Ou il y a fubordination entre ces deux décrets, ou il n'y en a point. S'il y en a, le plan de M. Boffuet qui fubordonne les révolutions du genre-humain à l'éta blissement de la Religion furnaturelle, eft admirable. Et pour prouver qu'il n'eft pas poffible qu'il n'y en ait, il suffit de penfer qu'on ne peut envifager l'ame de l'homme, qui eft proprement l'homme fans un rapport actuel à fon bonheur, qui eft d'être réunie avec Dieu, & par conféquent, que toutes les ames qui ope rent les mouvemens du genre-humain, quelque éloignées qu'elles foient du but qui leur eft marqué, font toutes rappellées par la Providence à la feule fin qu'elles devroient fe proposer dans tous leurs mouvemens; enfin que toutes les actions de l'homme, tant celles qui font dans l'ordre de la grace, que celles qui font dans l'ordre de la nature, entrent nécessairement dans le fyftême de la fageffe de Dieu fur la deftination des hommes. D'ailleurs fi, comme on ne peut en douter, il y a des caufes finales dans les. révolutions qui s'operent dans le genrehumain ; quel objet plus raisonnable ces révolutions peuvent-elles avoir, que de: tourner le genre-humain vers fon auteur, fon bienfaiteur, fon bonheur; & par Conféquent, de l'amener à la connoiffance 9 d'une Religion hors de laquelle il n'y a point de félicité pour l'homme? Cette idée fublime eft l'ame de l'ouvrage de M. Boffuet; elle s'y répand dans toutes les parties, & préfente ainfi le plus grand tableau, le plus magnifique, le mieux ordonné que l'Hiftoire ait jamais conçu: c'eft le rapport de toutes les révolutions des empires, des royaumes, de tous les changemens arrivés aux nations avec l'établiffement de P'Eglife de Jefus-Chrift. 9 C'eft dans l'exécution de ce deffein fublime, qu'on voit la force & la hardieffe du pinceau de l'auteur. Il avoit pu le concevoir, il pouvoit le remplir. Tout y eft digne du grand Boffuet, de la haute idée qu'il avoit de la Religion, & de fon miniftere auprès d'un jeune Prince à qui il falloit faire fentir profondément que les Rois qui fe croient fouvent des Dieux, ne font que des inftrumens dont la Divinité fe fert, pour punir ou récom penfer les peuples, & les ramener parlà, ou les confirmer de plus en plus dans. la voie où il les appelle. 1 C. CHAPITRE IV. L Des Hiftoires particulieres. 'HISTOIRE qu'on appelle particuliere, par oppofition à l'Hiftoire générale du monde, peut être générale par oppofition à d'autres hiftoires dont l'objet eft moins étendu. Par exemple, l'histoire d'un royaume par rapport à celle d'une province; celle d'une province par rapport à celle d'une ville, peuvent être, quoiqu'improprement, appellées générales. On fent que plus le champ de l'hiftoire eft vafte, plus les objets doivent y paroître petits; en fe plaçant au centre des chofes, les objets décroiffent à mesure qu'ils s'éloignent. Il y en a, qu'on verroit dans une moindre étendue, qu'on n'apperçoit point du tout par le coup d'œil général; il y en a d'autres qui feroient frappans, qu'on ne fait qu'appercevoir; d'autres enfin, qui auroient toute l'attention du fpectateur, & qui n'en ont qu'une partie. C'eft à l'écrivain à se placer dans le vrai point de vue de fon ouvrage, & à graduer, comme il convient, les proportions de chaque objet, dans fon tableau, felon les regles de la perspective. S'il s'agit de l'hiftoire d'un royaume ou d'un empire, il faudra deffiner correctement, & peindre avec foin, tout ce qui a influé fur les affaires publiques, & qui pourra fervir à quiconque fera chargé du miniftere public dans le même royaume. Il y a eu des fêtes fomptueuses, des fpectacles brillans, des ouvrages, des inondations: c'eft, dit Tacite, la matiere d'un Journal: tout ce qu'on peut exiger de l'Hiftoire, c'eft qu'elle les indique en passant. Les Hiftoires des empires & des royaumes ne devroient être écrites que par des Philofophes ou par des Miniftres, ou plutôt par des Philofophes qui auroient rempli les fonctions du miniftere; alors on y développeroit avec un fuccès égal les jeux des paffions & ceux de la politique, & les rapports de ces causes avec leurs effets. On verroit en même tems les refforts qui tiennent à l'humanité, & qui agiffent dans toutes les efpeces de gouvernement, & ceux qui tiennent au gouvernement particulier des peuples, felon leurs caracteres propres. On verroit que telle force remue tous les hommes, quels qu'ils foient; que telle autre remue feulement les efprits républicains, ou ceux qui font accoutumés à la monarchie ; que telle voie affoiblit, éteint les vertus, l'honneur, le refpe&t dû au gouvernement, &c. 2 Xenophon, Thucydide, Tite Live Tacite, avoient ces provifions quand ils entreprirent d'écrire l'Hiftoire. Elle retient encore chez eux une partie de fon caractere originaire, qui étoit d'envelopper la morale & la politique fous l'écorce des faits. A l'exemple des poëtes qui couvroient du voile de la fiction tous les myfteres de la philofophie, ils ne fe font point contentés de donner une lifte des événemens, felon l'ordre des tems & des lieux, mais ils ont écrit des traités complets de politique, tirés de la conduite bonne ou mauvaise des peuples dont ils ont fait l'hiftoire. Et fans paroître avoir d'autre deffein que de raconter des faits, ou d'intéreffer le lecteur par des tableaux suivis d'entreprises importantes, ils trouvent le moyen d'inftruire l'efprit, de former le cœur & de développer toute la Philofophie morale. " > Il y a des Hiftoires qui fe bornent à un feul événement important, comme la conjuration de Catilina celle de Valstein, la révolution de Portugal, le fiege de Dunkerque. Il eft néceffaire dans ces fortes d'hiftoires de faire quelque préambule pour introduire le lecteur dans le récit. Un poëte épique a le droit de fe jeter tout d'un coup au milieu des chofes qu'il doit raconter ; fouvent même it |