Page images
PDF
EPUB

524

galon de plus que lui, que cela faillit amener une affaire... Et à ce moment l'aumônier n'avait ni casuel ni traitement.

Deux jours après, un autre troupier, bel et bien fou, en bonne et due forme celui-là, se prit tout à coup à gémir sur le sort lamentable de son camarade de l'avant-veille, et, pour accentuer la note sentimentale, voulut lui aussi se trouer la peau.

Heureusement ses voisins de chambrée se rendirent maîtres de lui, et, en attendant plus ample information, on conduisit notre homme à la salle de police pour le mettre à l'abri de lui-même autant que possible. En même temps le commandant m'envoyait chercher pour remonter le moral à ce pauvre garçon qui devait en avoir besoin.

Je le trouvai tout couvert de sang par suite d'une affreuse blessure qu'il venait de se faire à la tête avec un débris de la cruche à eau préalablement mise en pièces par lui à cette intention. En me voyant entrer, il ouvrit de grands yeux, et il se mit à rire avec l'accent d'un mouton qui bêle.

Je lui adressai quelques reproches sur un ton amical. Mon homme prit alors un air mystérieux et me dit : ((- Voilà, M'sieu l'Aumônier... oui, c'est bête; mais c'est plus fort que moi, faut que je me détruise. »

((

Mais le bon Dieu le défend!

C'est tout de même vrai, M'sieu l'Aumônier... oui, j'ai pas le droit de me détruire;... mais, vous, M'sieu le Curé, est-ce que vous ne pouvez pas me détruire.

-))

Parfaitement; laissez-moi faire. Quand le moment sera venu, je me charge de vous rendre ce dernier service; en attendant, ne bougez plus, hein? c'est compris?

[ocr errors]

Ah! M'sieu l'Aumônier, exhala-t-il avec un profond soupir de soulagement, ah! je vous remercie... vous me sauvez la vie? »

On transporta le blessé à l'hôpital sa saignée lui avait fait du bien il était calmé. Peu à peu, il se guérit et fut rapatrié.

De Saïgon il m'écrivit une lettre dans laquelle, au milieu de sentiments d'une reconnaissance exaltée, il me priait de lui donner un coup d'épaule pour le faire... entrer dans la gendarmerie. Je regrette bien de n'avoir pas eu le bras assez long; mes pouvoirs n'allaient pas jusque-là.

Cependant le mois de mars 1884 était signalé par la prise de Bac Ninh qu'avait préparée l'amiral Courbet. Cette citadelle tomba aux mains des Français le 12, mais beaucoup moins fièrement que Son-Tây. Epouvantés par les rapides mouvements de Négrier, « le général Maulén (vite vite), » les Chinois lâchèrent pied après une résistance assez molle, ce qui ne les empêcha pas de publier en Chine qu'ils avaient <«< écrabouillé » l'armée française, comme les images d'Epinal de ce pays-là en font foi.

Au Tonkin, on disait, avec plus de vérité, paraît-il, que Négrier avait été mis aux arrêts ou tout au moins sévèrement blâmé par le général en chef pour avoir osé remporter la victoire sans attendre l'arrivée de son supérieur hiérarchique !!! (A suivre).

[blocks in formation]

Nous ne sommes plus chez les Miaotse, mais chez les Long-jen.

Cette tribu n'appartient ni à la race lolo ni à la race miaotse, mais à une autre qui ne possède aucun terme générique pour se désigner; les Chinois eux-mêmes les confondent tantôt avec les Lolos, tantôt avec les Miaotse.

Long-jen, Cha-jen, Hee-tou-lao appartiennent à la même souche et parlent la même langue, sinon le même dialecte. Cette race peuple surtout le Kouy-tchéou et le Kouang-si; elle s'allonge en bordure entre le Yun-nan et le Tonkin et finit par se confondre, paraît-il, avec les Muongs, qui ne sont autres que les Thai du royaume de Siam, les Chan de Birmanie, et les Pan-y du Yun-nan.

Tandis que les Lolos viennent du Nord-Ouest et les Miaotse du Nord, les Long-jen, au contraire, semblent avoir émigré du Sud. Ces derniers ont beaucoup plus d'accointance avec les Chinois; les femmes cependant ont conservé leur indépendance, leur costume et une certaine liberté qui s'éloigne à peu près également et de la pruderie chinoise et de la familiarité lolote ou miaotse.

Leur costume est noir, de la tête aux pieds; un turban, une casaque étriquée, une longue jupe, composent tout l'habillement. Ordinairement, elles relèvent un peu la jupe et la ramassent de manière à former un bourrelet; et, de loin, on se demande si elles ne portent pas une tournure.

[blocks in formation]

Il existe chez les Long-jen une coutume fort poétique. Un hôte arrive-t-il dans un village, les jeunes filles se rassemblent le soir pour lui souhaiter la bienvenue, et, lorsqu'il s'en va, on l'accompagne durant quelque temps; avant de se séparer, on s'assied pour lui chanter les adieux. Un soir, les enfants vinrent me dire:

((— Père, on chante là-bas, voulez-vous y aller? ((- Certainement conduisez-moi. »

Et nous nous dirigeons, en silence, à travers la brume, vers la maison d'où sort l'harmonie. J'écoute... une voix d'homme alterne avec des voix de femmes; l'expression du

(1) Voir les Missions Catholiques des 14, 21, 28 septembre, 5 et 12 octo

bre.

chant se renferme en une suite de notes suraiguës terminant chaque phrase musicale; le reste n'est qu'un récitatif.

J'étais là depuis un quart d'heure lorsque une voix m'ap

pelle :

[ocr errors]

Père !

<< Tais-toi, malheureux; tu vas dévoiler ma présence. Dévoiler votre présence! mais, Père, tout le monde sait que vous êtes ici; entrez donc! >>

Et j'entre. Dans l'ombre obscure, sous l'auvent de la porte, les femmes sont assises; à l'intérieur, auprès du feu, je trouve un jeune homme, fumant tranquillement sa pipe à eau, qu'il abandonne momentanément pour répondre au chœur.

Il m'invite à m'asseoir, il me sert du thé et engage la conversation, tout comme s'il voulait se récréer d'une corvée ennuyeuse.

Adieu, poésie !

Pour intéresser ses nouveaux chrétiens et leur rendre plus intelligible la doctrine, mon confrère leur montre de temps en temps la lanterne magique en projetant sur une grande toile les clichés de la Bonne Presse?

Chaque tableau est expliqué aussi clairement que possible, et la séance se termine par une récréation phonographique.

Tout ce qui peut frapper les sens, éveiller la curiosité, exciter l'imagination, est excellent; on ferait fausse route en s'adressant, par des raisonnements savamment déduits, à l'intelligence de ces grands enfants.

Au titre d'apôtre des Long-jen, le P. de Gorostarzu ajoute celui de procureur de la Mission, à Mongtsé, c'est même sa plus ancienne charge. Il en a encore une autre, celle de chancelier du consulat, non pas qu'il en ait le titre; mais il en remplit les fonctions, car notre consul ne connaît pas un mot de chinois, et il ne possède ni chancelier ni interprète.

Or, il advint qu'en ce temps là la Procure et le Consulat appelèrent mon confrère à Mongtsé, et je me décidai à l'y accompagner.

Nous partons le 18 janvier; je ne dirai qu'un mot sur ce voyage.

Au lieu de prendre la route ordinaire, nous décidons de piquer droit au sud, le premier jour, afin de nous former une opinion sur le pays limitrophe du Tonkin.

Nous traversons des vallées étroites et profondes, des montagnes aigues courant directement de l'est à l'ouest. La raideur des pentes nous oblige souvent à nous pencher sur la crinière des chevaux. L'eau est rare, les habitants aussi ; des brouillards intenses cachent tous les fonds, et, à les voir rouler, on dirait une mer débordée envahissant le pays. Ce n'est pas gai et le missionnaire qui évangélisera cette contrée devra avoir des jarrets d'acier et un estomac de fer.

Nous couchons à Amoureu à la fin de la première journée.

Le lendemain, nous sommes réveillés par les cris : « au feu, au feu! »

Vite on s'empare des objets que l'on peut saisir et on les dépose au loin. La flamme s'élance vers le ciel et pas d'eau ! Si le vent s'était levé, c'en était fait du village; mais l'air était calme, et, au moyen de la hache, on eirconscrit le feu, qui s'éteint faute d'aliments.

Nous partons dans la direction de l'est, en suivant une vallée qui débouche dans la vaste plaine de Mongtsé, dernière assise du plateau de Yun-nan.

Au point de vue du relief du sol, cette province forme, vous le savez, comme un gigantesque escalier dont le plateau de la capitale, Yun-nan-fou, serait le palier. Contre ce palier viennent s'adosser les trois versants du fleuve Bleu, du fleuve Rouge et du fleuve de Canton. Mongtsé est assis sur le dernier échelon de cette échelle dont les pieds sont baignés par le grand fleuve tonkinois.

La plaine est entièrement habitée par les Lolos, connus sous des noms différents; la ville seule et le marché de Si-gan-so sont habités par des Chinois.

Les imprudences d'un certain nombre de nos compatriotes nous ont malheureusement aliéné l'esprit de la population, et la vérité ne pourra s'y faire jour que par l'influence des nouveaux chrétiens de la montagne.

Actuellement la grande question est celle du chemin de fer qui doit aboutir à Yun-nan-fou. Les Chinois sont de mauvaise humeur; ils ne voient que le danger d'une pénétration ennemie, mais ils finiront par comprendre (trop tard comme toujours) que l'orgueil, la haine et le mensonge sont de mauvais conseillers.

Pendant notre séjour à Mongtse, nous avons fort à faire pour contenter le pieux empressement des chrétiens à venir nous voir et la curiosité des païens.

Les visites sont continuelles, et le P. de Gorostarzu a à peine le temps de mettre ordre aux affaires de la procure. Enfin il faut songer au départ.

Le jour de l'an chinois est proche et nous devons rentrer chacun chez nous.

(A suivre.)

BIBLIOGRAPHIE

En Chine. · Au Tché-Ly Sud-Est, par le R. P. Henry-Joseph LEROY, de la Compagnie de Jésus. Petit in-4° de 500 pages, illustré de nombreuses gravures, sur très beau papier. Broché: fr. 7 50. Société de Saint-Augustin, rue du Metz, 41 Lille (Nord).

Le Tché-ly est le champ de bataille actuel des troupes alliées. Le Sud-Est du Tché-ly a été le premier champ d'expérience des Boxers: ils s'y sont fait la main par le massacre de deux Jésuites; car cette région est aussi le champ d'ac

[ocr errors][ocr errors]

tion des Pères français de la Province de Champagne. Ils y étaient cinquante, il y a trois mois. Dix d'entre eux sont morts à la tête de leurs ouailles. Que sont devenus les autres?... C'est assez dire la douloureuse actualité que les évènements d'hier donnent à ce livre.

En s'attachant spécialement au tableau du labeur apostolique dans une Mission particulière, l'auteur ne s'interdit pas de regarder par delà les frontières du Tché-ly Sud-Est et c'est la Chine entière qui est dépeinte ici. Jamais peut-être l'âme de ce peuple, cette âme multiple et complexe. simple et raffinée, n'a été vue dans une lumière plus sincère et plus abondante. L'auteur expose avec une égale clartéce qu'est la religion chinoise, ce que sont ses croyances indécises, ses pratiques cultuelles ou sataniques.

Des récits prestement enlevés, de rapides et vivantes descriptions, nous initient à la vie publique et privée du Fils du ciel, des mandarids, des lettrés, des soldats, des artisans. Une large place est faite. cela va sans dire, à l'oeuvre de l'apostolat, à ses méthodes, à ses travaux, aux difficultés qu'elle rencontre, aux résultats merveilleux qu'elle obtient, à ceux qu'elle espérait. La Mission grandissait florissante quand fut écrit ce livre et, tout en pressentant de graves évènements dans l'empire ébranlé, le rêve généreux des missionnaires entrevoyait l'aurore d'un brillant avenir pour l'Eglise de Chine. Se sont-ils trompés? — Non. Si la Mission est ravagée, si ses églises sont détruites, ses prêtres massacrés, nous savons que la foi pour laquelle on meurt ne meurt pas.

[merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

250 »

250 »>

250 »

Pour les missions de Chine (Chan-si méridional).
En mémoire de Mme Marie Martin, St-Hyacinthe........
Pour les missions de Chine (Hou-nan méridional).
En mémoire de Mme Marie Martin, St-Hyacinthe....................
Pour les missions de Chine (Kiang si oriental).
En mémoire de Mme Marie Martin, St-Hyacinthe
Pour les missions de Chine (Kiang si méridional).
En mémoire de Mme Marie Martin, St-Hyacinthe........
Pour les missions de Chine (Tché-ly occidental).
En mémoire de Mme Marie, Martin, St-Hyacinthe).......... 250 »
Pour les missions de Chine (Hou-pé oriental.
M. l'abbé Balland, diocèse de St-Dié..

250 >>

250 »

DONS

Pour l'Euvre de la Propagation de la Foi

[blocks in formation]
[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small]
[graphic]

YUN-NAN (Chine). — GROUPE DE FEMMES ET DE FILLES MIAOTSE, photographié par M. VIAL (voir p. 534).

TRIDUUM SOLENNEL

A.LYON

EN L'HONNEUR DES

Bienheureux Martyrs CLET, BONNARD et TUY

Son Eminence le Cardinal-Archevêque de Lyon annonce, dans une lettre pastorale, qu'un triduum solennel sera célébré à Lyon les 23, 24 et 25 novembre, en l'honneur des Bienheureux Clet, Bonnard et Tuy, dernièrement élevés sur les autels. Tous trois appartiennent d'une manière plus spéciale au diocèse de Lyon. Le Bienheureux Clet, lazariste, né dans le diocèse de Grenoble, a reçu à Lyon les différents ordres sacrés et a fait son noviciat dans la maison des Lazaristes aujourd'hui propriété des Frères des Ecoles chrétiennes ; le Bienheureux Bonnard, né à Saint-Christot,diocèse de Lyon, a fait ses études au petit séminaire Saint-Jodard. Quant au bienheureux Tuy, prêtre tonkinois, son corps été donné en 1849 comme un souvenir précieux et comme témoignage de reconnaissance à l'Euvre de la Propagation de la Foi. C'est à Lyon qu'ont été faites, en février dernier, les constatations canoniques, et c'est à Lyon, dans un oratoire contigu au bureau de l'Euvre, rue Sala, 12, que reposent ses restes glorieux.

Quoique ces fêtes n'aient, dans la pensée du vénéré Car dinal, que le but d'honorer des Bienheureux lyonnais, le Conseil central de la Propagation de la Foi, n'oubliant pas que Lyon est le berceau de l'Euvre, a tenu à apporter tout son concours à ces solennités; il est convaincu que la même foule qui, sur son appel, venait en 1890, acclamer la mémoire de ses deux premiers missionnaires béatifiés : Perboyre et Chanel, tiendra à honneur de répondre, pendant ces trois jours, àl'invitation de l'éminent Archevêque. Rien, en effet, de plus paternellement touchant que les paroles qu'il adresse à ses chers diocésains, en terminant sa lettre pastorale consacrée à l'histoire du martyre des trois Bienheu

reux.

Venez donc à ces solennités que nous pouvons appeler des fêtes de famille. Venez vénérer ces reliques sacrées plus éloquentes dans leur silence que les paroles les plus brillantes : Elles nous disent que les ames des justes « sont entre les << mains de Dieu, que les tourments et la mort ne peuvent les << atteindre et que, si aux yeux des insensés ils paraissent << morts, en vérité ils jouissent de la paix éternelle. » (Sap. 3.) Non, non, tout ne finit pas pour nous sur cette terre de larmes! et un million de martyrs attestent avec leur sang notre immortalité.

Courage donc, courage!

O vous qui supportez le poids du jour et de la chaleur, martyrs du devoir, venez demander à nos Bienheureux la grande science de la patience et de l'énergie chrétiennes.

[merged small][ocr errors][merged small]

Enfants de nos familles fidèles, venez apprendre à l'école du Bienheureux Bonnard ce que l'amour de Dieu peut produire dans une âme de bonne volonté.

Venez tous reposer vos cœurs au souvenir de ces héros chrétiens et sous l'impression de leurs exemples, et vous recueillerez, par leur intercession, la grâce de la joie surnaturelle qui brillait sur leurs visages, joie qui n'est que l'avant-goût des joies éternelles dans le sein de Dieu.

Gaudent in cœlis animæ sanctorum... ideo cum Christo exultant sine fine.

Nous donnerons, dans un prochain numéro, le programme de ces fêtes.

CHINE

MANDCHOURIE MÉRIDIONALE

Dans notre dernier numéro, nous avons annoncé la délivrance de MM. Hérin et Perreau, missionnaires de la Mandchourie méridionale. M. Hinard, directeur du séminaire des Missions Etrangères, nous communique aujourd'hui la lettre qu'ils écrivaient à M. Choulet, supérieur de la Mission, à la date du 9 septembre.

C'est avec un vif plaisir que nous avons reçu votre lettre du 8 août. Nous sommes heureux de savoir que la plupart de nos confrères ont pu échapper à la haine des Boxeurs; mais ce n'est pas sans une profonde tristesse que nous avons appris les deuils de notre Mission. Dix missionnaires tombés au champ d'honneur, avec trois prêtres indigènes et deux religieuses, quel vide dans nos rangs déjà trop clairsemés! Espérons que, du haut du ciel, où ils jouissent de la bienheureuse éternité, nos martyrs n'oublieront pas leurs frères de Mandchourie. Leurs prières monteront vers le trône de l'Eternel et nous obtiendront la grâce de devenir ce qu'ils ont été, de zélés et saints missionnaires.

La mort glorieuse du Père Maurice Li nous a beaucoup surpris on nous avait dit, en effet, qu'il s'était réfugié à Siao-pa-kia-tse avec le Père Thaddée Tchao.

Nous avons reçu ici une lettre du Père Joseph Ouang : il a réussi à se sauver avec ses chrétiens dans le Quei-tchang (brousse), non loin d'Eul-pa-tan, où tous vivent sous la tente. Ils ont pour se défendre une quarantaine de mauvais fusils. Nous avons invité le Père Joseph à venir nous rejoindre à Pei-Tcha-Koou; mais depuis lors pas de nouvelles.

Voilà bientôt deux mois que nous sommes à Tcha-Koou, errant çà et là dans les forêts et couchant la plupart du temps à la belle étoile. Pendant six semaines, notre situation a été assez critique. A plusieurs reprises, des bandes de soldats ou de « boxeurs » sont venues pour nous prendre et pour détruire la petite chrétienté de Tcha-Koou. Grâce à Dieu, chaque fois ils ont perdu leur peine des obstacles imprévus les ont forcés à rebrousser chemin.

On nous laisse tranquilles, pour le moment : les païens se rapprochent des chrétiens; on n'entend plus parler de « boxeurs » ni de « jeûneurs »; les gardes nationales des villages environnants sont moins fières et moins arrogantes. Si cela continue, il ne nous arrivera rien de fàcheux, du moins jusqu'à la chute des feuilles. Depuis quinze jours

environ, les nuits étant devenues très fraîches, nous nous rendons le soir, chez le catéchiste Tchang-Suen-Kouei qui nous donne l'hospitalité, et, le matin, dès la pointe du jour, nous retournons dans la forêt.

Merci pour les deux petites fioles de vin de messe que vous avez eu la bonté de nous envoyer et qui sont arrivées sans encombre à destination. Il nous était très pénible de ne pouvoir célébrer le saint sacrifice; nous nous sentions comme abandonnés, et nous étions tout tristes. Depuis que nous disons la messe, nous avons retrouvé la joie du cœur, le courage et la patience.

Le 15 août fut pour Pei-Tcha-Koou un jour de grande et belle fête; les chrétiens s'approchèrent en grand nombre des sacrements et assistèrent aux trois messes célébrées dans le petit oratoire du village par nous et par le Père 'Laurent Hia, qui nous avait rejoints. Ce jour-là, nous commîmes une légère imprudence, car nos ennemis n'étaient pas loin. Nous passàmes toute la journée au milieu de nos chrétiens, et ce ne fut pas sans regret que, le soir, à la nuit, nous regagnâmes notre cachette dans la forêt...

TCHE-LI SEPTENTRIONAL

Nous sommes heureux de publier cette lettre d'une vaillante Fille de la Charité, Lyonnaise par la naissance, qui exerce à Pékin depuis plusieurs années l'apostolat du 'dévouement et a échappé par miracle aux terribles dangers qu'elle raconte dans les lignes suivantes :

LETTRE DE SŒUR DUCURTYL, FILLE DE LA CHARITÉ, A SA FAMILLE

Pékin, 6 septembre 1900.

Il est temps que je vous donne signe de vie, car sans doute vous me croyez déjà au rang des martyrs. Non, le bon Dieu pour cette fois ne m'a pas fait cette gràce; mais nous en avons été bien près.

Ma dernière lettre du mois de mai vous disait les massacres des chrétiens de l'intérieur et les craintes que l'on commençait à avoir. L'orage n'a pas tarde à éclater sur Pékin. Les diplomates eux-mêmes ne croyaient pas aux bruits sinistres qui circulaient. Le meurtre de quelques ingénieurs et surtout celui du ministre d'Allemagne ouvrirent les yeux; c'était trop tard! On n'eut que le temps de faire venir quelques détachements de marins de chaque nation,mais en petit nombre. Les massacres commencèrent; on incendia les trois grandes paroisses de Pékin; deux missionnaires, MM. Garrigues et Doré, cueillirent généreusement la palme du martyre. Nos Sœurs de l'Hôpital furent sauvées pendant la nuit par quelques généreux volontaires; deux heures plus tard elles auraient été tuées.

Dès le 1er juin les Légations étaient bombardées et incendiées par une nuée de Boxeurs et des milliers de soldats réguliers de l'armée impériale. Les chrétiens furent massacrés en masse; leurs maisons pillées et brûlées.

Et nous, que devenions-nous dans la ville Jaune? Nous étions sous la garde d'une trentaine de marins francais et italiens, mais qui en valaient cent par leur courage. Les

« PreviousContinue »