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» ver, l'aromate de l'idéal mêlé au réel dans une > certaine proportion. Mais cet idéal est le grain » de sel sur la queue de l'oiseau. Si on en met > trop, on fait de pauvres académies; si on n'en » met pas assez, on n'a que des êtres passagers » qui s'en vont avec les générations et du même pas qu'elles. J'entrevois bien pourquoi nous » n'avons plus ce secret, mais ce serait un long » détail et on ne peut songer à cette philosophie › des arts tant que les troupes d'Attila sont campées sous nos murs ▸ (1).

On ne saurait mieux dire: aussi, resterons-nous sur ces belles paroles, en recommandant Henry Greville à ceux qui aiment les lectures faciles, et en l'interdisant absolument à la jeunesse, qui, autant que l'enfance, mérite le respect (2).

LE DIRECTEUR DES CATÉCHISMES PAR M. L'ABBÉ TURCAN (3)

Nous indiquons ce livre à notre cher public, quoiqu'il ait été spécialement écrit pour les prétres qui remplissent, dans les paroisses, les belles et délicates fonctions de catéchiste; mais les mères de famille, les institutrices, celles-là surtout qui préparent des enfants à la première communion, s'en serviront utilement et nous sauront gré de le leur avoir indiqué. Cet ouvrage, et tous ceux qui l'ont pratiqué le reconnaissent, tient le premier rang parmi ceux qui sont destinés à enseigner la religion à l'enfance, et à graver dans le cœur des jeunes chrétiens l'instruction, sans laquelle, de nos jours, la foi est bien facile à ébranler. L'auteur a suivi la méthode des admirables catéchismes de Saint-Sulpice que personne n'a pu oublier parmi ceux qui ont eu le bonheur de les suivre.

II procède par un avis au catéchiste lui-même, avis qui mérite d'être lu et médité, et qui tend à rendre celui qui enseigne maître de la matière qu'il doit enseigner. Après vient l'instruction, c'est un petit discours, net et rapide, sur le sujet que l'on va traiter; puis vient le catéchisme même, c'est-à-dire les questions posées aux enfants, questions et réponses qu'ils ont dû ap

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prendre par cœur, et que le maître peut commenter, en se servant de l'avis placé en tête du chapitre; une ou deux histoires bien choisies, une pratique à observer, et la prière terminent chaque chapitre.

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Rien de plus complet que ces belles instructions, où la science de l'église est résumée et rendue accessible à l'intelligence des enfants; beaucoup d'hommes auraient à y apprendre, il en est beaucoup, et des plus savants, à qui on pourrait répéter ce que disait Massillon de Madame du Deffand, qui ne croyait pas et qui cherchait de l'instruction chez les philosophes : Il ne lui faut qu'un catéchisme de deux sous. A plus forte raison, celui-ci serait-il utile, il renferme le dogme, la morale, l'histoire de l'église; c'est un foyer de lumières auquel, espérons-le, bien des âmes viendront chercher la foi la foi, substance des choses espérables, comme le dit SaintPaul, la foi, qui est l'aliment de la charité et le soutien, la consolation puissante des maux de cette vie.

MARGUERITE DE NOVES

PAR MADEMOISELLE Z. DE LA PONNERAYE

Ce volume, écrit d'une plume facile, confine à trois genres très-différents, à l'histoire, puisqu'il raconte avec détail les premières scènes de la Révolution et les campagnes de l'armée de Condé ; aux mémoires particuliers, puisqu'il renferme beaucoup de mots, d'anecdotes qui semblent avoir été transmis à l'auteur par une tradition orale ou écrite; au roman enfin, car des personnages et des aventures de pure imagination se mêlent à ces récits puisés dans l'histoire réelle. C'est là le défaut des romans historiques, et peutêtre est-il plus sensible lorsqu'il s'ag d'une époque encore récente il faut l'espace et le lointain pour fondre les différents plans d'un paysage; il faut le temps et le lointain pour que les personnages historiques et les personnages de pure création aient l'air aussi vivants les uns que les autres. La vie et le relief font peut-être défaut à ce livre de mademoiselle de la Ponneraye, mais la pureté des pensées le rend néanmoins recommandable (1). M. B.

(1) Chez Téqui, 6, rue de Mézières.-Prix. 2 fr. 25 c. franco.

VOYAGE A TRAVERS LES MOTS

LES INSTRUMENTS DE MUSIQUE

(SUITE ET FIN)

LA TROMPETTE

De même que la première flûte a été un roseau, la première trompette a dû être une corne de bœuf ou quelque coquille. C'est, par là, un des plus anciens instruments. Pour marquer l'antiquité de son origine, quelques auteurs grecs en attribuent l'invention à Osiris, le dieu égyptien. Les Chinois, qui ont tout appris et tant oublié, en font remonter la découverte chez eux à trois mille ans avant l'ère chétienne.

La trompette était en usage chez les Égyptiens, les Grecs et les Romains pour les fêtes et les combats. Elle jouait, dans les armées, le même rôle que, dans les nôtres, le tambour et le clairon. Elle indiquait les départs, les devoirs à remplir, de même qu'elle excitait au combat. C'est au son de la trompette que Lysandre renversa les murs d'Athènes et que Tullus Hostilius détruisit la ville d'Albe. La trompette servait aussi à appeler le peuple aux cérémonies religieuses, à les supplices et la fin des festins; elle figurait dans la célébration des jeux sacrés, dans les triomphes, dans les cérémonies funèbres. Partout enfin où il était besoin de produire un bruit retentissant, qu: fût entendu de tous, c'est la trompette qui sonnait.

annoncer

A l'antiquité de son origine autant qu'à ses accents sonores et pénétrants, la trompette doit d'être par excellence un instrument légendaire. La trompette est un des attributs de Calliope et de Clio, les muses de l'éloquence et de l'histoire, et elle sert, dans le langage des poètes, à désigner la poésie épique et la poésie religieuse : la trompette héroïque et la trompette sacrée. C'est pour cela que l'expression emboucher la trompette signifie chanter les exploits des héros, s'élever à la hauteur de l'épopée, prendre le ton sublime.

Le récit homérique expire en chansonnette;
Et l'aigu flageolet fait taire la trompette.

La trompe n'est rien de plus que le cor de chasse, sur lequel on exécute des airs de chasse et des fanfares; et la petite trompette qui s'appelle clairon, parce qu'elle a des sons clairs et per

çants, n'a guère d'autre objet que d'alterner avec le tambour dans les marches de l'infanterie. Les véritables instruments de musique sont le cor proprement dit (1), qu'on appelle cor d'harmonie pour le distinguer de l'autre, le trombone, la trompette avec ses variétés modernes, le cornet à piston, l'ophicléide, et les autres instruments de cuivre auxquels M. Adolphe Sax a donné son nom : le Saxophone (du grec phonè, voix, son), et le Saxhorn (du mot horn, qui, en anglais et en allemand, désigne le cor).

Trompe et son diminutif trompette et son aug. mentatif trombone, ont pour origine l'italien trumba, tube. Les amis de l'onomatopée se soucient peu de ce tube, et ils se sont demandé si l'origine première du mot trompe ne devait pas. être cherchée dans le son que produit ordinairement le cor de chasse, trom, trom, trom. Cette observation pourrait avoir sa valeur si la trompe ne désignait que le cor de chasse; mais elle est aussi le nom du nez prolongé de l'éléphant, de la bouche de certains insectes, d'une espèce de coquille, d'une portion de voûte en architecture, de plusieurs autres choses encore qui toutes rappellent un tuyau, un canal, un tube enfin, et le trom, trom de la trompe justifierait mal tout cela.

Le trombone, modification de la trompette ordinaire, est composé de deux tubes qui s'emboitent, qui glissent l'un sur l'autre, et qu'on allonge ou raccourcit à volonté pour produire les différents tons. Lorsque la partie évasée du trombone, qui s'appelle pavillon, a la forme d'une gueule de serpent ou de dragon, comme les

(1) « Consacré dès son origine, et pendant plusieurs siècles, aux nobles jeux de Diane, après avoir fait redire aux échos des montagnes le bruyant hallali, le chant triomphal de la curée, le cor, appelé à de plus hautes destinées, a passé des mains du chasseur dans celles des favoris d'Apollon. Cette voix rauque et sauvage, la terreur des hôtes des bois, s'est adoucie au point de nous ravir par des sons flatteurs. L'art des Punto. des Duvernoi, des Daudrat, lui donnant une nouvelle existence, l'a enrichie d'une multitude de tons que la nature semblait lui vouloir refuser. » (Castil-Blaze.-Dictionnaire de musique moderne.)

trompettes gauloises, le trombone prend le nom de buccin (du latin bucca bouche). C'était le nom (buccina) que les Romains donnaient à la trompette courbée; ils la distinguaient ainsi de la trompette droite nommée tuba. Ceux qui sonnaient de ces instruments étaient le tubicen et le buccinator.

Le cor et le cornet, son diminutif, ont pour origine le latin cornu, corne, soit parce que le cor était fait de corne avant d'être de cuivre, soit plutôt parce qu'il avait la forme d'une corne. Le cornet à bouquin est un instrument grossier, composé d'une simple corne, qui s'appelle bouquin (vieux bouc), pour exprimer sans doute combien il est rustique; mais le cornet à piston est un petit cor où sont adaptés des pistons qui, en raccourcissant la colonne d'air, permettent de donner justes toutes les notes; il produit des sons un peu stridents, mais il a le mérite d'avoir fait danser beaucoup de monde.

Il y eut autrefois des cors en ivoire qu'on appelait oliphans ou olifans, corrompant ainsi le nom de l'éléphant, qu'on employait à désigner la matière de ses défenses, en vertu de la figure de rhétorique qui autorise à prendre la partie pour le tout. On trouve souvent cet instrument, plus bruyant qu'harmonieux, dans les récits du moyen âge; le cor de Roland et celui d'Obéron étaient des olifans.

Le serpent, qui doit son nom à l'apparence qu'il offre, a été perfectionné en Allemagne par l'introduction de clefs, et il s'est appelé alors ophicléide (du grec ophis, serpent, et kleis, clef).

La trompe, la trompette et le cor ont laissé dans la langue française des traces dont quelques-unes sont plus intéressantes que les nez en trompette.

L'expression A cor et à cri, avec éclat, avec bruit, empruntée au vocabulaire de la chasse, dit exactement le contraire de cette autre Sans tambour ni trompette, se retirer sans bruit, secrètement. La première fait allusion à la chasse où l'on sonne du cor et où l'on pousse des cris; la seconde, à une troupe qui décampe en silence, sans aucun signal militaire et sans musique.

La trompette figure encore dans deux locutions très expressives, mais qui s'expliquent d'ellesmêmes Il est bon cheval de trompette, il ne s'effraie pas du bruit; et A gens de village trom

:

pette de bois, pour les gens simples, il n'est besoin ni de frais ni de façons.

On ne publie plus à son de trompe; de nos jours c'est le bruit du tambour qui réunit les habitants des villages autour du garde champêtre qui a quelque communication à leur faire; l'expression figurée seule nous est restée pour dire qu'on annonce une chose à grand bruit, qu'on la raconte à tout le monde, qu'on la divulgue. Mais ce que la trompe nous a légué d'intéressant c'est le verbe tromper, qui, au propre, signifiait jouer de la trompe, et qui, au figuré, signifie, comme chacun sait, induire en erreur. On voit mal, au premier aspect, comment le sens propre a conduit au sens figuré, et cependant, on disait autrefois : Me joues-tu de la trompette? pour dire Me trompes-tu?

Tromper quelqu'un, c'était le convoquer à son de trompe; tromper quelque chose, c'était annoncer une nouvelle à son de trompe; or, si la personne convoquée l'était mal à propos, pour un procès, par exemple; ou si les nouvelles publiées par le trompeur étaient fausses, n'était-on pas fondé à s'en prendre à la trompe d'avoir été mal dirigé ou mal renseigné? De là, l'idée de l'erreur s'attachant à la trompe; de là, le verbe tromper avec l'acception qu'on lui connaît aujourd'hui. Cette déduction me paraît très conforme à une définition que j'ai lue dans un dictionnaire du commencement de ce siècle :

Tromper, trompeter, sonner de la trompette ou de la trompe; publier à son de trompe; divulguer, publier partout; crier comme l'aigle; induire en erreur par artifice; abuser, attraper, ne donner que du vent. »

Que produit la trompette? La fanfare. Que nous a donné la fanfare? Le fanfaron. Voici un mot, fanfare, qui bien décidément doit avoir été créé par l'onomatopée : le mot fait le bruit. Quant au mot fanfaron, il était pris en bonne part au moyen àge: il désignait celui qui, « voulant joûter, se montrait en la lice avec trompettes et clairons. » Lices et luttes ont disparu, et le fanfaron de nos jours, vous le savez de reste, mes chères demoiselles, est un vantard qu'une importance présomptueuse pousse à sonner la fanfare sur lui-même. Il n'a pas fait ce qu'il raconte, il ne fera pas ce qu'il promet, il n'est brave qu'en paroles, et c'est, en somme, le plus insupportable des menteurs et des sots.

CHARLES ROZAN.

UN RÊVE ACCOMPLI

(SUITE)

VIII

UN SECRET A TROIS

L'instinct féminin la conseilla on l'avait distinguée et aimée, humble pervenche, modeste violette, il ne fallait donc pas emprunter les airs triomphants des tulipes et des roses : elle resta ce qu'elle était, elle ne sortit pas de l'arrière-plan où, elle le savait! un regard tendre, inquiet, empressé, venait la chercher; elle se plut dans ce rôle un peu effacé, un peu comprimé, rôle de victime qui attire les âmes généreuses, et elle n'était pas trop mécontente lorsque madame d'Hivray lui adressait quelque observation ou que madame de Fréville témoignait, en lui parlant, une antipathie peu déguisée : elle devinait quelle ardente compassion s'éveillait alors dans une autre âme, et combien ces épines-là attisaient le feu qui brûlait en son honneur.

Pendant un assez long temps, Lucie se laissa aimer en silence; mais peu à peu elle se prit au piège qu'elle avait tendu : son âme était moins coquette qu'ambitieuse, et l'ambition n'exclut pas le pouvoir d'aimer. Il ne serait pas utile de raconter l'histoire et les progrès de cet amour; il fut, comme tous les sentiments de son ordre, un mélange de rêves, d'illusions, d'obstination crédule, le tout en flammé par cette inexplicable ardeur qui agite le cœur humain à son aurore; il veut aimer et se donner et se dévouer, mais combien de fois le fruit convoité se change-t-il en cendre! la perle en une froide goutte d'eau, et le paysage adoré où l'on veut bâtir sa tente en un désert aride! Mais, comme ceux qui les avaient précédés dans ce chemin, Amaury et Lucie subissaient l'empire de cet entraînement tour à tour profond et frivole, éphémère et durable, qui, chez les uns, tourne à l'indifférence et parfois à la haine, chez les autres se transforme par le devoir, et devient le saint amour conjugai, et, sans presque se connaître, sans peser les difficultés que leur affection allait engendrer, ils se devinrent chers l'un à l'autre, ils comprirent et ils surent cacher à ceux qui les entouraient leur intelligence et leur double secret.

Une scule personne les avait devinés, et elle avait enseveli dans son cœur blessé ce dont elle avait eu le soupçon, puis acquis la certitude. Les

yeux pénétrants de la fiancée avaient vu plus loin que ceux de la mère; elle garda le silence avec tous, excepté avec un vieil ami, un prêtre, qui avait jadis dirigé sa mère, et aux conseils de qui elle avait eu recours dans toutes les circonstances qui demandaient un avis ou une consolation. Elle lui écrivait :

« Au R.-P. L., à la Délivrande,

» Vous m'avez dit, mon Père, que ce n'était pas manquer à la charité que d'ouvrir son âme à un ami éprouvé et fidèle; vous êtes cet ami que Dieu m'a donné; vous étiez l'ami et le conseiller de mes parents; vous m'avez préparée à la première communion; lorsque j'ai perdu mon père, vous m'avez soutenue par vos bonnes et saintes paroles, et au moment où Dieu a rappelé ma mère, je vous ai vu à son chevet, et vous m'avez montré la croix pour moi, le ciel pour elle.

» Cette croix, mon Père, était un présage: vous le savez, j'ai profondément regretté ma mère, mais j'ai eu le tort de croire encore le bonheur possible, même après la perte de cette première affection. que rien ne remplace ici-bas. J'aurais dû vivre de son souvenir, comme elle avait vécu du souvenir de mon père, avec Dieu et les pauvres pour amis; je n'ai pas eu ce courage, j'ai voulu exister de la vie commune, j'ai espéré en l'avenir, je me suis laissée prendre à des promesses décevantes, je me suis appuyée sur un cœur mortel... Ce fragile soutien s'est effondré, je me trouve seule, seule comme toujours mais avec des regrets et une amertume que je ne connaissais pas.

>> Vous saviez les projets de mariage formés pour moi entre mon tuteur et madame d'Hivray; j'y avais acquiescé du fond de mon âme : je croyais connaître Amaury et je l'aimais parce qu'il ne m'était pas étranger : l'inconnu me fait peur, et les mariages de mes amies, qui épousaient un nom, un chiffre, un visage, sans connaître ni le cœur, ni le caractère, ces mariages aventurés me surprenaient toujours. Je les trouvais romanesques de se jeter ainsi, les yeux fermés, dans un obscur hasard, je me croyais raisonnable et sage... Hélas! mon P'ère, je suis détrompée maintenant, ma raison n'était que folie; ma sagesse, imprudence... J'aimais, je me croyais aimée... Je ne le suis pas, l'affection d'Amaury est ailleurs, et voilà ma pauvre ȧme qui doute d'elle.

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