Page images
PDF
EPUB

trop vif peut-être, mais qui toutefois n'a rien que de légitime, puifque la gloire en eft l'objet. Ce qui s'eft paffé fous mon confulat, ce que j'ai fait avec vous pour la confervation de cette ville & de cet Empire, pour la confervation des citoyens, pour le falut de l'état, il a entrepris de l'écrire en vers. L'ouvrage m'a paru fi beau, fi grand que je l'ai exhorté à continuer. Car, Meffieurs, quelle autre récompenfe peut efpérer la vertu de tant de travaux qu'elle effuie, de tant de dangers auxquels elle s'expofe? Sans la gloire qu'on attend, quel motif aurions-nous pour nous tourmenter de mille manieres, dans l'efpace d'une vie qui dure fi peu?

29. Non, s'il n'y avoit pas en nous quelque preffentiment de l'avenir; fi le même terme qui renferme le cours de nos années, bornoit également celui de nos pensées; nous n'aurions point de raifon de nous livrer à tant de fatigues, de nous deffécher par les veilles & les foins pénibles, de rifquer tant de fois nos fortunes & nos jours. Mais il y a dans tous les grands cœurs un fentiment généreux, un aiguillon d'honneur qui les excite jour & nuit; qui nous avertit que notre nom ne mourra point avec nous, & que nous vivrons dans la postérité la plus reculée.

» les jours même la vie. Mais dans le coeur de tous »les gens de bien, il y a je ne fais quel aiguillon » d'honneur qui les pique & les avertit jour & nuit » que c'est à l'immortalité qu'il faut penfer, & que Tome IV.

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

30. An verò tam parvi animi videamur effe omnes, qui in republicâ atque in his vitæ periculis, laboribufque verfamur, ut cùm ufque ad extremum fpatium, nullum tranquillum, atque otiofum fpiritum duxerimus, nobifcum fimul moritura omnia arbitremur? An, cùm ftatuas, & imagines non animorum fimulacra, fed corporum, ftudiosè multi fummi homines reliquerint, confiliorum relinquere ac virtutum noftrarum effigiem nonne multò malle debemus, Jummis ingeniis expreffam & politam?

Ego verò omnia quæ gerebam, jam tum in gerendo fpargere me, ac diffeminare arbitrabar in orbis terræ memoriam fempiternam. Hec verò five à meo fenfu poft mortem abfutura eft, five, ut fapientiffimi homines putaverunt, ad aliquam animi mei partem pertinebit: nunc quidem certè cogitatione quâdam, Speque delector.

cinquante ou foixante ans de gloire font peu de chofe, » fi laiffant ce monde nous ne vivons encore en la mémoire de tous les fiecles. »

2. Trad. «Que fi nous n'avions nul fentiment pour » l'avenir, fi nous renfermions toutes nos pensées dans » les mêmes bornes qui limitent notre vie; en vain tous » les jours tant de dangers, en vain tant de veilles, tant » de fueurs, tant de mortelles inquiétudes. Mais il y "a dans le cœur des gens de bien, il y a je ne fais » quoi qui les appelle à la gloire & à l'immortalité; je » ne fais quoi qui leur dit fans ceffe que cinquante ou foixante ans de fplendeur font peu de chofe, fi lorfque nous ne sommes plus, nous ne vivons encore en la mémoire de tous les fiecles,"

Si notre efprit, dans la premiere traduction fent le

30. Aurions-nous affez peu d'élévation tous tant que nous fommes, nous qui paffons notre vie dans les travaux & les dan❤ gers de toute efpece, pour penfer qu'après avoir vécu, fans avoir eu un inftant de tranquillité pour refpirer, il ne reftât rien de nous? Seroit-il poffible que tant de grands hommes aient defiré de laiffer après eux des ftatues & des portraits, qui ne font que l'image des corps ; & que les tableaux de nos penfées & de nos vertus, tracés par les mains les plus habiles, n'euffent rien de touchant, ni de flatteur pour nous?

Pour moi, Meffieurs, je l'avoue, dans tout ce que j'ai entrepris pour la républi que, j'aimois à penfer que ce que je faifois alloit devenir comme une femence de gloi re, répandue par toute la terre, pour ger mer & croître dans tous les tems. Qu'après ma mort je fois insensible à cette renom, mée; ou que, comme l'ont pensé les plus fages des homines, quelque partie de moi. même en reffente l'impreffion : c'est du moins une idée agréable & un efpoir dont je jouis.

» latinifme; M. Patru l'a changé dans la feconde, & a mis fi nous. Præfentiret n'eft rendu ni par fonger à, ni par fentiment pour. Il ne feroit pas befoin, phrafe trop familiere, &c. En vain tant de celle-ci n'eft pas juste; d'ailleurs l'ellipfe de trois verbes eft trop forte, il en falloit conferver au moins un. Pourquoi dans la feconde fupprimer aiguillon qui eft dans le latin & qui fait image? Cinquante ou foixante ans de glaire ou de fplendeur, cela n'eft point dans le latin, & Cicéro T'eût dit, s'il l'avoit voulu dire. .

31. Quare confervate, Judices, hominem, pudore eo, quem amicorum ftudiis videtis comprobari, tùm dignitate, tùm etiam venuftate ingenio autem tanto, quantùm iḍ convenit exiftimari, quòd fummorum hominum ingeniis expetitum effe videatis: causâ verò ejufmodi, quæ beneficio legis auctoritate municipii, teftimonio Luculli, tabulis Metelli comprobetur. Que cùm ità fint, petimus à vobis, Judices, fi qua non inodà humana, verùm etiam divina in tantis negotiis commendatio debet effe : ut eum, qui vos, qui veftros imperatores, qui populi Romani res geftas femper ornavit: qui etiam his recentibus noftris, veftrifque domefticis periculis æternum fe teftimonium laudum daturum effe profitetur : quique eft eo numero, qui femper apud omnes fan&ti funt habiti, atque dicti : fic in veftram accipiatis fidem, ut humanitate veftrâ levatus potiùs quàm acerbitate violatus effe videatur (t).

(t) 1. Trad. « Et cela étant ainfi, je vous conjure, » Meffieurs, fi tant eft qu'en des affaires fi importantes, "il faille employer le ciel & la terre; je vous conjure, » encore un coup, de ne point perdre celui qui toute fa » vie, n'a fait que publier vos louanges & celles de » vos capitaines; qui a chanté fi dignement les hauts "faits du Peuple Romain; qui promet même d'im» mortalifer votre nom & le mien dans fes ouvrages;

qu'un homme, dis-je, fi rare, & qui eft du nombre » de ceux qu'on a toujours compté entre les perfonnes » facrées, ne nous foit point aujourd'hui ravi par vo"tre arrêt. Mais embraffez tellement fa protection, » qu'au fortir de cette audience, il ait plutôt à fe louer » de votre bonté, qu'à fe plaindre de votre rigueur.».

31. Peroraifon. Rendez donc juftice Meffieurs, à un homme dont vous pouvez juger par le vif intérêt que prennent à ce qui le touche, des amis diftingués par leur mérite, & qui réunit en fa perfonne, les fentimens d'honneur & la fécondité du génie; ayez égard à des talens dont nos citoyens de la plus haute confidération ont fait le plus grand cas. Le droit d'Archias eft fondé fur la loi; il eft prouvé par l'autorité d'une ville municipale, par le témoignage de Lucullus, par les regiftres de Metellus. Faites attention non-feulement au témoignage des hommes, mais encore à la récommandation des dieux. C'eft un homme qui n'a ufé de fes talens que pour vous louer vous, vos Généraux, le peuple romain; qui va confacrer à l'immortalité votre fageffe & votre prudence dans nos derniers dangers; enfin un homme qui eft du nombre de ceux dont la perfonne a été regardée comme facrée chez tous les peuples. Prenez-le fous votre protection, & qu'il ait à fe louer de vos bontés plutôt qu'à fe plaindre de votre exceffive rigueur.

?

2. Trad. «Et partant, Meffieurs, ne fouffrez pas » qu'on nous raviffe aujourd'hui un homme que fa » modeftie & fès moeurs rendent fi cher à tous fès amis. »Ne fouffrez pas qu'on nous raviffe un homme d'hon»neur, un homme agréable; mais fur-tout d'un efprit »fi élevé, & tel qu'on fe doit imaginer un efprit dont tant de grands perfonnages ont fait leurs délices. » Vous voyez qu'en cette caufe nous avons la loi pour »nous; nous avons pour nous le témoignage de Lucullus, les regiftres de Metellus & le fuffrage de

« PreviousContinue »