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bien qu'il peut être écrit, dans le ftyle & le ton qui lui conviennent ; fi on veut y arriver par le fecours de l'imitation, voici ce femble de quelle maniere on peut procéder.

Avant que de commencer un concert, les musiciens montent chacun leur inf trument fur un même ton, qu'ils prennent d'un inftrument sûr & invariable par lui-même.

Avant que de prendre la plume, l'écrivain imitateur doit de même choifir un modele certain, & le prendre précifément dans le genre où il veut travailler lui-même. S'il s'agit d'une oraifon latine, il ne lira ni Sallufte, ni Tite-Live, encore moins Plaute & Térence. Il ne

lira pas même les livres philofophiques de Cicéron, ni ceux qui concernent la rhétorique, encore moins fes lettres; mais il lira fes oraisons, & fur-tout celles qui font dans le même genre que celui qu'il veut traiter. Ce fera fon discours pour Marcellus, pour la loi Manilienne, pour Ligarius, &c. s'il s'agit de louer. Il prendra les Verrines, les Catilinaires, les Philippiques, &c. s'il s'agit de blâmer. Si j'avois à compofer un poëme héroïque, je m'attacherois à la lecture feule de Virgile, non dans fes Pastorales, ni dans fes Géorgiques; mais dans les

endroits de fon Enéïde qui auroient le plus de rapport à mon fujet ; & après avoir écouté quelque tems le fon de fa trompette, après m'être rempli l'oreille de fes accords, quand je me fentirois échauffé par fon génie; alors je m'élancerois pour chanter les combats. Chaque fois que je reviendrois à mon ouvrage, je me préparerois au travail par la même précaution; & s'il arrivoit que l'oracle fût fourd à ma demande, que je n'entendiffe point fa voix, j'attendrois un moment plus favorable. Virgile par co moyen feroit feul mon Apollon & mon Ariftarque, mon génie & mon juge.

Quand mon ouvrage feroit achevé, & qu'il ne s'agiroit plus que de le polir, allant fans ceffe au modele, & revenant de même à mon travail, j'effayerois fi l'impreffion feroit continue en paffant de l'un à l'autre. Quelle fatisfaction fi du moins en quelques endroits je retrou vois le même nerf, la même dignité, la même naïveté la même harmonie ! On prend infenfiblement les mœurs de ceux avec qui on vit. Cela fe fait même fans qu'on s'en apperçoive.Qu'arrivera-t-il fi on tâche, fi on s'efforce de reffembler?

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Quiconque lit dans l'intention d'imiter doit pendant quelques jours fe don

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ner tout entier à l'auteur qu'il veut imiter. Il doit obferver exactement fes penfées, fes expreffions, fes tours; revenir fur les mêmes endroits, s'y arrêter tâcher d'en exprimer le fuc. Il ne fe con tentera pas d'avoir lu; il prononcera à haute voix; il chantera les vers, il déclamera la profe; il entrera dans la paffion; il s'échauffera. Voilà le moment des mufes. I eft tems alors de prendre la palette & les pinceaux. S'il arrive que la mémoire fourniffe au génie des expreffions étrangeres au modele qu'on suit, elles feront entraînées par le courant général, & prendront la même direction que le refte. Ce ne fera pas un style rapetaffé de lambeaux de toutes couleurs: on n'y verra point de périodes bigarrées d'Horace, de Juvénal, de Cicéron. L'imitation d'un feul modele réduira tout à la même forme, & rendra l'ouvrage, quant à l'élocution, auffi parfait qu'il peut l'être, eu égard au talent de l'au

teur.

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SECTION QUATRIE ME.

DE LA PRONONCIATION.

notre travail a pour objet

Cprincipal les jeunes gens, on me

permettra de leur préfenter ici quelques obfervations, pour leur aider à fe montrer convenablement dans leurs exercices publics. Ce qu'ils difent n'étant point ordinairement de leur propre fond; il eft de leur intérêt de fe faire honneur par la maniere de le dire, en faisant voir qu'ils fentent eux-mêmes, & qu'ils comprennent ce qu'ils difent.

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CHAPITRE

I.

De la Prononciation des jeunes Gens dans les exercices publics.

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A premiere chofe que les Jeunesgens ont à obferver, eft que leur prononciation foit nette. Pour cela, il faut parler doucement, diftinguer les fons foutenir les finales, féparer les mots, les fyllabes, quelquefois même certaines lettres qui pourroient fe confondre, ou produire par le choc un maus yais fon s'arrêter aux points & aux vir

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gules, & par-tout où le fens & la netteté l'exigent. La prononciation eft au difcours, ce que l'impreffion eft à la lecture. Un ouvrage élégamment imprimé, fur beau papier, exactement ponctué, juftement espacé dans les lignes & dans les mots, acquiert un nouveau mérite. Il féduit les yeux. De même on entend avec plaifir une prononciation nette, qui porte à l'oreille les mots, fans confufion, fans embarras l'efprit en voit mieux l'ordre & le détail des pensées.

2°. Que la prononciation foit aisée & coulante. Dès que l'Orateur peine, l'Auditeur eft gêné. Il vaudroit mieux faire quelque faute en galant homme, que d'être fcrupuleux en pédant.

3o. Cè n'eft point affez que la prononciation foit exacte & aifée, ( c'est déja un grand point, & affez rare dans la Jeuneffe françoife) il faut encore prendre le ton convenable à ce qu'on dit. Comme ces tons varient à l'infini, il est très-difficile d'en marquer les différen ces, & d'en donner des regles. Cependant il femble qu'on peut les réduire à trois efpeces le ton familier, le foutenu, & un troisieme, qui tient le milieu entre les deux, & que pour cela on peut appeller ton moyen.

Le ton familier eft celui de la con

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