM. Poirson et Cayx, p. 351.

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