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exemples, ou qu'incertitude erreur érudition vaine & inutile au bonheur de l'homme,

?

L'Hiftoire Eccléfiaftique ne differe de: l'Hiftoire Profane que par l'objet. L'écrivain y eft abandonné à lui-même, il n'a de reffources que dans fes connoiffances & fes talens pour reconnoître le vrai & l'expofer aux autres. Mais comme il traite des matieres qui appartiennent au Chriftianifme, il eft obligé plus qu'un autre hiftorien d'animer fon récit de cet: efprit de fimplicité, de naïveté, convenable à une Religion qui renonce fpécialement à tout ce qui n'eft que pompe: vaine & oftentation frivole. M. de Fleuri a faifi parfaitement ce caractere dans fon Hiftoire Eccléfiaftique. Quand on le lit, on croit entendre la dépofition d'un témoin fage & fidelle, qui rend avec candeur ce qu'il a vu fans prévention & qui le rend par conféquent comme il eft. Il y a dans fon ftyle quelque chose de cette nobleffe & de cette onction qu'on fent en lifant les hiftoires facrées. Il parle des deffeins de Dieu avec dignité, de fes miniftres avec circonfpection; il blâme & loue par les actions; par-tout il laiffe voir le bon efprit, la piété éclairée, le cœur droit. S'il préfente quelquefois en paffant le germe d'une ré

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flexion, il rentre auffitôt dans fon caractere & fes fonctions d'hiftorien & de témoin défintéreffé.

Comme notre objet n'eft point ici de donner une notice de tous les hiftoriens célebres ni de tracer des regles fur la maniere d'étudier l'Hiftoire mais feulement de caractériser les différens

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genres d'hiftoire leurs qualités, leurs objets différens , on ne doit pas être étonné de nous voir paffer rapidement d'un genre à l'autre. Il nous fuffit de définir, & quelquefois de citer un modele.

CHAPITRE III.

De l'Hiftoire Profane.

'HISTOIRE profane eft le

portrait aux fie

cles à venir, pour leur fervir d'inftruction. C'est, dit M. de la Mothe qui la définit en orateur, un fpectacle de révolutions perpétuelles dans les affaires humaines, de naiffances & de chutes d'empires, de moeurs, d'opinions, qui se fuccedent inceffamment; enfin de tout ce mouvement rapide, quoiqu'insensible qui emporte tout & change continuelle ment la face de la terre.

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On la divife en Hiftoire générale & en Hiftoire particuliere.

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L'Hiftoire générale feroit l'histoire du Genre-humain répandu fur la terre habitable depuis le commencement du monde. Quoiqu'il n'y ait rien dont les hommes ne puiffent venir à bout, en réuniffant leurs forces pendant le tems néceffaire, eu égard à l'entreprise ; il paroît cependant impoffible de compofer une Hiftoire univerfelle qui comprenne tous les peuples, dans tous les tems, dans tous les lieux. Nous difons une Hiftoire 2. non une chronologie accompagnée de quelque détail: ce qui a été exécuté plus d'une fois. Une Hiftoire univerfelle comprendroit le fonds de toutes les Hiftoires des peuples, réduites à une étendue proportionnée au corps entier de l'ouvrage. L'hiftoire d'une grandemonarchie y figureroit à-peu-près comme celle d'une province dans celle d'un royaume. Tous les objets. taillés mefurés, placés felon, leurs rapports fymétriques entr'eux & avec le tout, y fe roient dans un état perpétuel de compa raison: & de même que le tems qui coule, emporte dans le même flot toutes les générations qui exiftent enfemble; le courant de cette hiftoire préfenteroit dans le tableau univerfel du genre humain.,

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non feulement les rapports contemporains des caufes & des effets qui occupent la fcene du monde, mais encore les germes plus ou moins développés, des catastrophes réfervées aux fiecles fuivans..

9.

Avant que de prendre le pinceau, il faudroit raffembler les faftes de tous les Empires, les monumens de tous les faits, être sûr de les avoir authentiques, de les entendre dans leur véritable fens; alors il ne s'agiroit plus que de former une fociété nombreufe de Savans de leur communiquer la même ame, & de la faire paffer par une forte de métempsycofe, dans les continuateurs jufqu'à la perfection entiere de l'entreprise. M. de Thou a donné l'Hiftoire générale d'un fiecle mais fa. carriere fe borne à l'Europe & aux événemens du dehors qui ont eu des rapports avec cette partie du monde..

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M. Boffuet, qui a tracé l'efquiffe d'une Hiftoire univerfelle en borne le projet par le point de vue digne d'un Evêque philofophe, & d'un Théologien enrichi de la plus précieuse érudition..

Dieu a fait tout pour fa gloire; c'est-àdire pour lui-même : & tous les êtres créés trouvent leur propre perfection dans le rapport qui les ramene à leur auteur. Ainfi tous les changemens qui

GENRES arrivent au genre humain font fubordon nés aux vues de la providence : & une de ces vues, depuis la chute & l'égarement de l'homme, eft de le rétablir dans fon premier état, par le moyen de la Religion révélée. La chaîne des caufes fecondes eft compofée d'une infinité d'anneaux, qui fe tiennent & qui remontent à ce principe, qui leur fert d'appui.

De ces réflexions avouées de la faine Philofophie auffi-bien que de la Foi M. Boffuet prend fon vol; & fe plaçant dans le fein de la Divinité, il confidere la terre & les habitans qui la couvrent : il obferve les mouvemens qui les approchent, ou les éloignent de la fin qui leur eft marquée. Le premier deffein de Dieu avoit été de rendre l'homme heureux par l'innocence & la liberté. L'homme s'eft rendu efclave par le crime. Le second deffein de Dieu eft de le délivrer de fes chaînes & de le remettre dans la voie de l'innocence & du bonheur. Et c'eft à ce deffein qu'il fubordonne toutes les révolutions du genre-humain.

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Dans ce raifonnement de M. de Meaux, il y a deux parties: Dieu veut établir une Religion pour rétablir l'homme dans fes droits, c'est la premiere partie : Dieu veut qu'il y ait des révolutions dans les affaires humaines, c'est la feconde.

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