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çaient de superbes récoltes, des arbres fruitiers pliant sous leurs fruits. Je remerciais Dieu des jours meilleurs qui allaient enfin luire pour ces pauvres populations si éprouvées depuis plus de quatre ans. Aussi sur tout le parcours l'espoir rayonnait sur les visages. Ici même les nombreux visiteurs, qui n'ont pas manqué, à mon arrivée, de venir, comme on dit dans le pays, « bénir mon retour », me donnaient les meilleures nouvelles et ajoutaient :

« Grâce à Dieu, cette année, nous aurons du pain et tous les pauvres avec nous. En ces dernières années, vous (vous êtes épuisé pour nous venir en aide; mais consolez-vous, nous ne vous importunerons plus. >>

Je me réjouissais avec eux, espérant pouvoir, l'hiver prochain, faire une bonne moisson spirituelle. Encore une ou deux semaines et les magnifiques épis allaient tomber sous la faucille du moissonneur. Hélas! le 4 juillet, un ouragan de grêle s'abattait sur la plaine d'Ourmiah et en moins d'une demiheure anéantissait tout sur son passage. Les arbres, dépouillés de leurs feuilles et de leurs fruits, sont tordus ou brisés; les vignes sont complètement dénudées; les potagers, les melonnières, les luzernes, les tabacs, les blés, les orges ne forment plus qu'une litière fangeuse, où on ne peut plus rien reconnaître. Une centaine de villages sont complètement ruinés. L'ouragan à peine passé, tous les gens se précipitent dans la campagne, des lamentations et des cris de désespoir se font entendre. Les malheureux laboureurs, qui comptaient uniquement sur cette récolte, que vont-ils devenir après tant de mauvaises années? Et les pauvres ouvriers, qui au printemps ont sousloué un terrain pour y planter du tabac ou y faire une melonnière, lui consacrant tout leur temps et tout leur travail afin d'en tirer l'argent emprunté à 25 et 30% et en plus le pain de la famille, que vontils devenir? D'un côté les créanciers viendront les solliciter, de l'autre leur femme et leurs enfants leur demanderont du pain!

La place que Dieu m'a donnée auprès d'eux, est celle d'un père, et comme père j'ai le cœur brisé à la vue d'une si grande ruine; et dans ma douleur je ne vois qu'un moyen de remédier au malheur de ces infortunés, c'est d'implorer en leur faveur la charité inépuisable de vos chers lecteurs.

Pour porter le malheur à son comble, depuis le jour de l'ouragan, la pluie n'a pas cessé, les orages se succèdent presque sans interruption. Puis vendredi un tremblement de terre est venu ajouter sa note de tristesse et d'épouvante.

LE CONGRÈS MARIAL DE LYON

ET LES FÊTES DU COURONNEMENT DE N.-D. DE FOURVIÈRE

L'Euvre de la Propagation de la Foi ne pouvait rester indifférente à ces inoubliables fêtes dans lesquelles d'ailleurs, dans les intentions des organisateurs, elle devait occuper une place digne d'elle. N'est-elle pas née en effet aux pieds de Notre-Dame de Fourvière, et l'un des plus beaux titres de gloire de Marie, celui que toutes les Congrégations de missions répètent avec le plus d'amour, n'est-ce pas sans contredit l'invocation Regina apostolorum, Reine des Apòtres? D'un autre côté enfin, Notre-Dame de Fourvière n'at-elle pas inspiré le plus grand nombre de ces vocations apostoliques dont Lyon est fier à juste titre, et n'est-ce pas sous son vocable que s'élèvent en Asie, en Afrique et partout, tant de chapelles, gage de la reconnaissance du missionnaire lyonnais?

De nombreux évêques missionnaires assistaient aux différentes cérémonies: Mgr Le Roy, supérieur général de la Congrégation du Saint-Esprit et du Saint Coeur de Marie; Mgr Barthet, de la même Congrégation, ancien évêque du Sénégal; Mgr Montéty, archevêque ancien délégué apostolique de Perse; Mgr Lasserre, de l'Ordre des capucins, vicaire apostolique d'Aden; Mgr Fraysse, mariste, vicaire apostolique de la Nouvelle-Calédonie; Mgr Lamaze, mariste, vicaire apostolique de l'Océanie centrale; Mgr Vidal, mariste, vicaire apostolique des Iles Fidji; Mgr Forest, évêque de San Antonio (Etats-Unis); Mgr Pellet, des Missions africaines, vicaire apostolique du Bénin. Signalons encore la présence de cinq Abbės mitrés dont les fils travaillent dans les pays de missions à l'évangélisation et à la colonisation, deux œuvres que l'Eglise mène glorieusement de pair.

Dans les différents bureaux du Congrès, dont l'un même était présidé par M. le Directeur des Missions catholiques, de nombreux rapports ayant trait aux Missions ont été présentés et lus. Signalons celui de Mgr Lapôtre, doyen du Chapitre de Plymouth, sur la Dévotion de la Vierge en Angleterre avant, pendant et après la Réforme, et celui de Mgr Bottero, évêque de Kumbakonam, sur le Culle de la Sainte Vierge dans les Indes, enfin une spirituelle étude sur le culte de Marie en Algérie.

A la séance plénière de clôture, Mgr Le Roy, résumant magnifiquement tous les travaux partiels présentés au Congrès, a, dans une admirable vue d'ensemble, parlé du Culte de Marie dans les Missions. Ce rapport, nous nous faisons une joie de l'annoncer, sera publié et fera suite aux autres remarquables études que le vénéré et distingué supérieur général des Pères du Saint-Esprit a consacrées à l'apostolat et à l'Euvre de la Propagation de la Foi.

DÉPARTS DE MISSIONNAIRES

Le 26 août, dix religieux de la Congrégation des SacrésCours de Picpus se sont embarqués à La Pallice (Rochelle), sur l'Oropeza, pour se rendre à Valparaiso (Chili). Ce sont : les RR. PP. Antoine Castro, du diocèse de Santiago (Chili), et Laurent Bouscayrol, du diocèse de Rodez; les Frères scolastiques Jaime Calleja, du diocèse de Burgos (Espagne); Barthé

lemy Solacroux, du diocèse de Cahors; Boniface Tasch, du diocèse de Tréves (Allemagne), et Louis Bex, du diocèse de Rodez ; les Frères coadjuteurs: Custode Rodriguez, du diocèse de Zamora (Espagne); Célestin Sesma, du diocèse de Tarragone (Espagne); Isidore Sadava,du diocèse de Pampelune (Espagne), et Formerio Calzada, du diocèse de Vitoria (Espagne).

Le 8 septembre, trois prêtres de la Congrégation des Sacrés-Cœurs de Picpus se sont embarqués au Havre, sur la Lorraine, pour se rendre en Océanie. Ce sont les RR. PP. Hyacinthe Méjean, du diocèse de Mende, et David Le Cadre, du diocèse de Vannes, pour la mission des Iles Marquises; et le R. P. Emmanuel Kerdal, du diocèse de Vannes, pour la mission de Tahiti.

et me crus à deux doigts de la mort puisque les pointes des lances étaient déjà fixées sur ma poitrine prêtes à me transpercer. C'était aussi dans cette pagode que Yu-Man-Tsé voulait m'immoler à son idole de prédilection.

« Je reviens dans ce marché témoin de ma longue agonie, sans aucune pensée de vengeance. Je plains ces pauvres gens et désire leur conversion. Si un bon millier au moins se faisaient chrétiens je serais bien récompensé ! »

DEUX MOIS CHEZ LES MIAOTSE

Par M. Paul VIAL

DES MISSIONS ÉTRANGÈRES DE PARIS, MISSIONNAIRE AU YUN-NAN

INFORMATIONS DIVERSES

Tonkin occidental. - M. Pradong, des Missions Etrangères de Paris, missionnaire à Phu-Da par Hung-Yen, nous écrit de Ké-So:

« Il y a vingt-cinq ans que la bonne nouvelle fut annoncée pour la première fois dans le village de Mac Thuong, au sujet duquel je vous écris. Dès les commencements on obtint de grands succès: peu d'années après sa fondation la chrétienté comptait déjà plus de 1000 néophytes. Mais le bon Dieu voulut purifier la récolte et ne garder que le bon grain. Une persécution éclata et plusieurs chrétiens confessèrent la foi courageusement.

« Aujourd'hui cette chrétienté compte plus de 1500 néophytes ou catéchumènes et les demandes de conversion continuent. J'ai entrepris d'y construire une église dédiée au Sacré-Cœur. Il y a plus de trois ans qu'elle est commencée, et je ne puis prévoir quand elle sera finie. Les chrétiens se sont montrés d'une bonne volonté à toute épreuve; mais leurs moyens sont si réduits!

« Je me vois done obligé de recourir à la charité de France. Je la demande au nom d'un grand nombre de néophytes pleins de zèle. Je la demande au nom de ceux qui ont souffert pour la foi. Je la demande aussi en l'honneur des martyrs du Tonkin qui, pour la première fois, cette année, se présentent à nous sur les autels, les palmes à la main, comme des intercesseurs et des avocats auprès de Dieu. Enfin je la demande pour ceux que la lumière de la foi n'a pas encore éclairés.

« Depuis que l'église est commencée, le nombre des chrétiens a presque doublé, et je suis certain que, lorsqu'elle sera achevée, le nombre des convertis augmentera dans des proportions encore plus grandes, grâce aux bénédřetions du Sacré-Cœur. »

Su-Tchuen (Chine). - M. l'abbé Mesnard, d'Angers, nous communique la lettre suivante de M. Fleury, dont nos lecteurs se rappellent et les longues souffrances et la captivité.

« Vous désirez des objets ayant trait à ma captivité : je vous en enverrais bien volontiers; mais, en sortant des mains de Yu-Man-Tse je n'avais rien, absolument rien et, selon l'expression des soldats, je ne valais pas 40 sapèques, un peu moins de trois sous! Enfin je cherche et je vous ferai un envoi par la première occasion. Yu-Man-Tsé n'a rien laissé non plus, ses maisons ont été brûlées, ses objets pillés et volés par les soldats sa photographie n'existe pas, pour la bonne raison qu'à Long-Chony-Tehen les photographes sont inconnus ; c'est dommage, car le personnage est célèbre et ses hauts faits ou plutôt méfaits méritent que ses traits soient conservés à la postérité.

« Grace aux aumônes venues de France, je vais acheter une maison à Long-Chouy-Tchen même, où j'espère m'intaller provisoirement. De chez moi j'apercevrai cette route que je parcourais il y a deux ans enchaîné comme un malfaiteur au milieu des cris de mort, je verrai aussi le fameux temple des idoles Pou-Kong-Miao, où je fus montré à la curiosité de la populace

Nous avons donné, il y a sept ans, une étude de M. Vial sur la tribu lolotte des Gni ou Gui-pa. Peu après, l'auteur de cette curieuse et remarquable relation était victime d'un guet-apens qui le mit à deux doigts de la mort, le contraignit à l'inaction pendant de longs mois et finalement nécessita son retour en Europe.

Dès qu'il fut complètement rétabli, M. Vial s'empressa de regagner sa lointaine mission du Yun-nan, et aujourd'hui il nous envoie un précieux travail sur les tribus peu connues qu'il évangélise dans l'un des recoins les plus reculés et les plus mystérieux de la Chine occidentale. Les derniers évènements du Yunnan donnant de l'actualité à ce récit.

Le départ.

J'ai eu la joie, après douze années d'apostolat, de revoir notre chère et belle France, et, à mon retour en Chine, j'ai repris mes armes avec une nouvelle ardeur.

Il y a 6 ans de cela, et ma famille spirituelle est devenue si nombreuse que j'ai dû en confier une bonne partie à deux de mes confrères.

Six années de travail et de soins continus me donnent bien le droit de prendre un peu de vacances. Voir des pays nouveaux, des visages inconnus, entendre une nouvelle langue! tel est mon rêve.

La fête de Noël est terminée, le jour de l'an chinois n'est pas loin; c'est le moment de partir.

Justement je viens de recevoir une lettre de mon cher confrère, le P. Kircher qui, pendant cinq ans, a été mon plus proche compagnon.

« Je prévois, m'écrit-il, que mon dernier abri sera le pied d'un arbre. A Langnitsin (chez les Ashi), j'avais une grange; c'était confortable. A Poutse, où j'ai passé le temps des pluies, j'avais un pauvre petit coin; c'était déjà moins luxueux. A Loutoukeu, mon cheval me cède la moitié de son écurie, mais... je suis chez les Miao-tse et mon cœur est au large. Venez, voyez, jugez! »

Les Miào tse! la race la plus méprisée, la plus détestée des Chinois. Pour eux, pour cette nation civilisée, les Lolos ont encore une face d'hommes; mais les Miao-tse sont des chiens.

Partons, et je serais bien étonné si je n'allais pas à la rencontre d'un peuple auquel Notre-Seigneur a pensé lorsqu'il a dit : « Laissez venir à moi les petits enfants. >> Où se trouve le cher pays de Loutoukeu? Je n'en sais rien, si ce n'est qu'il est voisin de Mongtse.

En cinq jours j'arrive à Tâ-tchoang, marché situé à 60 lis (28 kilomètres) au nord de cette ville. Là je vais prendre mes informations.

Tatehoang est un grand village, composé à peu près uniquement de Mahometans. Assis au fond d'un angle formé par deux chaines de montagnes divergentes, il éparpille ses habitations au bord d'une claire rivière qui fait la richesse du pays.

Devant vous, c'est la plaine morne et sans vie, triste et désolée en hiver, sèche comme une éponge; en été, boueuse comme un marais.

s'asseoir devant moi. Me voilà heureux, et maintenant viennent les habillés de soie (grands personnages), je les forcerai à me parler par dessus ces pauvres gens vêtus de simple toile de chanvre.

J'ai dit que le village de Tâtchoang est en majeure partie formé de familles mahométanes.

Je connais cette race de longue date; j'ai passé mes cinq premières années de mission à côté de Mahometans. Ils sont toujours d'une extrème propreté; mais je ne connais pas d'esprits plus fourbes et de cœurs plus haineux. Je préfère de beaucoup les Chinois.

J'entre dans le village, c'est jour de marché. Des bœufs, des chars, des pièces de bois, des meubles grossiers attendent des acquéreurs. Les vendeurs, de gros campagnards, sont assis à côté; ce sont des Poula, avec qui nous ferons plus tard ample et plus intime connaissance.

Pour le moment ils me regardent un peu effrayés, car je suis un «grand homme »; un peu attirés, car je suis un étranger.

De dessus mon cheval, je plonge le regard dans tous les coins. Voit-on des Miàotse? pas l'ombre.

Bientôt la foule est plus compacte, le chemin dalle devient glissant.

Toujours sur mon cheval, je domine cette multitude qui s'ouvre devant moi sans difficulté.

Tout à coup j'entends un cri :

« — Diable d'étranger! »

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((

-

Oui, oui, il y a une place; veuillez entrer.

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་ Hélas! l'écurie est pleine, la cour est pleine, les chambres sont pleines; mais prenez patience, on trouvera bien un coin. >>

En attendant, je vais donner un coup d'œil dans les dépendances.

A mon retour, on cherchait toujours; enfin, après avoir enlevé des marchandises, on m'offre de quoi installer mon lit de camp. Je le développe moi-même, car mes domestiques, tous Lolos, sont trop ahuris pour m'aider.

J'ai plusieurs compagnons de chambre; nous sommes dix dans un espace de trois mètres carrés.

On couche par terre; la foule se presse et j'aperçois de ci de là quelques indigènes, dont le regard doux, curieux et furtif me cherche à la sourdine.

Je les prends par le bras et les force amicalement à

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TONKIN OCCIDENTAL. LE COMMANDANT BERTHE DE VILLERS REPOUSSANT LES CHINOIS; d'après un croquis

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envoyé par M. GIROD, des Missions Etrangères (v. le texte).

Eh quoi! Père, mais c'est le martyre! c'est ce que vous venez chercher ici... Je suis sûr même que vous ambitionnez le sort glorieux de votre confrère...

་་

« Ah, pardon, mon commandant, repris-je vraiment émotionné, le martyre oui, c'est notre affaire; mais la vôtre est de ne pas laisser insulter le drapeau français qui flotte au-dessus de la tour de Nam-Dinh, et le massacre du P. Bėchet, s'il est une gloire pour la Religion, est une insulte à la France...

(( Allons, allons, mon cher Père, je sais bien tout cela et je le comprends comme vous;... mais tenez, la mort du

(1) Voir les Missions Catholiques des 23, 30 mars; 6, 13, 20, 27 avril, 4, 11, 18, 25 mai; 1er, 8, 15, 22, 29 juin, 31 août et 7 septembre.

commandant Rivière et de ses compagnons à Phu-Hoài, n'est-ce pas aussi une insulte et plus grande encore à la France?... Pensez-vous que nous allions rechercher leurs corps de si tôt?... Qui sait ce que l'avenir nous réserve?... nous en verrons peut-être bien d'autres... le Tonkin a déjà été évacué après Garnier... Qui nous dit que cette foisci, ce ne sera pas la même histoire ?... Ah! la politique!... Quoi qu'il en soit, à mon retour d'Ha-Noi, je ferai tout mon possible pour vous être agréable... Au revoir, Père. » Là-dessus une poignée de main et un aimable sourire... Moi, désolé, je n'insistai pas et fis demi-tour bien triste

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les comprenais que trop elles étaient parfaitement justes. Mais alors, si les soldats français ne peuvent pas nous protéger, ne sommes-nous pas, chrétiens et missionnaires, dans le droit de légitime défense?

Rentré à la cure, je trouvai précisément quelques chrétiens de paroisses voisines qui accouraient me demander l'autorisation de se lever en masse pour aller ramasser le corps du Père et ceux des catéchistes et chrétiens massacrés avec lui... Certes, je brûlais d'envie de ne pas les y laisser aller seuls et de les y conduire moi-même. Qui aurait pu nous jeter la pierre ?... Hélas! ceux-là même qui auraient le plus profité de notre aide... Nos propres compatriotes. Tous auraient crié haro sur les chrétiens tonkinois et le turbulent P. Bac. On le vit bien, lors des massacres d'Annam, quand nos confrères furent obligés de prendre les armes pour défendre leurs malheureuses brebis de la rage des loups dévorants. On dit quelquefois que les jeunes missionnaires s'emballent et manquent de prudence. Eh bien! maintenant que j'en ai vu un peu de tout en fait de misères et de brigandages, je crois bien que je serais moins prudent

et moins sage que je l'ai été à Nam-Dinh, il y a dix-sept ans.

Le Commandant BERTHE DE VILLERS; d'après une photographie

Bref, je me contentai de répondre à mes gens qu'ils auraient dû prendre sur eux de faire la chose sans venir m'en demander la permission: le commandant étant parti, je ne pouvais que leur ordonner de ne pas bouger.

Les Mandarins eux-mêmes furent effrayés de l'audace du Quan-bo qui avait massacré le P. Béchet, et le Commissaire Royal, Nguyen-Chanh, qui campait à Nui-Goi, envoya une lettre officielle aux Curés des paroisses voisines pour les prier de maintenir les chrétiens dans le calme, promettant que le Roi punirait le Quan-bo (Il fut, au contraire, élevé en grade). Mais la justice de Dieu veille."

Pour en finir avec les assassins du P. Béchet, je dirai tout de suite que tous disparurent dans l'année même du crime: le Quan-bo, son fils ainé, une quinzaine de personnes de leur famille moururent misérablement comme frappés par la main de Dieu. J'ai passé, au mois de juin dernier, à Tam-Dang et, au milieu des ruines de l'opulente maison d'autrefois, il n'y a plus, dans une misérable cabane,

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