Page images
PDF
EPUB

maître l'enthousiasme bien mieux que les brilJantes fusées du mécanisme qui ne charment que l'oreille.

Mais où la Princesse Amina a fait ressortir sa remarquable intelligence musicale et son sentiment inné des nuances les plus délicates, c'est dans le quintetto, l'une des plus belles pages de la partition, où se trouve cette inspiration si touchante:

D'un pensiero e d'un accento,

qu'on ne saurait l'entendre sans éprouver une indicible mélancolie.

Enfin, la toute gracieuse Amina a su être pathétique dans la scène de la Preghiera :

Ah! non credea mirarti,

comme elle a été radieuse et entraînante dans le grand air de la fin.

Admirablement secondée par madame Baratti, Lisa; mademoiselle Portalupi, Teresa; et par M. Lopez, un Elvino irréprochable, M. Zumelli, très belle basse, MM. Bonadé et Brouillot, madame la princesse de Nar ne peut manquer, après un succès aussi complet, d'avoir le désir de continuer à nous faire apprécier son beau talent dans d'autres rôles du répertoire italien.

Nous devons des félicitations au maestro Ronzi, pour son habile direction de la Sonnambula, dont la mise en scène, les chœurs, les costumes et les décors ne laissent rien à désirer.

Dans un prologue en vers, récité par les jeuDes orphelines bénéficiaires, elles ont remercié leur bienfaitrice ainsi que tout l'auditoire.

On nous dit qu'une seconde représentation de la Sonnambula se prépare, mais ces lignes ne parviendront pas assez tôt à nos abonnées pour

les en avertir à temps. Nous nous en consolons en pensant que les malheureux n'y perdront rien pour cela, et qu'une foule brillante ira déposer son tribut aux pieds d'Amina, princesse de Lusignan.

Il ne faut pas s'étonner de voir le beau nom de Lusignan, qui descend des rois de Chypre, de Jérusalem et d'Arménie, à côté de celui de Nar qui en est la traduction orientale et n'est pas le nom de famille de la princesse. Son père, M. le comte de Naurois et possesseur d'une immense fortune, alaissé d'ineffaçables souvenirs aux malheureux, auxquels il a consacré une large part de sa vie et de cette grande fortune si bien placée

entre ses mains.

Il nous reste à enregistrer le succès bien mérité obtenu par madame Lafaix-Gontié, dans sa séance annuelle d'élèves, qui a eu lieu salle Philippe Herz.

Cet excellent professeur s'était adjoint le concours de plusieurs artistes de mérite: MM. Landau, A. Duvernoy, Saillant, Guillemot, du PalaisRoyal, et Soumis, de l'Opéra-Comique, qui possède à fond le rare talent de bon accompagnateur.

Dans la première partie de la séance, consacrée à l'audition des élèves, on a surtout apprécié la méthode correcte et la diction parfaite que madame Lafaix-Gontié leur transmet, dans l'air des Mousquetaires, chanté avec beaucoup de talent par madame Lefranc, ainsi que celui de Faust, interprété d'une manière charmante par la jolie voix de mademoiselle M... Somme toute, professeur, artistes et élèves ont complé. tement justifié les applaudissements dont l'assistance n'a pas été avare.

MARIE LASSaveur.

[merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small]

n'est pas seulement dans les parterres d'élection que tu vas butiner ton miel, chère abeille du bon Dieu !

Quant à moi, je serais vraiment bien embarrassée aussi pour m'ennuyer quelque part : d'abord la Providence a permis que le milieu où je respire ait à mes yeux tous les charmes, parce que je m'y sens aimée : il se compose d'anciens amis, de parents plus ou moins éloignés dont je vois difficilement les travers et les imperfections. Ensuite, je suis trop occupée pour laisser l'inutile et le frivole pénétrer dans ma vie. Si, par aventure, quelques-unes de ces relations de passage qui mouvementent notre petite ville prétenden en absorber une trop large part, j'ai bien vite fait, après leur avoir tâté le pouls, de les rationner convenablement. Eh! si je voyais trop souvent madame X... qui est arrivée hier, ou madame Z... qui partira demain, quel temps me resterait-il pour Nanette Pradillon, Justine, dite la mère aux chèvres, la vieille « Léonarde des œufs et quelques autres amies intimes que je possède dans nos faubourgs?

Saint Vincent-de-Paul, dont la fête approche, m'a lui-même enseigné le chemin de ces pauvres demeures, en m'admettant, moi, indigne, parmi les dames de charité qui s'inspirent de son esprit. Comme je l'en remercie et quelle reconnaissance je lui en dois ! Je donne, c'est vrai, je donne autant que je le puis; mais je reçois au centuple, va! et c'est toujours moi qui suis en reste... Pour un peu d'argent régulièrement reçu, Nanette, qui gîte depuis vingt ans sur son grabat de souffrance, m'a enseigné la patience et la résignation; pour quelques menues provisions qui l'aident à ne point mourir de faim, Justine me donne des leçons d'activité, de persévérance et de détachement... Pour de bonnes paroles et des soins affectueux, Léonarde me rend la joie de voir la rose fleurir où ne poussaient que des épines et l'âme souillée dans la fange, défigurée par le péché, reprendre sa beauté première et, peu à peu, remonter jusqu'au rang des enfants de Dieu.

Je n'en finirais pas, ma petite Jeanne, si j'énumérais les bienfaits que nos chers pauvres nous prodiguent à leur insu, et les vertus vers lesquelles ils nous attirent sans le savoir! Nos trésors célestes s'en accroissent, puisque Dieu ne laisse pas sans récompense un verre d'eau donné en son nom; mais, chose mille fois prouvée, notre fortune temporelle y trouve elle-même son compte, car l'aumône est moins exigeante que le superflu; la charité demande moins que le luxe... et comment s'entourer encore d'un fastueux superflu, comment savourer sans remords les jouissances d'un luxe exagéré quand l'on connaît des âtres sans feu, des bouches sans pain, des malades sans médecins et des orphelins sans abri ? Comment... Ah! mon Dieu, qu'est-ce que j'entends? Ce sont des cris de joie, heureusement;

mais j'ai eu peur. Décidément, ma Louisette devient turbulente et par trop expansive. C'est elle qui fait ce beau tapage le long des corridors; elle a pris, depuis quelque temps, cette façon garçonnière de m'annoncer les visites qui lui plaisent. Les éclats de voix se rapprochent avec le bruit des pas; la porte s'ouvre et je vois entrer Mina Langeais avec ses dix-huit ans et son air ennuyé. Je ne comprends pas l'accueil fait par une petite fille à cet air-là. Il est vrai que Mina ne le porte pas toujours sur ses traits charmants; elle est ardente au plaisir, et parfois je l'ai vue rayonner pleine de fougue et d'entrain dans quelque réunion joyeuse.

Elle vient me demander ton adresse pour sa mère qui veut t'écrire, ma chère Jeanne. Je la lui donne, avec le désir qu'elle l'emporte au plus vite et me laisse continuer cette lettre; Mina paraît ne plus savoir s'en aller. Louise, très vite blasée sur le charme de sa présence, se retire moins bruyamment qu'elle n'est venue, et nous voilà seules. La conversation languit; je ne la soutiens pas et Mina la laisse tomber, bien qu'elle semble avoir quelque chose à me dire. Je reprends même distraitement ma plume, quand un soupir de la jeune fille me rappelle à mes devoirs de politesse.

Tout en soupirant, elle rapproche son fauteuil du mien, passe familièrement son bras autour de ma taille et laisse tomber lourdement sa tête sur mon épaule. Je la regarde avec étonnement; elle soupire de nouveau... Je n'aime pas à interroger; mais ces soupirs réitérés me semblent provoquer une question; je la risque:

« Qu'avez-vous donc, Mina? Seriez-vous chagrine ou malade?

Je ne suis pas malade, madame, mais je le deviendrai bientôt, si le chagrin suffit pour altérer la santé.

[blocks in formation]

lendemain à la veille, et rien ne vient rompre cette uniformité désespérante! Oh! que la vie est lourde! »

La vie est lourde pour plusieurs, c'est vrai; mais qu'en savait cette enfant gâtée de la Providence ?... Toutes ses affections sont au complet, aucun vide ne s'est encore creusé parmi elles; sa jeunesse s'épanouit; sa beauté rayonne; son entourage l'idolâtre; la fortune, elle-même, s'est montrée prodigue envers elle; et Mina trouve la vie lourde! Pauvre, pauvre Mina!

Ce besoin d'agitation, cette soif d'imprévu, cette espèce de spleen, enfin, serait-il une maladie de notre époque, ma chère Jeanne? Les observations que je fais depuis quelque temps me portent à le croire... Ce mal étrange, qui s'attaque aux jeunes filles de nos jours, n'a-t-il pas sa cause dans le manque de principes solides? dans les faiblesses maternelles qui laissent l'ivraie de la mollesse et de l'égoïsme étouffer le peu de bon grain qui germait parmi les sillons? Ne pourrait-on l'attribuer encore... mais ma recherche des origines m'entraînerait trop loin. -Revenons à Mina.

J'accueillis sa confidence avec une compassion qui ne fut pas exempte de sévérité; je lui traçai 'vigoureusement le tableau de toutes les joies ensoleillant pour elle cette vie qu'elle trouvait lourde et sombre; je lui fis toucher du doigt le néant des distractions qui lui manquent; je comparai le plaisir, ce vain fantôme, au bonheur dont elle jouit, et je lui demandai alors si le divin Justicier n'avait pas le droit de la taxer d'ingratitude?

Elle rougit, baissa la tête et me répondit par un embrassement silencieux.

Votre existence est vide de travail et de bonnes œuvres, ajoutai-je; voilà ce qui la rend terne; faites-y luire les saintes flammes de la charité; chassez-en la rêverie pour la remplacer par l'action, et vos jours passeront vite et le spleen s'envolera. »>

Tout en serrant Mina dans mes bras, je pénétrais en esprit dans quelques intérieurs qui me sont familiers: Ici, l'aînée d'une famille nombreuse, entassée dans une seule chambre, assiste aux scènes provoquées par l'ivrognerie du père et l'aigreur croissante de la mère; le père ne se

corrigera point; la mère ne se calmera pas; la misère de ce groupe est incurable, et le droit d'ainesse de la pauvre fille s'affirme par des efforts et des sacrifices inutiles dont peut-être elle se lassera bientôt... O Mina, elle n'a pas de distractions, et c'en serait une salutaire pour vous que de mettre la main à cette œuvre de préservation!

Là, une autre jeune fille, étiolée dans une atmosphère malsaine, maltraitée peut-être dans son enfance, n'a pu vaincre la misère et la maladie à la fois : ses membres lui refusent leur secours les gens valides de sa famille la quittent dès l'aube pour aller gagner le pain quotidien ; elle reste tout le jour immobile, silencieuse, enveloppée de solitude et de tristesse... Son esprit actif, cependant, réclame des aliments, et ces aliments feraient vivre l'infirme en la consolant... mais elle ne sait pas lire, elle ne sait pas prier! O Mina! celle-là aussi manque de distractions, et son droit est de trouver la vie lourde... Ne vous serait-il pas doux de la lui alléger ?...

Bien d'autres silhouettes analogues me traversèrent la mémoire, et je les décrivis à Mina. A mesure que je parlais, ses joues s'empourpraient, son cœur battait fort et ses yeux se mouillaient... Enfin, elle se jeta, en sanglotant, à mon cou.'

O madame! s'écria-t-elle, en quoi ces martyrs ont-elles mérité leurs tortures? Et moi... qu'ai-je fait pour être heureuse? »

Enfin, Miha se reconnaissait heureuse! Elle l'avouait! Elle en bénissait Dieu! la conclusion venait d'elle-même: il lui fallait mériter ce bonheur pour le compléter, pour le rendre durable!

C'est à l'humble berger des Landes, c'est au paternel apôtre des Dombes que Mina demandera désormais une direction et des enseignements. Elle apprendra de lui la persévérance dans l'action, la confiance au milieu des obstacles, la chaleur qui fond toutes les glaces, la charité, enfin, qui fait du bienfaiteur un obligé. Elle éprouvera avec nous, ses consœurs, combien on est joyeuse de se parer d'une robe de l'an passé quand le prix de la robe nouvelle s'est transformé en vêtements pour les membres souffrants de celui qui doit dire un jour :

« Venez, les bénis de mon Père; car j'étais nu et vous m'avez vêtu ! »

FLORENCE.

CHARADE

Je nais et vis toute tremblante
Au moindre souffle du zéphir,
Hélas! quand tu me vois pâlir,

Lecteur, c'est que je suis mourante!

Mon second dans son sens le plus grammatical
N'est rien qu'un adjectif, bien court, bien amical;
Et j'ajoute, pour mieux te le faire connaître,
Que jamais un valet ne le dit à son maître.

A devenir complet mon tout est assez long,
Car il ne naît de lui par jour qu'un seul tronçon.
Il a plus d'une fois charmé ta solitude,
Captivé ton esprit, passionné ton cœur.

Il vit par les journaux, c'est sa noble habitude,
Et quelquefois aussi fait vivre son auteur.

[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][graphic][subsumed][merged small]

Explication du Rébus de Juin: La conscience est un tribunal sans appel.

Le Directeur-Gérant: JULES THIERY

9-2048 PARIS.

MORRIS PÈRE ET FILS, IMPRIMEURS BREVETÉS, RUE AMELOT, 64

DES

DEMOISELLES

HISTOIRE ET ROMANS

AGRIPPA D'AUBIGNÉ

(SUITE)

Avoir vingt ans, toucher au bonheur, et voir ce bonheur fuir et s'évanouir comme un mirage, c'est dur! Quelle que fût la force d'âme d'Aubigné, la déception qui venait l'atteindre fut trop violente pour elle. Il tomba dangereusement malade, ne se remit qu'avec peine, et, au milieu des nouveaux incidents de sa vie, conserva long. temps encore une blessure saignante au cœur. Cependant il n'était pas d'humeur à s'ensevelir dans les regrets d'une passion malheureuse. Il a traversé l'existence de l'étudiant et du soldat; il va maintenant en aborder une autre : celle de l'homme de cour; ce qui nous ramène à notre point de départ.

[blocks in formation]
[ocr errors]

On peut juger, d'après tout ce qui vient d'être raconté, si cet éloge était mérité. « Le marché » se fit en secret, » — ajoute l'auteur. Il fallait que le marché se fit ainsi, sans quoi il risquait fort de ne pas se faire du tout. La Reine-Mère y eut mis bon ordre.

Ce n'étaient pas des serviteurs comme le fils de Jean d'Aubigné qu'elle désirait voir auprès de son gendre. L'affaire fut si habilement conduite par celui-ci, qu'il eut l'air de prendre son QUARANTE-SEPTIÈME ANNÉE. No VIII.

écuyer sur la recommandation d'un seigneur de la cour, ennemi déclaré des Huguenots.

[ocr errors]

--

On sait où les menées de Monsieur, duc d'A» lençon, et du roi de Navarre », auxquelles il vient d'être fait allusion, avaient conduit ces deux princes. Les Mémoires de Marguerite de Valois nous ont dit l'état précaire où se trouvaient le plus jeune de ses frères et son mari, vers la fin du règne de Charles IX. Mais à l'avènement du nouveau souverain, les choses avaient repris leurs cours normal, et Henri de Bourbon sa position ordinaire à la cour, position fausse de liberté apparente et de captivité réelle. Dans cette cour brillante, il n'était question que de fêtes. Les ballets, les mascarades, les tournois se succédaient sans interruption. Il semble que cette atmosphère énervante où se plongeait avec indolence le jeune roi de Navarre, ne demeurait pas sans influence même sur le caractère bien autrement éprouvé de son écuyer. Non seulement Aubigné prenait part à tous les divertissements, mais il s'en constituait souvent l'ordonnateur. L'entrain et les inventions ingénieuses qu'il y apportait, ses vives saillies, ses propos mordants, le faisaient bien venir de tout ce monde affolé de plaisirs. Le duc de Guise, entre autres, l'avait pris particulièrement en gré; il aimait son esprit, et la familiarité dans laquelle il admettait le serviteur resserrait encore davantage celle qu'il entretenait avec le maître; car entre Henri de Bourbon et Henri de Lorraine, AOUT 1879. 15

« PreviousContinue »