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HISTOIRE NATURELLE.

MÉMOIRE

POUR SERVIR A L'HISTOIRE DES INSECTES

ENNEMIS DE LA VIGNE, ET A L'INDICATION DES MOYENS PROPRES A PRÉVENIR LEURS RAVAGES;

PAR J.-N. VALLOT, D.-M.,

PROFESSEUR ADJOINT D'HISTOIRE NATURELLE, CORRESPONDANT DE LA SOCIÉTÉ ROYALE ET CENTRALE D'AGRICULTURE, MEMBRE DE PLUSIEURS SOGIÉTÉS SAVANTES, NATIONALES ET ÉTRANGÈRES.

INTRODUCTION.

Depuis le moment où l'on a commencé à cultiver la vigne, on a remarqué les ravages occasionnés par les insectes sur cet arbuste; ces insectes ont été désignés d'une manière fort vague; il en est résulté la plus grande confusion, comme il est aisé de s'en assurer en parcourant tous les ouvrages d'OEnologie et d'Histoire naturelle.

Malgré l'importance de la culture de la vigne en Bourgogne, aucun de nos compatriotes ne s'est occupé des insectes ennemis de la vigne. Voulant remédier à cette omission, je me suis livré à des recherches spéciales. Mes observations et mes constants efforts m'ont fourni des résultats positifs, et m'ont procuré l'avantage d'éclaircir et de ramener à la vérité et à l'exactitude tout ce que les auteurs ont publié sur les insectes ennemis de la vigne.

Afin de donner à chaque lecteur la facilité de s'assurer par lui-même de l'exactitude de mon travail, je rapporterai d'abord mes observations; elles serviront de points de départ. Il sera très-aisé, en les comparant aux récits nombreux, disséminés dans différents ouvrages, et réunis dans ce Mémoire, de démontrer ce que chaque auteur a fait connaître.

Mon travail, ayant pour but l'application pratique, me dispense de suivre l'ordre entomologique; ainsi je parlerai des insectes d'après l'époque de leur apparition sur la vigne. Je commencerai par le Coupe-Bourgeon, puis je m'occuperai du Rouleur, ensuite du Ver-Coquin, après de la Pyrale, puis de l'Escripe-Vin, enfin de la Tenthrède.

Mes observations sur ces insectes seront suivies de l'indication des récits de divers auteurs, dont je donnerai l'explication.

Mon Mémoire sera terminé par la liste de tous les insectes vivant aux dépens de la vigne, et par l'indication des moyens propres à combattre ceux qui lui causent le plus de ravages.

§ I. COUPE-BOURGEON.

Je donne ce nom, appliqué à tort à différents insectes, à ceux qui le méritent réellement, à des curculionides aptères, à antennes brisées, et à bec court, qui rongent effectivement les bourgeons de la vigne. Aux environs de Dijon on les appelle Perdis, c'est-àdire Per tui, perd tout, d'où l'on a fait Perdri, homo

■ Cette liste est extraite de mon ouvrage Ms., intitulé: Insectorum incunabula, etc., résumé de toutes les observations entomologiques publiées jusqu'à ce jour.

nyme de l'oiseau dont la couleur grise a été comparée à celle de quelques-uns de ces insectes.

Aussitôt que les bourgeons de la vigne (boure, de burio, mot de la basse latinité dont on se servait pour désigner l'œil ou le bourgeon de la vigne) commencent à grossir, et avant leur entier développement, ils sont exposés à être rongés soit en totalité, soit partiellement, mais toujours assez profondément pour atteindre la jeune grappe bien tendre. Ce dégât est occasionné par les Coupe-Bourgeons, Grippeboures, Gribouris, perdtui, qui en effet perdent toute la récolte, qui est aussi compromise par la dent des Escargots, Helix pomatia, Linn., et Helix hortensis, Mull., etc.

Pour ronger les bourgeons, les Perdis profitent de la nuit, à la fin de laquelle ils se retirent dans la terre, où ils se tiennent cachés pendant toute la durée du jour. Le soir ils sortent de leur retraite, grimpent après le cep et s'arrêtent sur le bourgeon pour le dévorer. On est toujours sûr de les trouver au pied des ceps attaqués il suffit pour cela d'écarter la terre à la profondeur d'un demi-pouce dans cet endroit, et l'on rencontre ces redoutables ennemis, dont on s'empare pour les écraser; il n'y a pas d'autre manière de les détruire. Si leur nombre est considérable, il faut répéter cette chasse à plusieurs reprises, c'est-à-dire tous les trois ou quatre jours, comme on l'a pratiqué cette année aux environs de Dijon. C'est aux Coupe-Bourgeons qu'il faut attribuer ce que nos vignerons avancent de l'Escrippevin, dont la multiplication nombreuse force, disentils, à arracher les vignes où elle se remarque.

J'adresse de bien sincères remercîmens à M. Hébert, greffier à la Cour royale de Dijon. Cet observateur attentif, propriétaire soigneux d'un clos de vigne situé sur la

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montagne Ste.-Anne, m'a fourni les occasions multipliées de vérifier par moi-même tout ce qui concerne les Perduis ou les véritables Coupe-Bourgeons, et ce qui concerne les Albères ou l'Attelabe vert.

Les Coupe-Bourgeons, dont je parle, rongent le bourgeon sur place, sans le détacher et l'emporter, comme le fait, dans les contrées orientales de l'Europe, le Lèthre grosse tête, Lethrus cephalotes, § XVI.

Les insectes qui méritent véritablement le nom de Coupe-bourgeon, sont :

1o Le Charanson de la Livêche, Brachyrhinus Ligustici, Latr., Pachy gaster Ligustici, Germ., Charanson gris, des auteurs, Curculio Ligustici, Linn.

Corps cendré, un peu noirâtre ; élytres ovales finement chagrinées, sans aucune strie; trompe marquée à sa partie supérieure d'une crête longitudinale.

2o Le Charanson sillonné, Curculio sulcatus, Fabr., Encycl. méth., H. N., tom. V, p. 556, no 388. Otiorhynchus sulcatus, Germ.

Cette espèce ressemble beaucoup à la précédente; elle n'a pas de crête longitudinale sur la trompe; des grains chagrinés forment sur les élytres des stries bien marquées. Moins commune que la précédente.

3o Le Charanson ophthalmique, Curculio ophthalmicus, Oliv., Encycl. méthod., H. N., tom. 534, n° 280, Atlas, pl. 227, fig. 15, fig. 15, no 2. Cette dernière figure mauvaise. Cleonis distincta, Germ.

Corps noir couvert de poils courts cendrés; trois points grisâtres entourés de noir; celui du milieu plus gros que les autres petits, quelquefois à peine marqués, et placés longitudinalement sur chaque élytre.

Cet insecte de Provence se trouve dans la Côte-d'Or. 4o Le Charanson ténébreux, Curculio tenebricosus, . Herbst., Otiorhynchus elongatus, Dejean.

Corps noir, un peu luisant; corselet arrondi chagriné; élytres ovales, réunies, chargées de points peu marqués rangés en stries.

Cet insecte, très-rare aux environs de Berlin, n'est que trop commun chez nous. Il se trouve aussi en Suède. C'est le Curculio atro-apterus, Degeer.

5° Je dois ajouter le Curculio picipes, Fab., Otiorhynchus picipes, Germ., connu dans le département de la Marne sous le nom vulgaire de Cul crotté, parce que souvent cet insecte a la partie postérieure de ses élytres recouverte de boue. Lettre de M. le Dr. Dagonet, de Châlons-sur-Marne.

On ne connaît jusqu'à présent les larves d'aucun de ces insectes qui paraissent au printemps; on ignore l'époque de la ponte et le lieu où les femelles déposent leurs œufs; aussi le seul moyen de prévenir les ravages de ces insectes est de leur faire la chasse, en les cherchant au pied des ceps, et en les écrasant à mesure qu'on les rencontre.

Les autres ennemis de la vigne auxquels on a donné à tort le nom de Coupe-bourgeon, Gribouri, (de Grippeboure), paraissent plus tard : on les remarque à l'époque où la taille (vulg. la taule ) sortie du bourgeon a pris un accroissement notable.

SII. URBEC, ROULEUR.

Cet insecte, connu depuis très-longtemps, est le Becmare (bec mordant) vert, Geoff., Rhynchites betuleti, Latr., Attelabe vert, Attelabus betul, Oliv., vulgairement en patois bourguignon, Albère, Elbia, et dans le département de la Marne, Cunche ou Conche, de Concha.

Le Becmare vert se reconnaît à sa couleur d'un vert doré, à son long bec et à ses antennes droites.

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