Page images
PDF
EPUB

Ils se battirent au fond du jardin même de l'ambassade, et l'auteur du Pèlerinage d'Harold reçut une grave blessure.

Six semaines durant, il fut entre la vic et la mort.

Tout Florence blâma le brutal patriote qui avait failli tuer le plus aimable des poëtes pour une antithèse. On alla s'inscrire chez Lamartine, on prenait d'heure en heure le bulletin de sa santé, le jour de sa guérison fut un jour d'allégresse.

Les dames italiennes aiment les fêtes et le plaisir elles eussent regretté vivement les soirées quasi-royales du chargé d'affaires de France.

Au milieu de ses travaux diplomatiques, Lamartine continuait de se livrer à la poé sie. Son talent grandissait, bercé par d'u

niversels éloges. De retour à Paris, il publia, au mois de mai 1829, les Harmonies poétiques et religieuses, livre sublime qui le fit entrer à l'Académie en triomphaleur 1.

Nous ne citerons pas la quantité de chefs-d'œuvre que les Harmonies contiennent. Les vers du poëte spiritualiste sont dans toutes les mémoires; ils renferment des consolations et de pieux accents pour tous les âges.

O Père qu'adore mon père !

Toi qu'on ne nomme qu'à genoux ;
Toi dont le nom terrible et doux
Fait courber le front de ma mère;

On dit que ce brillant soleil

N'est qu'un jouet de ta puissance;
Que sous tes pieds il se balance
Comme une lampe de vermeil.

1 1830.

On dit que c'est toi qui fais naître
Les petits oiseaux dans les champs,
Et qui donne aux petits enfants
Une áme aussi pour te connaître.

Mon Dieu, donne l'onde aux fontaines,
Donne la plume aux passereaux,
Et la laine aux petits agneaux,
Et l'ombre et la rosée aux plaines.

Donne au malade la santé,
Au mendiant le pain qu'il pleure,
A l'orphelin une demeure,
Au prisonnier la liberté.

Donne une famille nombreuse
Au père qui craint le Seigneur;
Donne à moi sagesse et bonheur,
Pour que ma mère soit heureuse!

On parlait d'envoyer, à cette époque, un ministre plénipotentiaire en Grèce. Le gouvernement se décidait à confier à La

martine ces hautes fonctions, lorsque tout à coup la Révolution de juillet éclata. Notre poëte fut terrassé.

La vieille couronne de Charlemagne et de saint Louis tombait encore une fois dans les ruisseaux fangeux de l'émeute; le peuple la ramassait pour l'offrir à LouisPhilippe, qui la prit telle quelle, et ne l'essuya pas.

Au lieu de partir pour la Grèce, Lamartine alla bouder sous les ombrages de Saint-Point, noble manoir féodal qu'il devait à l'héritage de son oncle.

Mais bientôt il se fatigua de sa retraite. La gloire des lettres était loin de lui suffire. N'être pour son pays qu'un grand poëte, c'est triste!

Les succès de M. Guizot empêchaient

Lamartine de dormir.

Écoutons ce qu'il écrivait alors :

« Le passé n'est plus qu'un rêve; il ne faut pas le pleurer inutilement, il ne faut pas prendre sa part d'une faute que l'on n'a point commise; il faut rentrer dans les rangs des citoyens, penser, parler, agir, combattre avec la famille des familles, avec le pays! >>

Impossible de faire une avance plus directe au nouveau pouvoir.

Mais les électeurs de Toulon et de Dunkerque s'obstinèrent à ne point comprendre tout l'à-propos de ce revirement. Ils curent l'indélicatesse de refuser leurs votes

« PreviousContinue »