Page images
PDF
EPUB

serve des cachemires de l'Inde ou français est faite d'une façon supérieure, ainsi que celle des tentures d'ameublement. Nous prions nos lectrices de s'adresser directement, 26, boulevard Poissonnière, à M. J. Périnaud, Teinturerie européenne.

Après vous avoir donné le moyen d'économiser une façon de robe et par cela de dégrever votre budget personnel d'une certaine somme, voici, mesdames, une invention qui vous fera économiser votre temps, un autre genre d'économie qui n'est certes pas à dédaigner. Je veux parler de la serviette magique qui simplifie d'une si agréable manière le nettoyage de l'argenterie, de la vaisselle plate et de tous les objets en métal anglais ou plaqué. Il suffit de frotter les pièces à nettoyer avec la serviette magique pour les rendre brillantes et polies. Pour les bijoux, il vient d'être créé une serviette très coquette dans sa couleur rose; la demi-douzaine, enfermée dans une élégante petite boîte, coûte 1 fr. 50, franco, 2 fr. La serviette magique se trouve chez M. F. Ampenot, 3, rue du 4 Septembre, et se vend par paquets de 3, 6 et 12 serviettes, au prix de 1 fr. 60 cent., 3 et 6 fr. à Paris, et pour la province, franco, 2, 4 et 7 fr. La serviette double, destinée aux ustensiles en cuivre, fer, acier, coûte le double de la serviette ordinaire.

Eau et pommade vivifiques de M. A. B., chimiste, chevalier de la Légion d'honneur. Seul dépôt, 3 bis, rue des Rosiers, Paris.

Par la transpiration qu'occasionne la chaleur, les cheveux tombent souvent sans autre cause; afin d'en arrêter la chute, il faut faire usage de la pommade et de l'eau vivifiques qui tonifieront le cuir chevelu. J'ai dit quelles étaient les qualités qui distinguent ces préparations: arrêter la chute des cheveux, les fortifier, leur donner de l'éclat, de la souplesse, ramener à leur couleur primitive les cheveux blanchis prématurément, les faire repousser aux places qui se sont dégarnies soit à la suite d'une maladie, soit par le poids des faux cheveux. Si les cheveux trop malades pour être guéris continuent à tomber pendant les premiers jours de l'emploi de la pommade et de l'eau vivi. fiques, il ne faut point s'en préoccuper, car en même temps d'autres cheveux repoussent en abondance. Nous ne saurions trop insister sur ce point important que ces préparations sont nonseulement inoffensives, mais extrêmement salutaires et recommandées par beaucoup de médecins comme les meilleures dont on puisse faire usage. Les personnes qui les ont employées en disent merveille et les compliments flatteurs adressés par nos abonnées à M. Bonneville sont une garantie des éloges que nous entendons faire; nous-même avons pu apprécier combien ils sont mérités. La pommade s'emploie tous les jours, en frottant du bout du doigt la racine des cheveux; l'eau deux ou trois fois par semaine au moyen d'une brosse, et de préférence le soir.

[blocks in formation]

En médecine, hygiène signifie manière de conserver la santé. Nous pensons donc qu'appliquer ce mot aux choix des cosmétiques qui doivent conserver chez la femme la pureté du teint, la blancheur de la peau, c'est rester dans la véritable acception du mot. C'est au moyen de diverses préparations bienfaisantes, dont l'usage ne peut être considéré comme une simple coquetterie, que l'on préserve les peaux délicates des taches, des lentilles, du hâle. Il y a loin entre user du cosmétique et en abuser.

Aimer à se servir de préparations fines, onctueuses et agréablement parfumées, comme le sont celles fabriquées par M. Guerlain, est chose toute simple et qui affirme même un goût délicat chez les personnes qui en font usage: aussi ne craignons-nous pas de désigner à nos lectrices certains cosmétiques dont l'emploi est des meilleurs la crème de fraises, la crème de limaçons, la poudre de cypris, dont il ne faut faire usage qu'après avoir enlevé le cold-cream. L'eau de Chypre, de verveine pour la toilette; le Sapoceti, savon au blanc de baleine, qui conserve son parfum jusqu'à la dernière parcelle. L'eau de Cologne impériale russe, la plus délicate des préparations de ce genre et qui, en vieillissant, conserve sa saveur. Plus mondains sont les bouquets de cintra, les fleurs de France, le bouquet Alexandra, le Shore's Caprice, qui parfument agréablement le mouchoir. Si nous désignons ces extraits, ce n'est point à votre intention, mesdemoiselles, mais pour les mamans qui font usage de ces sortes de parfums et qui nous ont demandé de leur en désigner et des meilleurs. Voilà qui est fait. C. L.

[blocks in formation]

36

Chapeau

rond avee applique de dentelle assortie. fait d'une écharpe de chenille bronze montée sous un diadème perlé avec double frange de perles tombant sur le front; demi-guirlande de boutons entr'ouverts de roses paille, mêlés de feuillage de fougère teintée: frange de boutons naissants couchée sur l'écharpe, et plume de côté.

Deuxième toilette. Costume court en foulard bleu paon pour jeune fille. Jupe plissée ornée d'un biais de foulard broché; sur les côtés, tunique drapée tombant en pointe sur un lé carré bordé du mème foulard broché. Corsage-cuirasse (1) devant, à pointes sur les hanches; doubles pointes en foulard broché posées sous celles du corsage et fixées par des boutons; dos princesse, terminé par un pan carré bordé de foulard broché. Col carré en foulard broché; manche à parement rond boutonné posant sur une pointe brochée, retenue sur la manche par un bouton.

Chapeau de paille d'Italie, orné d'une draperie de tulle moucheté; de côté, touffe de némophiles bleus avec feuillage.

Costume de petit garçon. drap gris. Pantalon piqué en Gilet long en velours gris. de drap à revers piqués; les devants sont abattus - Paletot (2) dans le bas pour laisser le gilet à découvert; derrière, les basques sont flottantes, rabattant les unes sur les autres, et fixées chacune par un bouton. Poche à revers piqué. Manche à parement posé en long avec boutons. On mettra ce costume avec gilet pareil, en velours comme notre modèle ou de toute autre étoffe, et de ton uniforme ou différent à volonté.

PLANCHE DOUBLE D'ALPHABETS PETIT ALPHABET, pour mouchoir d'enfant ou pour

(1 et 2) Les abonnées aux éditions verte et orange recevront ce patron le 16 septembre.

objet de trousseau, plumetis et cordonnet; la fleurette que l'on peut supprimer, se fait en plumetis ou en point de poste.

AL HABET pour mouchoir, plumetis, cordonnet et point de sable.

ALPHABET, plumetis, cordonnet et pois, pour linge de table, taie d'oreiller ou drap demi-fins, ou drap et taie d'oreiller d'enfant.

ALPHABET pour mouchoir, plumetis, cordonnet et pois; on peut remplacer les pois par des petits œillets. ALPHABET pour mouchoir ou pour serviettes de toilette, feston mat; les directions variées du feston donnent le mouvement aux courbes des lettres.

[merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

9-2742- Paris. Morris père et fils, imprimeurs brevetés, rue Amelot, 64.

DES

DEMOISELLES

LES DEUX CHÉNIER

Ni André, ni Marie-Joseph ne peuvent être placés dans les bibliothèques des jeunes filles; mais elles ne doivent pas ignorer ces deux noms, que la gloire et le malheur ont également consacrés. L'un, Grec d'Athènes transporté à Paris, dont la lyre portait des cordes d'argent et des cordes d'airain, et qui périt, cygne aux doux chants, étouffé par la main des révolutions; l'autre, talent passionné, âme ardente et malheureuse, que de cruelles inimitiés et de plus cruelles calomnies réduisirent au désespoir; tous deux ayant laissé dans leur courte carrière, des vers que quatre-vingts ans écoulés sont loin, à coup sûr, de faire oublier.

Les deux frères étaient nés (1) à Constantinople, de Louis de Chénier, consul général de France, et d'une mère grecque, également remarquable par sa beauté et son intelligence; André rappelle ce souvenir par ces vers:

Salut, Thrace, ma mère, et la mère d'Orphée,
Galata, que mes yeux désiraient dès longtemps,
Car c'est là qu'une Grecque, en son jeune printemps,
Me fit naître Français dans les murs de Byzance.

André fut ramené en France de bonne heure, et il fit ses études à Paris, au collège de Navarre. Après un court passage au régiment des dragons, il fut attaché à l'ambassade d'Angleterre; il nous est resté, de son séjour à Londres, quelques mots et quelques vers qui montrent combien ce climat rigoureux, ces fonctions un peu subalternes attristaient son imagination et contristaient son libre esprit. Il écrivait, en date de Londres, 1789 : « Que l'indépendance est

[blocks in formation]
[ocr errors]

» bonne! Heureux celui que le désir d'être utile à » ses vieux parents, ne force pas à renoncer à » une honnête et indépendante pauvreté ! Peutêtre un jour je serai riche : puisse alors le » fruit de mes peines, de mes chagrins, de » mon ennui, épargner à mes proches le même » chagrin, le même, ennui, les mêmes peines! » Puissent-ils me devoir d'échapper à l'humiliation! Oui, sans doute, l'humiliation! il est dur de se voir négliger. Il est dur de recevoir, sinon » des dédains, au moins des politesses hautaines, » il est dur de sentir... quoi? qu'on est au-des» sous de quelqu'un? non, mais qu'il y a quel» qu'un qui s'imagine que vous êtes au-dessous › de lui!»

Il reproduisait ces idées mélancoliques dans quelques vers où l'on sent palpiter le cœur :

Sans parents, sans amis et sans concitoyens,
Oublié sur la terre et loin de tous les miens,
Par les vagues jeté dans cette île farouche,
Le doux nom de la France est souvent sur ma bouche
Auprès d'un noir foyer, seul, je me plains du sort,
Je compte les moments, je souhaite la mort,
Et pas un seul ami dont la voix m'encourage,
Qui près de moi s'asseye, et, voyant mon visage
Se baigner de mes pleurs et tomber sur mon sein,
Me dise: « Qu'as-tu donc? » et me presse la main !

Il fuyait fréquemment Londres, il revenait à Paris, vers ces amis dont le souvenir lui était si cher : c'étaient les deux frères Trudaine, conseillers au Parlement; le chevalier de Pange; c'était toute une société brillante et charmante, qui, aux bords de l'abîme, ne s'occupait que d'art et de poésie, et rêvait le bonheur de l'humanité par le progrès philosophique. Hélas ! elle fut bien détrompée. André rêvait aussi, il écri OCTOBRE 1879.

19

vait; il chercha dans l'antiquité grecque des modèles dont la simplicité et la grandeur l'avaient charmė; ses Idylles et ses Églogues ont une liberté et une poésie que la muse française ne connaissait pas. Citons quelques passages de l'Aveugle, un des morceaux où cette nouvelle poésie et ce nouveau poète se révèlent avec le plus d'éclat :

< Dieu dont l'arc est d'argent, dieu de Claros, écoute,
O Symnthée-Apollon! je périrai sans doute
Si tu ne sers de guide à cet aveugle errant! »>
C'est ainsi qu'achevait l'aveugle en soupirant,
Et près des bois marchait, faible, et sur une pierre
S'asseyait. Trois pasteurs, enfants de cette terre,
Le suivaient, accourus aux abois turbulents

Des molosses, gardiens de leurs troupeaux bêlants.
Ils avaient, retenant leur ardeur indiscrète,
Protégé du vieillard la faiblesse inquiète,

Ils l'écoutaient de loin, et s'approchant de lui:

« Quel est ce vieillard blanc, aveugle et sans appui? » Serait-ce un habitant de l'Empire céleste?

> Ses traits sont grands et fiers; de sa ceinture agreste » Pend une lyre informe, et les sons de sa voix

» Emeuvent l'air et l'onde, et le ciel et les bois.

» ..

» Le sort, dit le vieillard, n'est pas toujours de fer. » Je vous salue, enfants, venus de Jupiter!

» Heureux sont les parents qui tels vous firent naître! » Mais venez, que mes mains cherchent à vous con[naître.

» Je crois avoir des yeux. Vous êtes beaux tous trois. » Vos visages sont doux, car douce est votre voix. » Croissez, comme j'ai vu ce palmier de Latone,

» Alors qu'ayant des yeux je traversai les flots;

» Car jadis, abordant à la sainte Délos,

» Je vis près d'Apollon, à son autel de pierre,

» Un palmier, don du ciel, ornement de la terre.

» Vous croîtrez comme lui, grands, féconds, révérés.

[ocr errors][merged small][merged small]

Qui, sous un arbre assise, et se console et chante, Célèbre dans des vers exquis, la nature, désormais cachée à ses yeux; les Dieux qui lui furent si peu favorables, et les guerres des Grecs et leurs brillantes victoires.

Ainsi le grand vieillard, en images hardies,
Déployait le tissu des saintes mélodies.
Les trois enfants, émus à son auguste aspect,
Admiraient d'un regard de joie et de respect
De sa bouche abonder les paroles divines,
Comme en hiver la neige au sommet des collines,
Et partout accourus, dansant sur son chemin,
Hommes, femmes, enfants, les rameaux à la main,
Et vierges et guerriers, jeunes fleurs de la ville,
Chantaient : Viens dans nos murs, viens habiter notre
Viens, prophète éloquent, aveugle harmonieux, [ile;
Convive du nectar, disciple aimé des dieux;
Des jeux, tous les cinq ans, rendront saint et pros-
ĺpère

Le jour où nous avons reçu le grand Homère !

Nos jeunes lectrices apprécieront-elles les nuances qui séparent cette simplicité antique de l'élégance racinienne et de la rude énergie du vieux Corneille? André Chénier avait retrouvé une lyre et des chants oubliés depuis trois mille ans. Le Mendiant, le Malade, le Berger et le Chévrier sont des merveilles de l'art antique, traduites dans la langue de Lafontaine. Les Élégies, pleines du souffle d'une âme ardente, présagent que l'homme qui parlait ainsi de l'amour, saurait éprouver d'autres passions.

Il aimait son pays, il aimait la liberté, et il partageait toutes les décevantes illusions qui émouvaient la société dans laquelle il vivait, car, il faut le dire, la Révolution, à son aurore, fut saluée par les esprits lettrés, disciples des philosophes, et qui croyaient voir naître une ère toute pacifique, et surgir, sur les débris de l'ancien monde, une Salente aux lois sublimes, une Atlantide où les humains jouiraient d'un bonheur indéfectible. L'enthousiasme fut ardent, mais passager; seuls, les vrais chrétiens, plus éclairés, se méfièrent de ces plans de vertu toute humaine, de ces rêves de félicité d'où la pensée divine était toujours absente. Pendant deux ou trois ans, cette société d'optimistes nourrit et caressa sa chimère; mais, de jour en jour, des bruits sinistres, des désordres sanglants se montraient à l'horizon. André Chénier fut un des premiers à se dégoûter de cette liberté qui n'était que la tyrannie, et de cette licence sans lois ni frein qui aboutissait à tous les crimes; de cette soif du sang trop promptement éveillée chez les peuples, et de la lâcheté des tribuns, des écrivains qui osaient justifier le pillage et l'assassinat.

Il prit sa plume, son cher trésor; il écrivit un Avis au peuple francais sur ses véritables ennemis. Le succès de cette brochure fut grand, et il excita une violente colère chez les publicistes, qui devinrent plus tard les Terroristes. Dès ce moment, André fut suspect aux Marat et aux Robespierre; il le fut à Camille Desmoulins, qui, dans son Vieux Cordelier, ne cessa de le poursuivre de ses invectives. Le fier André ne baissa point la tête il continua de signaler aux révolutionnaires la voie funeste où ils s'engageaient. Il se montrait l'adversaire implacable de la Terreur qui s'avançait, de la Terreur qui était déjà venue, car, dès la prise de la Bastille, les désordres, souvent sanglants de la rue, présagèrent une époque plus fatale. On appelait cela la justice populaire, qui, avec le temps, devint le Tribunal révolutionnaire. C'est ce mauvais esprit que l'aîné des deux Chénier ne cessa de combattre ; il le combattit jusque dans sa propre famille, car Marie-Joseph était, par l'ardeur de sa nature, entraîné vers les partis extrêmes. Il ne trempa dans aucun crime, mais il eut l'immense malheur de paraître les approuver; il y joignit le malheur de rester en relations d'amitié avec ceux qui en étaient les inspirateurs et les complices.

A mesure que les actes tragiques de la grande tragédie se passaient, André les stigmatisait. Le retour des Suisses de Châteauvieux, condamnés pour le massacre de leurs officiers et amnistiés, lui inspira des vers vengeurs; il traçait pour l'Assemblée nationale des conseils pleins de sagesse; après le 10 août, il attendit les événements, mais avec quelle impatience de se dévouer! Quel pressentiment aussi du destin qui l'attendait! Il prépara, avec Malesherbes, la défense de Louis XVI, et lorsque la tête du malheureux roi fut tombée, il se retira à Versailles (1). Là, il eut quelques heures tranquilles ; il fit des vers comme en des jours plus prospères, mais la, mélancolie que donnent aux grandes âmes les orages politiques s'y fait sentir:

O Versailles! ô bois! ô portiques,
Marbres vivants, berceaux antiques,
Par les dieux et les rois Élysée embelli,
A ton aspect, dans ma pensée,
Comme sur l'herbe aride une fraîche rosée,
Coule un peu de calme et d'oubli.

La loi des suspects régnait et le Comité de salut public veillait. Le soir du 17 nivôse 1794, André fut arrêté et conduit à Saint-Lazare. Il y trouva le plus jeune de ses frères, Sauveur Chénier et ses amis Trudaine.

Dans ce triste séjour, en présence de la mort probable et prochaine, le talent d'André parut s'agrandir. Quel accent déchirant et nouveau dans ces vers, plainte d'une âme très virile et très tendre à la fois.

Quand au mouton bêlant la sombre boucherie
Ouvre ses cavernes de mort,

Pauvres chiens et moutons, toute la bergerie
Ne s'informe plus de son sort.

Les enfants qui suivaient ses ébats dans la plaine,
Les vierges aux belles couleurs,

Qui le baisaient en foule, et sur sa blanche laine
Entrelaçaient rubans et fleurs,

Sans plus penser à lui le mangent s'il est tendre.
Dans cet abîme enseveli,

J'ai le même destin. Je m'y devais attendre.
Accoutumons-nous à l'oubli.

Oubliés comme moi dans cet affreux repaire
Mille autres moutons comme moi

Pendus au croc sanglant du charnier populaire,
Seront servis au peuple-roi.

Que pouvaient mes amis? Oui, de leur main chérie
Un mot à travers ces barreaux

Eût versé quelque baume en mon âme flétrie.
De l'or peut-être à mes bourreaux...

Mais tout est précipice. Ils ont eu droit de vivre.
Vivez, amis, vivez contents.

En dépit de Fouquier, soyez lents à me suivre.

Peut-être, en de plus heureux temps,

J'ai moi-même, à l'aspect des pleurs de l'infortune,
Détourné mes regards distraits;

A mon tour aujourd'hui mon malheur importune...
Vivez, amis, vivez en paix!

Hélas! on ne l'oubliait pas assez. Les démarches, les supplications de son malheureux père

(1) Rue de Satory, 69.

précipitèrent son sort. Il écrivait encore. Qui ne connaît ces admirables strophes de la Jeune Captive, écrites à Saint-Lazare et inspirées par la jeune duchesse de Coigny?

L'épi naissant murit, de la faux respecté,
Sans crainte du pressoir, le pampre, tout l'été,
Boit les doux présents de l'aurore,

Et moi, comme lui jeune, et belle comme lui,
Quoi que l'heure présente ait de trouble et d'ennui,
Je ne veux pas mourir encore.

L'illusion féconde habite dans mon sein,
D'une prison sur moi les murs pèsent en vain;
J'ai les ailes de l'espérance.

Echappée aux réseaux de l'oiseleur cruel,
Plus vive, plus heureuse, aux campagnes du ciel
Philomèle chante et s'élance.

Est-ce à moi de mourir? Tranquille, je m'endors
Et tranquille, je veille; et ma veille aux remords
Ni mon sommeil ne sont en proie;
Ma bien-venue au jour me rit dans tous les yeux
Sur des fronts abattus mon aspect dans ces lieux
Ramène presque de la joie.

Mon beau voyage encore est si loin de sa fin!
Je pars, et des ormeaux qui bordent le chemin,
J'ai passé les premiers à peine;

1

Au banquet de la vie à peine commencé,
Un instant seulement mes lèvres ont pressé
La coupe en mes mains encor pleine.

Cette voix harmonieuse allait être étouffée; cette âme si énergique et si tendre était prête à quitter la terre.

« Votre fils sortira dans trois jours, » dit un des magistrats Jacobins au père d'André, qui le fatiguait de ses sollicitations.

Il fut traduit devant le Tribunal révolutionnaire, et sans avoir daigné défendre sa vie, il fut condamné et conduit immédiatement à l'échafaud. Il se trouvait sur la misérable charrette avec un Montalembert et un Créquy, avec le baron de Trenck, qui terminait là trente ans de captivité, et avec Roucher, le poète des Mois. En montant à l'échafaud, André dit :

« Je n'ai rien fait pour la postérité, et pourtant j'avais quelque chose là!»

Un moment après, il avait vécu. C'était le 7 thermidor 1794. Citons ses derniers vers, épitaphe qu'il s'était faite à lui-même :

Comme un dernier rayon, comme un dernier zéphyre
Anime la fin d'un beau jour,

Au pied de l'échafaud j'essaye encor ma lyre,
Peut-être est-ce bientôt mon tour.
Peut-être avant que l'heure en cercle promenée,
Ait posé sur l'émail brillant,

Dans les soixante pas où sa route est bornée,
Son pied sonore et vigilant,

Le sommeil du tombeau pressera mes paupières.
Avant que de ses deux moitiés

Le vers que je commence ait atteint la dernière,
Peut-être en ces murs effrayés,

Le messager de mort, noir recruteur des ombres,
Escorté d'infâmes soldats

Remplira de mon nom ces longs corridors sombres...

« PreviousContinue »