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tions préconçues ou erronées; que l'on se rapproche enfin de la nature, instituteur si véridique et si profond ; je vais rapporter un fait d'observation, non pas neuf, il est vrai, mais qui prouve cependant jusqu'à surérogation, qu'il n'y a pas d'axiôme immuable en médecine, et que celui-là seul est médecin qui sait le plus à propos faire fléchir les principes consacrés, selon le dicendi genus des actes morbides qu'il est appelé à combattre.

La Pneumonie et la Saignée dans cette maladie,

constituent notre texte.

Pourquoi tant de dissidences pour tout ce qui concerne la phlebotomie, dans cette grave maladie? Pourquoi les uns la recommandent-ils jusqu'à la profusion, tandis que d'autres n'y recourent qu'avec la plus méticuleuse parcimonie? Pour justifier son enseignement ou sa pratique, chacun cite des faits où le vrai est souvent avec

tous..

Pour donner la solution de ce singulier problême, faut-il en appeler aux constitutions médicales qui, chacune à sa manière, imprime aux lésions morbides, un cachet sui generis, un facies propria, dont la scrutation habile a donné les honneurs de l'immortalité aux Sydenham, aux Baillou, aux Huxham, aux Sarcone, aux Stoll, si scandaleusement traînés aux gémonies, il y a peu d'années encore. Oui, sans aucun doute, ces constitutions sont la source méconnue d'un grand nombre de luttes médicales, et de ces accusations mensongères de versatilité que lui reproche un indocte vulgaire. Mais il est d'autres causes de ces divergences, une entre autres, dans beaucoup de cas aussi inexplicable dans

son action que le sont les constitutions médicales ellesmêmes. Cette cause, c'est l'influence qui dérive de certaines localités, puissance souvent inconnue et si bien appréciée par Baglivi, que ce grand médecin aimait à répéter en écrivant ses œuvres : Scribo in aere romano, pour indiquer aux médecins la réserve qu'ils devaient mettre dans l'application de ses principes. C'est cette même influence locale qui, si l'on en croit Asclepiade, rendait dans la pneumonie la saignée mortelle à Athènes, et absolument exigible à Bysance. C'est elle enfin, parmi mille faits analogues que je pourrais citer, qui donne le secret des prodigieux succès que Lind retirait de nombreux vésicatoires dans les fièvres typhoïdes, et de la proscription qu'en faisait constamment son ami Sims, qui les signalait comme des poisons.

Hé bien! c'est une influence et un fait de cet ordre que nous avons à signaler, influence dont l'essence nous est inconnue, mais qui n'en est pas moins remarquable dans l'intérêt de la science. J'entre en matière.

Mirebeau est un bourg de douze à treize cents feux, traversé par la Bèze, rivière qui a sa source deux lieues au-dessus. En amont et en aval, sont des prairies où l'eau ne séjourne pas proche de Mirebeau, mais où elle s'épanche et demeure évidemment, à la distance d'une demi-lieue à une lieue, au voisinage des forges de Noide Besouotte et de Drambon. Plusieurs des maisons de ce bourg, qui est en plaine, sont situées immédiatement sur les bords de la rivière qui le traverse rapidement; un plus grand nombre sont sur le penchant d'une légère élévation de terrain, qui est d'ailleurs

ron,

fortement accidenté sur les routes qui conduisent à Dijon, à Bèze, ou à Gray.

Les rues de Mirebeau sont larges, et beaucoup de ses maisons sont bien bâties. Elles sont accessibles à tous

les vents.

Son sol se compose d'un calcaire grossier, stratifié, de terres ocreuses et de mines de fer. Il offre aussi une assez grande quantité de terre argileuse, qui sert à la confection de diverses poteries. Sa rivière coule du nord-ouest au sud-est; son eau est limpide, légère, bonne à boire; son fonds est légèrement vaseux. Le poisson y est bon, et les Apicius dijonnais vantent spécialement sa truite et ses écrevisses. Aucune grande forêt n'est immédiatement à sa proximité; les plus voisines sont au nord, à une demi-lieue. Chaque année une partie de ces bois est exploitée pour les usines voisines.

Les habitants y sont généralement aisés; plusieurs exercent le métier de potier de terre. La classe des pauvres vit de pommes de terre et boit de l'eau. Le lard, les gaudes, les légumes forment la nourriture du plus grand nombre des habitants. Celle du riche est celle de tous les pays. Le tempérament commun des habitants de Mirebeau est le bilioso-lymphatique. Les vieillards y sont en assez grand nombre; quelques-uns atteignent l'âge de 90 à 95 ans. La moyenne de la vie n'a pas été calculée.

La pneumonie et la pleurite sont deux maladies communes à Mirebeau, surtout au printemps et en automne. Avec elles, règnent aussi bon nombre de fièvres intermittentes.

La pneumonie y a généralement les formes et le ca

ractère de celle que les pneumographes désignent sous le nom de pneumonie bilieuse. — Les quatre cinquièmes, selon le docteur Blandin, ont ce caractère.

La marche de cette maladie est plus ou moins rapide, selon la célérité que l'on met à requérir l'intervention du médecin. Celui-ci est-il appelé promptement, les accidents propres à la pneumonie sont enrayés du 4o au 5 jour. Ils ne le sont que du 9o au 11°, rarement plus tard, si les secours de la médecine se sont fait at tendre.

Les complications les plus ordinaires de la pneumonie à Mirebeau sont les aphthes, et chez les vieillards un état adynamique produit d'une réaction lente ou difficile.

Dans ce dernier cas, si la maladie est prise à temps, la guérison est aussi certaine que dans les cas les moins graves.

Peu de ces affections passent à l'état chronique. Cette terminaison n'a lieu que chez les tuberculeux. La phthysie la remplace alors.

Il y a 37 ans que M. le docteur Blandin vint à Mirebeau pour y mettre en pratique les préceptes de ses maîtres. Ses devanciers saignaient dans la pneumonie,, en disciples de Botal, et leurs malades périssaient bien plus pro ratione medicorum que pro ratione morbi. Luimême sacrifia aux faux dieux et perdit grand nombre de ses clients. En face de ces faits, la route à suivre était toute tracée. Il n'est plus pour le médecin sage, en semblable occurrence, qu'une règle de conduite, et cette règle, c'est la maxime si souvent impérieuse de Stoll : a juvantibus et lætentibus indicatio.

Le docteur Blandin ne saigna donc plus et il s'en trouva bien. Depuis trente ans sa pratique sur ce point

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n'a point varié que la pneumonie soit grave ou non; que le sujet soit jeune ou vieux, fort ou faible, il applique immédiatement un très-grand vésicatoire sur le point douloureux ; et s'il n'en existe pas, il en promène plusieurs, à défaut des données stéthoscopiques, sur la périphérie du thorax. Dans ce cas, sans aucun doute, peut-être serait-il mieux d'imiter Pringle, et de poser un de ces antispastiques entre les épaules. Cette pratique serait d'autant plus rationnelle que la pneumonie est beaucoup plus souvent postérieure qu'antérieure. Pour seconder l'action de ces applications vésicantes, il administre le kermès à ses malades, à la dose de deux à trois grains, moins même au début. Si l'expectoration est pénible ou difficile, il y joint quelquefois les scillitiques. Il persiste ainsi pendant tout le cours de la maladie. Si elle s'aggrave, il multiplie les vésicatoires sur la poitrine. Se montre-t-il des accidents nerveux, de la prostration des forces, du délire, de la jactation, de la dyspnée? les crachats se suppriment-ils? survient-il une toux sèche et déchirante? le poulx est-il petit, fréquent, inégal? alors il a, à l'exemple de Baglivi et de Zimmermann, immédiatement recours au camphre; il en donne trois à quatre grains de quatre en quatre heures, soit seul, soit uni au nitre, s'il y a de l'héréthisme, ou si la peau et la langue sont sèches.

Par cette méthode tout empirique, les succès du docteur Blandin, dans la pneumonie, sont presque égaux au nombre des malades qui réclament ses soins. Ces faits sont tous positifs. Aussi la réputation de médecin heureux et très-heureux dans le traitement des fluxions de poitrine, est-elle depuis long-temps accordée et bien acquise à ce médecin. Jamais il n'emploie les

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