fur-tout qu'eft vraie la maxime d'Horace: Et brevitate opus, ut currat fententia neu se Il doit être proportionné au fujet. Une hiftoire générale ne s'écrit point du même ton qu'une hiftoire particuliere; c'eft prefque un difcours foutenu: elle eft plus périodique, & plus nombreuse. Tite-Live & Tacite ont une maniere plus élevée que Cornelius Nepos. Quoique le caractere même de l'écrivain contribue fouvent autant que le fujet à lui donner plus ou moins d'élévation; quelqu'effort qu'on faffe on ne peut s'oublier affez foimême pour ne pas affaifonner les chofes à fon goût. Et après tout, quelle autre loi y a-t-il pour guider un écrivain? Il s'agit de l'avoir bon. CHAPITRE VI. De l'Hiftoire Naturelle. L E Chancelier Bacon dans cet ou vrage admirable, où il préfente le tableau de la perfection poffible des fciences, divife l'Hiftoire naturelle en trois branches, dont la premiere concerne les ouvrages réguliers de la nature, c'est-àdire, ceux où il nous femble que les loix ordinaires de la nature ont été fuivies ; la feconde fes égaremens, c'est-à-dire, les ouvrages où la nature femble s'être écartée de fa marche ordinaire; la troifieme, les arts, c'est-à-dire, les ouvrages où la nature eft employée ou imitée par l'induftrie des hommes; en trois mots, la liberté, les écarts & les chaînes de la Nature, ou les productions conftantes qui fe renouvellent chaque jour dans la même efpece; les phénomenes extraordinaires qui de tems en tems frappent les yeux & étonnent l'imagination; les ouvrages que l'adreffe & l'effort de l'efprit humain tirent du fonds de la nature : voilà l'objet de l'Hiftoire Naturelle. Quiconque entreprend de l'étudier ou de l'écrire, doit fonger que l'Univers eft le temple de la Divinité. Si, comme l'a dit un Payen, lorfque nous nous préfentons devant les autels nous abaiffons nos regards, fi nous prenons tout l'extérieur de la modeftie & du refpect; à plus forte raifon, devons-nous être réfervés & refpectueux, lorfque nous entreprenons de reconnoître les aftres, le ciel, les dieux. Défions-nous de nousmêmes, craignons d'affurer ce que nous ne favons pas, ou de diffimuler ce que nous favons. C'est Ariftote qui nous donne cet avis important. Platon, pénétré de ce fentiment, commence fa differtation fur la Nature par l'invocation de Dieu. Jamais la vraie philofophie n'a rougi de montrer de la piété & du refpect pour l'Etre fuprême; lors même que les Philofophes ne le connoiffoient qu'imparfai tement. Le plan, ni l'objet de cet ouvrage n'exigent point de nous un grand détail dans cette partie. Il nous fuffira d'avertir les jeunes-gens que cette étude eft auffi utile qu'elle eft agréable. Eft il rien de plus fatisfaifant pour l'homme, que de reconnoître tous les biens dont il a été environné, & de faifir les rapports de tous les êtres foit entr'eux, foit avec lui-même ? Alors, dit Seneque je rends graces aux Dieux; alors je trouve la vie précieufe, quand je contemple la Nature, que je la confidere dans fon intérieur. Par quelle autre raifon pourrois-je me féliciter d'être du nombre des vivans? Seroit-ce pour faire filtrer fans ceffe le boire, le manger; - pour administrer chaque jour le pain à un corps fragile, qui dépérit à chaque inftant, & faire auprès de lui pendant cinquante ou foixante ans, les fonctions d'un garde-malade? Non, non : c'est pour connoître la Nature, & nous élever par cette connoiffance, jufqu'à l'Etre infini qui a fait & arrangé toutes chofes, qui les maintient, qui les gouverne. (a) Seneque n'eft pas le feul qui ait parlé de la forte des fins qu'on doit fe propofer dans l'étude de la Nature; Cicéron l'avoit fait avant lui, d'après tous les philofophes de l'antiquité. Il n'eft pas même néceffaire d'être inftruit par la révélation pour fentir cette vérité : Les Cieux inftruifent la terre Tout ce que leur globe enferre Ce grand & fuperbe ouvrage Son admirable structure Eft la voix de la Nature, Qui fe fait entendre aux yeux, Rouss. Ode 2. Les attributs de Dieu, fa fageffe, fa -puiffance, fa bonté, fa providence, font (a) Tunc natura rerum gratias ago, cùm illam non ab hac parte video que publica eft, fed in fecretiora ejus intravi: cùm difco, univerfi quis auctor fit, quis cuftos, quid fit Deus.... Nifi ad hæc admitterer, non fuerat operæ pretium nafci. Quid enim erat cur in numero viventium, me pofitum effe gauderem? An ut cibos & potiones percolarem? Ut hoc corpus cafurum, & fluidum, periturumque, nifi fubindè impleatur, farcirem, & viverem ægri minifter? 6. Quæft. Nat. gravés par-tout; on les voit non-feulement dans les cieux, dans les météores dans les élancemens de la mer : on les voit dans un infecte: O toi, qui follement fais ton Dieu du hasard, Racine, Poëme de la Religion, Chant 1. " C'eft dans l'étude de l'Hiftoire natu relle, qu'on découvre les caufes finales & les vues du Créateur par rapport à l'homme; qu'on apprend à connoître les bienfaits de l'Etre fuprême, & à lui payer le tribut de reconnoiffance qui lui eft dû. Eft-il un objet plus grand & plus capable de relever le mérite de l'Hiftoire naturelle ? Ce n'eft pas le feul. Elle fournit les plus grands fecours à l'Agriculture, au Commerce, à la Médecine, à tous les Arts. Elle fait connoître les productions des différens climats; elle nous donne de nouvelles idées fur Pemploi des matériaux que nous avons ; elle lie les peuples entr'eux par la communication réciproque de leurs richesses; elle nous rend habitans de tous les lieux, |