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» que l'efprit dont les hommes paroif» fent fi vains? Si nous le confidérons » felon la nature, c'eft un feu qu'une » maladie & qu'un accident amortiffent » fenfiblement. C'eft un tempérament dé>>licat qui fe déregle, une heureuse con» formation d'organes qui s'ufent, un >> affemblage & un certain mouvement » d'efprits qui s'épuifent & qui se diffi» pent. C'eft la partie la plus vive & la >> plus fubtile de l'ame, qui s'appesan>> tit, & qui femble vieillir avec le corps. » C'est une fineffe de raifon qui s'éva» pore, & qui eft d'autant plus fujette » à s'évanouir, qu'elle eft plus dé»licate & plus épurée. Si nous le con» fidérons felon Dieu, c'eft une partie >> de nous-mêmes plus curieufe que >> favante , qui s'égare dans fes per» fées : c'est une puiffance orgueilleufe » qui eft fouvent contraire à l'huma»›nité & à la fimplicité chrétienne, & >> qui laiffant fouvent la vérité pour » le mensonge, n'ignore que ce qu'il » faudroit favoir, & ne fait que ce » qu'il faudroit ignorer (a). Donc il ne » faut point fe glorifier d'avoir de l'esprit. On voit par cet exemple que l'Eloquence

(a) Oraifon funebre de M, de Montaufier.

doit de brillans morceaux à ce lieu commun; & en même tems que la Définition oratoire eft bien différente de la philofophique. Qu'est-ce que l'homme ? C'eft, dit le philofophe, un animal raifonnable. Qui fuis-je, dit Rouffeau,

Qui fuis-je ? vile créature ?

Qui fuis-je, Seigneur, & pourquoi
Le fouverain de la nature
S'abaiffe-t-il jufqu'à moi ?
L'homme en fa courfe paffagere
N'eft qu'une vapeur légere
Que le foleil fait diffiper.

Sa clarté n'eft qu'une nuit fombre,
Et fes jours paffent comme l'ombre
Que l'oeil fuit & voit échapper.

L'Enumération des parties, ou autrement les Détails, fe trouvent dans le dif cours, quand au lieu de prouver qu'il faut aimer la vertu, on prouve qu'il faut aimer la juftice, la force, la prudence, la tempérance. Il y a des Orateurs parmi les modernes qui doivent presque toute leur réputation à ce lieu commun. Il a fon mérite. Les pensées tombent, finon comme la foudre, dont elles n'ont ni la force, ni l'éclat, du moins comme la grêle, qui ne terraffe pas le voyageur, mais qui le contraint de céder & de cher cher un abri.

L'Etymologie fournit quelquefois un

petit argument à l'Orateur: Si la philofophie eft l'amour de la fageffe; foyez donc fage & modéré, vous qui faites profeffion d'être philofophe.

Les Omonymes ou jeux de mots, font à-peu-près dans le même goût. Une caufe eft bien défespérée, quand elle n'a que ces deux efpeces d'argumens pour se défendre. C'eft même faire tort au bon droit que d'employer en fa faveur de pareilles armes.

Il n'en eft pas de même du Genre & de l'Efpece. On prouve fort bien qu'il faut aimer la juftice, parce qu'il faut aimer la vertu; & réciproquement qu'on doit aimer la vertu, parce qu'on doit aimer la justice, qui eft une des efpeces de la vertu.

Nous ne parlons point de la Similitude, qui eft prefque la même chofe que la Comparaifon; ni de la Diffimilitude qui fe confond presque avec les Contraires.

Les Contraires font d'un grand ufage. C'eft fouvent la meilleure maniere d'expofer une penfée. Difons d'abord ce qu'une chofe n'eft point : l'efprit de l'auditeur fe met en action & effaie luimême de trouver la définition. D'ailleurs une description dans ce genre fert d'ombre à l'autre qu'on prépare. » Si je ve »nois ici déplorer la mort imprévue de » de quelque princeffe mondaine, je

» n'aurois qu'à vous faire voir le monde » avec fes vanités & fes inconftances; » cette foule de figures qui fe préfentent >> à nos yeux, & qui s'évanouiffent ; » cette révolution de conditions & de >> fortunes qui commencent & qui finif» fent, qui fe relevent & qui retombent; >> cette viciffitude de corruptions, tan» tôt fecretes, tantôt vifibles, qui fe >> renouvellent; cette fuite de change» mens en nos corps par la défaillance » de la nature, en nos ames par l'infta»bilité de nos defirs; enfin ce dérange>>>ment univerfel & continuel des cho» fes humaines, qui tout naturel & tout » défordonné qu'il femble à nos yeux, >> eft pourtant l'ouvrage de la main toute» puiffante de Dieu, & l'ordre de fa » providence. Mais, graces au Seigneur, » je viens louer une princeffe plus grande » par fa religion que par fa naiffance, » &c. Fléch.

Les Circonftances font d'un grand poids dans les preuves. Milon, dites-vous, a tendu des embûches à Clodius; mais confidérez les circonftances où il étoit, dans une voiture, enveloppé d'habits embarrasfans, accompagné de fon épouse & de fes fuivantes, &c.

Quelquefois on entaffe les penfées les faits, les circonftances; on jette le

tout à la fois comme pour accabler l'au diteur par le nombre. » Turenne meurt, >> tout fe confond, la fortune chancele, » la victoire fe laffe, la paix s'éloigne , » les bonnes intentions des Alliés fe ra» lentiffent, le courage des troupes eft » abattu par la douleur, tout le champ » demeure immobile, &c. » Fléch. Ce lieu commun fe nomme Conglobata chez les Latins.

Les Antécédens & les Conféquens font les chofes qui fuivent ou qui précédent un fait, & qui aident à le reconnoître. Vous aviez eu des démêlés avec Clodius: vous l'aviez menacé: voilà des antécédens. Il eft tué : vous difparoiffez : vous vous défiez de fes amis: voilà des conféquens.

Enfin en confidérant la Caufe & les Effets, on loue, on blâme une action, on confeille une entreprise, on en détourne. Quoi de plus grand, de plus relevé que l'action des Horaces fi on en regarde le principe ? C'eft un entier dévouement au falut de la patrie qui les mene au danger. L'effet qui en résulte n'eft pas moins beau: c'eft la gloire & la confervation de la patrie.

Tous ces afpects font cenfés intérieurs : parce qu'ils tiennent au fujet même, ou comme caufes, ou comme parties, qu

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