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ner tout entier à l'auteur qu'il veut imiter. Il doit obferver exactement fes penfées , fes expreffions, fes tours; revenir fur les mêmes endroits, s'y arrêter, tâcher d'en exprimer le fuc. Il ne fe con tentera pas d'avoir lu ; il prononcera à haute voix; il chantera les vers, il déclamera la profe; il entrera dans la paffion; il s'échauffera. Voilà le moment des mufes. I eft tems alors de prendre la palette & les pinceaux. S'il arrive que la mémoire fourniffe au génie des expreffions étrangeres au modele qu'on suit, elles feront entraînées par le courant général, & prendront la même direction que le refte. Ce ne fera pas un ftyle rapetaffé de lambeaux de toutes couleurs: on n'y verra point de périodes bigarrées d'Horace, de Juvénal, de Cicéron. L'imitation d'un feul modele réduira tout à la même forme, & rendra l'ouvrage, quant à l'élocution, auffi parfait qu'il peut l'être, eu égard au talent de l'au

teur.

SECTION QUATRIE ME.

DE LA PRONONCIATION.

COMME notre travail a pour objet

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principal les jeunes gens, on me permettra de leur préfenter ici quelques obfervations, pour leur aider à fe montrer convenablement dans leurs exercices publics. Ce qu'ils difent n'étant point ordinairement de leur propre fond; il eft de leur intérêt de fe faire honneur par la maniere de le dire, en faisant voir qu'ils fentent eux-mêmes, & qu'ils comprennent ce qu'ils difent.

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De la Prononciation des jeunes Gens dans les exercices publics.

L

A premiere chofe que les Jeunesgens ont à obferver, eft que leur prononciation foit nette. Pour cela, il faut parler doucement, diftinguer les fons foutenir les finales, féparer les mots, les fyllabes, quelquefois même certaines lettres qui pourroient fe confondre, ou produire par le choc un mauyais fon s'arrêter aux points & aux vir

gules, & par-tout où le fens & la net teté l'exigent. La prononciation eft au difcours, ce que l'impreffion eft à la lecture. Un ouvrage élégamment imprimé, fur beau papier, exactement ponctué, justement espacé dans les lignes & dans les mots, acquiert un nouveau mérite. Il féduit les yeux. De même on entend avec plaifir une prononciation nette, qui porte à l'oreille les mots fans confufion, fans embarras : l'efprit en voit mieux l'ordre & le détail des pensées.

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2°. Que la prononciation foit aifée & coulante. Dès que l'Orateur peine, l'Auditeur eft gêné. Il vaudroit mieux faire quelque faute en galant homme, que d'être fcrupuleux en pédant.

3°. Ce n'eft point affez que la prononciation foit exacte & aifée, ( c'est déja un grand point, & affez rare dans la Jeuneffe françoife) il faut encore prendre le ton convenable à ce qu'on dit. Comme ces tons varient à l'infini, il eft très-difficile d'en marquer les différen ces, & d'en donner des regles. Cependant il femble qu'on peut les réduire à trois efpeces le ton familier, le foutenu, & un troifieme, qui tient le milieu entre les deux, & que pour cela on peut appeller ton moyen.

Le ton familier eft celui de la con

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verfation ordinaire. Il n'eft ni chantant, ni monotone. Il confifte dans des inflexions douces & fimples. Il eft plus facile de l'apprendre par imitation en choififfant quelque modele, que par regles. J'ai dit en choififfant un modele, car il y a un certain choix à faire : il y a le familier des honnêtes gens : & il ne feroit pas sûr de faire parler les Jeunesgens comme ils parlent avec ceux de leur âge.

Le ton foutenu eft celui qu'on emploie dans la déclamation des difcours graves, ou lorfqu'on lit des ouvrages très-férieux. La voix eft toujours pleine, les fyllabes prononcées avec une forte de mélodie demi-chantante: on ne varie les inflexions qu'avec dignité.

Le ton moyen a un peu plus d'apprêt que le familier, & un peu moins que le foutenu. Ces trois efpeces de tons ont chacun leurs degrés, ou il y a du plus ou du moins, felon les fujets, les acteurs, les auditeurs, & les lieux.

Il femble qu'on doit dire, dans un exercice public, d'un ton familier toutes les définitions, les remarques, les réflexions, les récits: c'eft un entretien littéraire.

D'un ton un peu élevé, toutes les citations, foit en vers, foit en profe, quand

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elles ne feront point dans le genre noble s quand ce fera, par exemple, quelque morceau de Differtations ou de Comédies, ou un Apologue: car on ne dira pas du même ton, la Cigale ou la Grenouille, & les remarques qui feront faites fur cette fable. Celles-ci feront dites d'un ton plus uni, plus négligé. La Fable fe fentira un peu de l'art, on lui donnera un air plus gracieux, plus riant.

Enfin on dira d'un ton foutenu, les morceaux d'Oraifons ou de haute Poésie. Je mets ici la haute Poéfie avec l'Oraifon. quoiqu'elle ait encore un degré au-deffus. On doit chanter les vers & non les lire. Ainfi on dira d'un ton noble : Turenne meurt tout fe confond: la Paix s'éloigne la Victoire fe laffe: mais ce ton fera plus grand encore quand on dira:

Mânes des grands Bourbons, brillans foudres de

guerre,

Qui futes & l'exemple & l'effroi de la terre,

&c.

Ce ton foutenu confifte principalement, au moins pour les Jeunes-gens, 1o. à baiffer la voix au commencement de chaque période. Il eft d'obfervation qu'on ne manque jamais de remonter infenfiblement au ton qu'on a quitté. Cela fait une variété qui termine les phrafes,

&

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