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deux ministres de la Cour d'Annam, Tran-Dinh-Tuc et Nguyen-Trong-Hiep, qui prient encore Mgr Caspar et le P. Renault de conférer avec le commissaire général.

Le 25 août, à midi, le traité était signé, les sceaux apposés.

Appuyé par la victoire de Courbet, M. Harmand avait pu parler en maître. Le protectorat français était établi sur tout le Tonkin à partir du col de Déo-Ngang, situé au fond de la province de Ha-Tinh touchant au Quang-Binh, lequel restait au roi, vu que la limite de Déo-Ngang est plus naturelle et plus facile à garder. Les Français conservaient les forts de la rivière de Hué et les armeraient comme ils voudraient. La province de Binh-Thuan était annexée à la Cochinchine française. Il y aurait un résident français à Hué; chaque province principale aurait un administrateur français comme gardien du protectorat et directeur de l'administration mandarinale; la France aurait la surveillance des finances. Toutes les troupes annamites amenées dans le Tonkin devaient être rappelées sans retard. Les Français se chargeaient d'expulser les Pavillons Noirs. La France serait intermédiaire entre l'Annam et les puissances européennes, la Cour de Hué ne pouvant plus traiter directement avec aucune, pas même la Chine.

Ce traité était tout ce que l'on pouvait désirer de mieux. Il n'avait pas été question de religion, mais M. Harmand, de retour à Ha-Noï, interrogé par Mgr Puginier si l'ancien article consacrant la liberté religieuse en faveur des chrétiens serait gardé et si plus tard il y aurait des considérations à ce sujet, avait répondu affirmativement.

La lettre et l'esprit du traité du 25 août étaient donc parfaits. Mais il fallait le faire respecter et appliquer, ce qui fut autre chose.

Le général Bouët, de par le traité, était obligé de chasser les Pavillons Noirs. Il ne demandait pas mieux, et il fit tout son possible, en reprenant la suite des opérations des 15, 16 et 17 août, malheureusement interrompues par l'inondation.

Le 30 août, le général fit partir quelques troupes pour Ke-Trem, d'où elles devaient le lendemain gagner l'embouchure du Dai. Lui-même s'y rendit le 31 avec son état-major et d'autres troupes. Les Pavillons Noirs, après avoir évacué leurs lignes, s'étaient retranchés dans plusieurs villages derrière la grande digue. On les attaqua le 1er septembre. L'action fut très chaude; nos troupes emportèrent les positions ennemies à la baïonnette et couchèrent sur le terrain conquis. Nous eùmes à déplorer 15 tués dont deux officiers et de nombreux blessés. Dans la pagode prise d'assaut, on compta au même endroit 25 cadavres de Pavillons Noirs : leurs pertes avaient été considérables. Inutile de dire que nos bons amis les réguliers annamites faisaient toujours cause commune avec les Pavillons Noirs.

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avaient repris l'investissement de Nam-Dinh. La garnison faisait continuellement de petites sorties pour les repousser; le soir, ils revenaient dans les positions d'où on les avait délogės le matin. Les chrétiens de l'extérieur n'osaient venir à la ville si l'un d'eux était reconnu, il était sûr d'être battu, et, s'il était porteur d'une lettre pour le missionnaire, décapité séance tenante. Le cas se présenta, hélas! trois fois.

En ville, nous avions reçu un administrateur civil, venant de Cochinchine à la suite de M. Harmand. C'était un homme très bienveillant et tout disposé à travailler à la pacification du pays. Il vint me voir et me demanda si je connaissais un indigène dévoué à la France, capable et lettré, que l'on pourrait mettre à la tête de la province... Me voit-on, moi, grand électeur! Mais je ne connaissais pas cet oiseau rare et le P. Majesté, qui eût mieux pu le découvrir, me dit qu'il se cachait dans un trou bien profond. Les mandarins du roi étaient encore en place. Comment trouver des gens à notre dévotion, surtout quand on se souvenait de l'abandon des fonctionnaires qui avaient servi Garnier. Du reste, mon élu n'aurait pas fait long feu, car, après la signature du traité du 25 août, les mandarins royaux allaient rentrer dans leurs bonnes villes.

Le commandant Badens venait d'être nommé lieutenantcolonel; mais il quittait Nam-Dinh pour s'en aller à Ha-Noi remplir les fonctions de chef d'état-major. Très gracieusement, il m'invita à monter avec lui sur sa petite chaloupe à vapeur. Comme il n'y avait pas de malades en danger à l'ambulance, j'acceptai avec plaisir. Je n'avais pas remis les pieds dans la capitale du Tonkin depuis 1879. La perspective d'y passer quelques jours auprès de Mgr Puginier et des confrères qui s'y trouvaient, ne pouvait que m'être agréable. Ce qui me parut le plus curieux fut d'assister à l'entrevue de Mgr Puginier avec Nguyen-Huu-Do, tong-doc (gouverneur) d'Ha-Noï, qui, réfugié à Phu-Hoai depuis le mois de mai, était obligé de venir faire sa soumission et demander l'aman au commissaire général revenant de Hué. Il fallait se soumettre aux ordres du nouveau roi Hiep-Hoa et accepter le protectorat français. Quelle dure situation pour ce grand mandarin qui avait mis tout en œuvre contre nous!... Nguyen se présenta en tenue de suppliant. Il se prosterna devant Mgr Puginier, qui ne put l'en empêcher, et, pendant une longue minute, il resta muet, les yeux baissés à terre... Oh! je ne trouvais pas cela du genre de Vercingétorix jetant épée, casque et javelot aux pieds de César... Non; mais je ne pus cependant me défendre d'un sentiment de pitié envers ce vaincu qui nous aurait écrasés s'il eût été vainqueur. Monseigneur lui témoigna tant de bonté qu'il gagna, autant que faire se pouvait, ce grand mandarin à la cause française.

Nguyen-Huu-Do fut élevé plus tard aux fonctions de kinh-luoc (vice-roi) du Tonkin et devint beau-père du roi Dong-Khanh, placé sur le trône par la France, après la prise de Hué en 1885.

(A suivre.)

DEUX MOIS CHEZ LES MIAOTSE

Par M. Paul VIAL

DES MISSIONS ÉTRANGÈRES DE PARIS, MISSIONNAIRE AU YUN-NAN

Suite (1)

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Le P. Kircher. Son installation. Ses néophytes. Permettez-moi de vous présenter mon confrère, mon ami, le P. Kircher, puisqu'il faut l'appeler par son nom.

La première fois que je le vis, c'était à IIa-Noï le 24 décem bre 1892. Il montait jeune et plein d'entrain, et je descendais couché dans mon lit... à la recherche d'un chirurgien. Il me dit: Au revoir! mais il croyait bien me faire ses adieux.

A mon retour en 1894, je le retrouvai installé à Langnitsin, chez les Ashi, portion de mon ancien troupeau. Il était alors mon unique voisin.

Certes nos caractères différent du tout au tout ; mais nos cœurs se ressemblent comme deux gouttes d'eau. Pendant nos cinq années de voisinage, nous avons eu nos moments de tristesse, d'angoisses et de souffrance; mais nous restions unis de cœur et d'âme par ce qui nous rapprochait et nous attirait; nous refoulions généralement ce qui pouvait nous diviser. Un lien commun nous retenait, bien plus fort que la mort l'amour de nos enfants. Ayant le même cœur, si parfois nous avons compris différemment, nous avons toujours aimé de la même manière. Ce que j'étais pour ses enfants, il l'était pour les miens. Ce que j'étais pour lui, il l'était pour moi. Sa douceur, sa bonté, sa tranquillité d'âme, son étonnante placidité, m'ont grandement réconforté en des moments où je tremblais pour mes ouailles, où je pleurais devant leurs épreuves. Enfin nous avons été en prison ensemble et pour la même cause, qui était d'avoir défendu de pauvres vieilles Lolottes contre la férocité de misérables satellites..

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Nous voici arrivés, s'écrie le Père.

Mais où est votre Résidence?

La devant vous; tenez, il en sort un porc (Voir la gravure, p. 455). Surtout, baissez bien la tête... » L'avis venait trop tard et mon front butta violemment contre le toit; mais c'est mon turban qui en souffrit le plus. Je me trouve côte à côte avec un gentil cheval qui me reçoit en ami; on voit qu'il est fier d'être le commensal du Père; mais il aurait pu prendre un peu moins d'espace.

En face de moi deux planches longeant le mur; à hauteur de mon genou une table branlante, non qu'elle soit boiteuse, mais le parquet est mamelonné comme le pays; à gauche une chaise, à droite la place d'une autre chaise. Où couchez-vous? dis-je au Père.

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Délicieux!... et la porte ferme bien? »

vous ai pas encore dit qu'elle se compose d'une claie ayant des lambeaux de cuir pour charnières. En vérité, Père Vial, je ne vous reconnais plus. Nous prenez-vous, nous Miâotse, pour des civilisés ? Il n'y a pas de voleur parmi nous. Mais... peut-être avez-vous entendu parler de la nouvelle calomnie que font courir les Chinois? Non... une nouvelle infamie?

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«Ils disent que la première obligation imposée par nous au village qui se convertit est de laisser les portes ouvertes pendant la nuit.

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Les gredins!... Cependant cela ne m'étonne pas d'eux; de quoi les Chinois ne sont-ils pas capables?... Occupons-nous maintenant de mon cheval. Où pensez-vous le loger?

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Je n'en ai pas; je vis au restaurant.... Vous voyez cette vieille qui nous regarde avec des yeux protecteurs?

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Assis dans mon coin, je regarde l'assistance; le spectacle est aussi nouveau que charmant. Les hommes, serrés contre moi, sont tous de petite ou de moyenne taille; leur costume se compose d'un large pantalon et d'un veston étroit. Un immense turban, noir ou blanc, et même noir et blanc, couvre leur tête. Les figures sont douces, ovales ou rondes; le teint est blanchâtre : ce n'est plus le teint brun du Lolo, ce n'est pas le teint jaune du Chinois, ce n'est pas non plus la blancheur de l'Européen, et cependant cela rappelle l'Aryen. Les enfants, les jeunes filles, remplissent les interstices laissés par les hommes. En bas, en haut, devant, à côté, partout, mon regard rencontre un autre regard. Les femmes sont toutes de petites Perrettes, cotillon court et soulier absent; par exemple, sur le turban même des plus jeunes, on pourrait asseoir une jarre de lait, même sans coussinet. Pour la première fois, je m'aperçois que la race miaotse est formée de deux types parfaitement distincts : les têtes plates et les têtes longues, les brachycéphales et les dolichocéphales (il n'y a qu'un Allemand qui puisse inventer de pareils termes). La délimitation des deux types est d'une netteté absolue (V. la grav. ci-dessous) Toutes les deux ce

YUN-NAN. FEMMES MIAOTSE; d'après une photographie.

pendant sont Miaotse, toutes les deux parlent le même dialecte. Il est vrai qu'elles appartiennent à deux tribus différentes; celle dont la figure est ovale est une hmong naplong; celle à face carrée est une hmong pa.

Mais, à l'encontre des Lolos, la distinction des Miaotse en

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remarier; mais il n'a pas le sou, et au nom de votre parenté imaginaire...

Parfait! et je vous prends au mot. Je vous prie done d'arranger cela comme si la dot était dans votre poche. Accepté, et maintenant buvez votre café, il a dû refroidir pendant que vous vous échauffiez.

« A ta santé, ma vieille parente ! »

Pour les missions éprouvées par la persécution ou par la famine (Mandchourie septentrionale). Anonyme de Périgueux..............

Pour les missions les plus éprouvées de Chine (Mongolie occidentale).

En mémoire du comte Hermann de Stainlein Saalenstein... Pour les missions les plus éprouvées de Chine (Mongolie orientale).

500 D

600 »

Sans m'en douter, je venais d'employer le « Sésame ouvre-toi », le plus efficace pour m'ouvrir tous les cœurs. Pensez donc, tous sont plus ou moins parents! On parle, on rit, on jacasse à qui mieux mieux, et nous sortons pour aller faire connaissance avec le village. Mais ces soi-disant sauvages ont de la politesse. A peine étions-nous arrivés sur la place qu'il fallut rentrer et nous asseoir gravement sur nos chaises.

Les notables, en habits de cérémonie, s'avançaient pour nous faire le grand salut :

Vrai, me dit le P. Kircher, vous pouvez vous vanter de les avoir conquis. Voici des habits qu'ils ne mettent et une cérémonie qu'ils ne font que pour les grandes occasions. Quant aux femmes, vous les excuserez, elles ne se prosternent jamais. >>

Justement voilà les matrones et les jeunes filles du village qui s'approchent; elles viennent gentiment et modestement me saluer :

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M. l'abb Marfoix, Paris....

En mémoire du comte Hermann de Stainlein Saalenstein... Pour les missions persécutées de Chine (Hou-nan méridional).

625 »

5 D

M. E. N., diocèse de Rouen.....

300 D

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Pour les missions du Sénégal.

100 >>

65 »

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(A suivre.)

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500 >> 10 >>>

A. P. M.. diocèse de Lyon..

200 >> 100 » 50

Mme la baronne de Dumast, Nancy, en souvenir de son fils Marcel.....

200 »

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Un prêtre du diocèse de Grenoble...

100 >>

M. Pochat-Baron, du diocèse d'Annecy.................

5 >>

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EDITION ANGLAISE

2me trimestre de 1900.

les missions les plus nécessiteusss (Mgr Hanlon). les affamés de l'Inde (Nagpore)...

Mgr Pelvat, Nagpore pour les affamés.
Mgr Pelekmans, Lahore pour les affamés.
le R. P. Lievin, Lahore pour les affamés.

le R. P. Balasami, Urutur (Madras)..
le R. P. L. J. Menezes (Mangalore).
fonder une maison à Maragon (Bombay).
les lépreux (R. P Bertrand, Gotemba)
les lépreux du Japon (Gotemba)..

le R. P. Bertrand, pour les lépreux de Gotemba. Mgr Hanlon, Ouganda....

les missions du Congo (Mgr Roelens)..

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Imp X. Jevain, r. François Dauphin, 18.

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TONKIN OCCIDENTAL. TIRAILLEURS ALGÉRIENS A NAM-DINH; d'après une photographie envoyée par M. GIROD, des Missions Etrangères de Paris (voir p. 475).

CHINE

Nous n'avons reçu cette semaine aucune annonce officielle de nouveaux massacres. Nous nous contentons donc de publier des lettres qui offrent des détails sur des événement déjà connus. Nous ne pouvons que recommander encore à la charité de nos lecteurs nos pauvres missions de Chine si éprouvées, afin de donner aux missionnaires la consolation de soulager ceux de leurs chrétiens qui ont survécu à ces sanglants désastres.

MANDCHOURIE

LETTRE DE M. CHOULET, SUPÉRIEUR DE LA MANDCHOURIE MERIDIONALE, A M. HINARD

Ing-tse, le 12 août 1900.

Les Russes se sont emparés d'Ing-tse, le 4 courant. De grand matin, ce jour-là, les Boxeurs s'avancèrent en deux colonnes contre la concession européenne; ils atteignaient déjà les premières maisons quand ils furent aperçus. Les volontaires étrangers leur firent la chasse, en attendant l'arrivée des soldats russes.

No 1635. 5 OCTOBRE 1900

Ceux-ci se contentèrent d'abord d'amuser nos agresseurs; mais quand, vers 3 heures de l'après-midi, toutes les troupes furent en ligne, ils prirent l'offensive artilleurs des canonnières, fantassins et cavaliers donnèrent à la fois. Un seul cosaque fut blessé durant l'action, et, le lendemain matin, le drapeau russe flottait au mât de la douane.

On dit que les Chinois rassemblent leurs forces à Tien-tsouang- tai pour reprendre la ville d'Ing-tse, mais nous dormons bien tranquilles en les attendant.

Un courrier de San-tai-tse, arrivé il y a quelques jours, m'a appris qu'un bon nombre des soldats qui attaquaient le poste, ont été rappelés par le vice-roi pour combattre les Russes. Les retranchements élevés par les PP. Corbel et Caubrière et par leurs chrétiens ont été détruits avec le canon, mais on se défend toujours à l'intérieur de nos maisons.

Je crains fort que les assiégés ne manquent de munitions et de provisions; impossible de leur en envoyer. J'ai exposé leur situation critique aux officiers russes; mais, malgré leur bonne volonté, ces messieurs n'ont pas assez de troupes pour secourir San-tai-tse.

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