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commercial de la rivière. Il se retira avec une partie de ses compatriotes; mais il eut la consolation de voir son œuvre passer entre les mains des missionnaires français.

Depuis ce temps la mission a subi des phases diverses. Le manque de personnel obligea un moment d'abandonner Sédhiou à cause de son éloignement, car, dans les années mauvaises, le nombre des missionnaires se trouve très réduit. Cependant le bon Dieu, qui sait tirer le bien de toutes choses, même de celles qui paraissent le moins favorables, voulut que la religion chrétienne se développât néanmoins.

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En ce moment, la mission de la Cazamance est répartie en trois stations principales desservies par huit missionnaires: Carabane, Ziguinchor, Sédhiou.

Carabane est un petit village d'environ 2.000 âmes. Autrefois principal débouché commercial, il a perdu, depuis quelques années, beaucoup de son importance par suite du déplacement des affaires. Trois ou quatre maisons de commerce s'y maintiennent encore en raison de la situation du village à l'entrée du fleuve, et de l'établissement des entrepôts douaniers. Un administrateur civil dirigeant le cercle de la Basse Cazamance y a sa résidence.

Le climat passe pour être des plus malsains. Carabane forme, en effet, une île entourée de marécages; à la suite de la saison des pluies, le soleil des tropiques pompe pour ainsi dire tous les miasmes paludéens et en répand les mauvais principes dans les alentours.

Au point de vue religieux, Carabane compte en ce moment un millier de chrétiens dont un certain nombre, pendant la bonne saison, vont chercher du travail dans les escales de la côte du Sénégal ou sur les nombreux voiliers qui font un service actif entre Dakar et le Cazamance. Les missionnaires dirigent deux écoles à Carabane, l'une de garçons, l'autre de filles, cette dernière sous la direction de Sœurs indigènes. Le nombre total des élèves est de 170 à 180.

Une église pouvant contenir 700 personnes, commencée depuis 1897, est en train de se terminer. Elle a été construite en une sorte de béton formé de coquillages du pays et de mortier. Les chrétiens du village et même les infidèles se sont dévoués à la construction de cet édifice exigé depuis longtemps par l'accroissement de la chrétienté : l'ancienne chapelle pouvait contenir environ une centaine de fidèles.

A Carabane, on parle couramment trois langues le dyola, le wolof et le créole portugais. Un certain nombre d'enfants et de jeunes gens commencent à parler convenablement le français. Cette multiplicité de langues s'explique par le contact continuel où se trouvent les indigènes soit avec les traitants wolofs qui viennent faire du commerce, soit avec les anciens Portugais du milieu de la rivière.

Ce n'est pas une petite difficulté pour le missionnaire ou le commerçant désireux d'apprendre au plus vite la langue du pays.. Il parle dyola, on lui répond portugais ou wolof. Il y a quelques mois, faisant le catéchisme aux jeunes enfants de notre école, je leur demandais quel est le premier auteur de toutes choses. Tous répondirent fort exactement mais chacun à sa manière.

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pes moins importants. On peut dire qu'actuellement l'action des missionnaires de Carabane s'étend sur environ quinze mille àmes, catéchisées et visitées régulièrement. Sans doute tous les habitants de chaque village ne sont pas catéchumènes; mais la vérité leur arrive par l'intermédiaire du catéchiste résidant habituellement au milieu d'eux; en outre, un missionnaire, tous les mois et même plus souvent lorsqu'il le peut, va passer lui-même une semaine au milieu de ses enfants d'adoption. Peu d'enfants en danger de mort échappent à un catéchiste bien forme, et, s'il a de l'influence, il gagne aussi au moment de la mort un certain nombre d'adultes.

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Les missionnaires de Ziguinchor, à une centaine de kilc. mètres de Carabane, s'occupent surtout de la population évangélisée jadis par les Portugais. Ce n'est pas là que la tâche est plus facile. Ces pauvres gens se forment une idée de la religion qui est loin d'être l'idéal prêché par saint Paul. A moitié civilisés, ils ont pris de nos manières européennes, le luxe et la vanité, tout ce qui est extérieur; ils ont gardé tous leurs vices et y ont ajouté ceux qu'ils ont vus en honneur chez les Européens. Ils sont cependant chré. tiens et je crois qu'avec la gràce de Dieu, si une persécution venait à les atteindre, ils se feraient hâcher plutôt que de renier la foi de Jésus-Christ. Mais, le baptême une fois reçu, ils ne connaissent plus d'autres sacrements. Ils viendront la messe, surtout à une messe chantée, assisteront à tous les offices; mais se confesser, communier, se marier, c'est ce dont ils ont une profonde horreur. Volontiers ils répondraient qu'il n'y a que deux sacrements: le baptême et l'enterrement.

La nouvelle génération pourtant semble promettre des résultats plus consolants et plus chrétiens. Dėja plusieurs mariages ont donné des familles exemplaires, et ce commencement n'est pas sans faire impression sur les réfractaires. Les jeunes gens et les jeunes filles, mieux instruits, donneront sans tarder une société vraiment chrétienne.

NÉCROLOGIE

M. LOUVET,

(A suivre.)

Missionnaire en Cochinchine occidentale.

Au moment de mettre sous presse, nous apprenons avec un vif regret la mort, à Saïgon, de M. Louvet, de la Société des Missions Etrangères de Paris. Nous n'avons pas besoin de rappeler à nos lecteurs. le magistral ouvrage : Les Missions catholiques au XIXe siècle, qui avait rendu si justement célèbre le nom du regretté défunt. Nous perdons en lui un de nos plus éminents collaborateurs et nous nous ferons un devoir de lui consacrer, dans un prochain numéro, une notice bibliographique.

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Pour les missions nécessiteuses (Mandchourie mérid.) Anonyme de Lyon.........................

Pour les chrétiens chinois (Pé-tché-ly sud-est). Victoire Favier, de Buissord (diocèse de Gap), en l'honneur de saint Antoine de Padoue avec demande de prières.... J. M.. de Buis-ord (diocèse de Gap) avec demande de prières. Mlle Deschamps, à Lille (diocèse de Cambrai)... Un prêtre du diocèse de Moulins....

Les scolastiques du séminaire de Binson (diocèse de Reims) aspirants-missionnaires de la Société des Pères Blancs.....

Pour la conversion des pauvres affamés des Indes (au diocèse de Nagpore):

Un bienfaiteur d'Irlande par l'intermédiaire du R. P. ZimC. D. C., de Paris...

mermann

.......

.......

Pour la conversion des pauvres affamés des Indes (Mgr Clerc, évêque de Vizagapatam) :

Un bienfaiteur d'Irlande par l'intermédiaire du R. P. Zim

mermann.....

Pour la conversion des pauvres affamés des Indes (R. P. Dangeul, Rajpoutana):

mermann...

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3.000 n 20

2.000 »

Un bienfaiteur d'Irlande, par l'intermédiaire du R. P. Zim

1.000 »

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Pagode à l'entrée de Ke-Han, près de laquelle le P. Béchet a été arrêté.
Le P. Ravier passant le bac à Phuc-Nhac.

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Tour de la pagode sur la colline de Nui-Goi.

VUES DIVERSES; d'après des photographies envoyées par M. GIROD, des Missions Etrangères (v. p. 427).

CHINE

Les détails des terribles événements de Chine continuent à nous parvenir des différentes missions éprouvées par la persécution, et les horreurs commises dépassent même ce que le laconisme des télégrammes nous faisait soupçonner. Nous publions les nouvelles et les lettres reçues par nous depuis notre dernière livraison et nous nous associons aux cris d'angoisse des missionnaires, implorant la charité de leurs frères d'Europe pour leurs pauvres chrétiens, réduits au plus affreux dénûment.

PE-TCHELY SEPTENTRIONAL (Pékin).

C'est seulement le 3 septembre que M. le Supérieur général des Lazaristes a reçu les premières nouvelles de la Capitale par l'intermédiaire du Procureur de la mission à Shanghaï.

M. Bettembourg, procureur général des Lazaristes, nous télégraphie de Paris le 4 septembre : Reçois à l'instant télégramme suivant:

No 1631.7 SEPTEMBRE 1900.

Shang-hai, 3 septembre

« D'Addosio, Garrigues, Doré, Chavanne, Ly Barthélemy, Nie Pierre, sœur Jaurias, deux Frères Maristes morts. Etablissements, Kantchou, Nanngan rasés.

< BOSCAT. »

Les quatre premières victimes sont des prêtres lazaristes européens. On se souvient des lettres si touchantes envoyées par M. Chavanne et publiées par nous dès le début de la persécution. Ce missionnaire, appartenant au diocèse de Lyon était en Chine depuis quelques mois seulement. Les deux autres missionnaires étaient des prêtres indigènes. Soeur Jaurias était la supérieure des Filles de la Charité à Pékin. Les deux Frères appartiennent à la Congrégation des Frères de Saint-Genis-Laval, près Lyon. Les communications avec la Capitale étant interrompues, il nous faudra de longues semaines sans doute avant de connaître les détails de ces désastres.

MONGOLIE ORIENTALE

Le R. P. Ad. Van Hecke, supérieur général de la Congrégation belge du Coeur Immaculé de Marie, nous écrit de Scheutlez-Bruxelles, le 4 septembre :

Hier j'ai reçu de notre procureur à Shang-haï le télégramme suivant :

In orientali christiani centuriatim necati, salvis missionariis, secundo augusti.

Ce que je traduis ainsi :

Le 2 août, en Mongolie orientale, les chrétiens ont été massacrés par centaines, mais les missionnaires sont saufs.

C'est la première nouvelle que je reçois de nos missionnaires. Plaise à Dieu que ce soit la dernière ! La Mongolie orientale a pour vicaire apostolique Mgr Abels; elle compte vingt-huit prêtres européens. (Belges ou Hollandais) et huit prêtres indigènes.

D'après les dernières lettres, les missionnaires et les chrétiens se rassemblaient dans la résidence épiscopale de Notre-Dame-des-Pins qui est fortifiée et comptaient s'y défendre vaillamment contre les Boxeurs. Mais, hélas! tous n'auront pas pu atteindre ce lieu de refuge.

MANDCHOURIE

Voici le récit complet et émouvant du drame de Moukden et des massacres qui ont ensanglanté cette mission infortunée.

Nous faisons remarquer à nos lecteurs que, par suite d'une erreur de lettres dans le télégramme publié par nous la semaine dernière, on a imprimé Maillard au lieu de Bayart. M. Maillard, qui appartient aussi à la Société des Missions Etrangères de Paris, est à Shang-hai et en sûreté, M. Bayart, comme nous l'avons dit, faisait partie de la mission de Mandchourie. Même erreur a été naturellement commise dans la grande gravure des portraits. Au lieu de M. Maillard, mettre M. Bayart (1).

LETTRES DE M. CHOULET, SUPÉRIEUR DE LA MISSION DE LA MANDCHOURIE MÉRIDIONALE, A M. HINARD

Ing-tse (Newchwang), le 9 juillet 1900.

Si j'ai rêvé le martyre et la persécution dans ma jeunesse, j'en suis bien revenu, aujourd'hui. Que de ruines amoncelées dans notre pauvre mission! De nos églises, de nos établissements, il ne restera bientôt plus que des cendres. Passe encore pour les pertes matérielles, mais Mgr Guillon brûlé vif, le P. Emonet brûlé vif, le P. Jean Li brûlé vif, les Sœurs Sainte-Croix et Albertine brûlées vives, avec près de 300 chrétiens, dans l'église de Moukden..., c'est navrant. Mgr Guillon avait tenu bon, avec sa petite troupe de chré

(1) Note très importante

Autre erreur commise dans la légende de la grande gravure renfermant sept portraits: le nom de M. Le Guével doit remplacer celui de M. Emonet. Pour corriger cette double faute, nous faisons un nouveau tirage des pages 411-412-413-414. On les trouvera dans cette livraison et nos lecteurs pourront très facilement, en se reportant au dernier numéro (31 août), substituer aux quatre anciennes les quatre nouvelles pages.

tiens, devant les Boxeurs. Quand il vit les soldats chinois arriver et braquer leurs canons contre la cathédrale, il fit cesser le feu et ordonna aux chrétiens de rentrer dans l'église. Lui-même se revêtit des ornements pontificaux et attendit courageusement la mort. On m'affirme que les soldats chinois étaient 2.000, avec le eul-ta-jen (premier mandarin après le vice-roi) à leur tête.

Ceux qui ont péri ont reçu du bon Dieu la récompense qu'ils en attendaient; mais que dire de nos pauvres chrétiens, traqués de tous côtés comme des bêtes fauves, de nos vierges et de nos orphelines emmenées en esclavage et vendues comme des bêtes de somme à des païens ?

Et nos missionnaires!... Les PP. Conraux, Etellin, Beaulieu et Chacornac ont pu gagner Shanghaï; les PP. Joseph Caubrière et Chometon sont en sûreté; des autres, aucune nouvelle.

La persécution s'est répandue partout comme une traînée de poudre. Mgr Guillon, qui était retourné à Moukden dans un moment où le calme semblait encore régner, fut attaqué deux jours après son arrivée. Il n'a eu le temps de donner aucun ordre, aucun avertissement. Les missionnaires sont enfermés chez eux, et il est à craindre qu'aucun n'échappe à la mort.

Pour vous donner une idée de la cruauté de nos ennemis, laissez-moi vous dire un mot de notre regretté Père Moulin. Mort de la fièvre typhoïde, le 24 juin, il était enterré depuis douze jours, quand le poste de Nieou-Tchouang-Ting a été détruit et l'église incendiée. Eh bien, ces bandits ont déterré le pauvre Père, et, après avoir outragé son cadavre, ils l'ont décapité et jeté tête et corps dans le brasier qui dévorait l'église.

De même, à la ferme Saint-Joseph, ils ont déterré sœur Hélène, morte depuis quinze ans, pour brûler ses ossements et ce qui restait de ses vêtements.

Vous voudriez sans doute d'autres nouvelles de nos missionnaires, de nos sœurs, de nos chrétiens. Je n'ai ni le temps, ni le courage de vous en donner. Le jour, je dois être à la besogne; la nuit, je monte la garde, car nous sommes sans cesse sur le qui-vive.

Ing-tsé, le 18 juillet 1900. Aujourd'hui encore, je n'aurais qu'à ouvrir le livre de Job, à en copier quelques pages, pour vous faire l'histoire de notre pauvre Mission. Nos autels ont été profanés, nos églises brûlées, nos pauvres chrétiens massacrés.

Il ne nous reste plus un pied-à-terre dans les districts de Leen-chan, Kouang-ning, Siao-hei-chan, Sin-min-touen, Toung-Kia-fang-chen, Tie-ling, Moukden, Leao-yang, Keou Kia-tsai, Toung-Kia-touen, Hai-tcheng et Nieou-Tchouang. Tout a été brûlé ou démoli de fond en comble.

A Moukden, il n'y a plus pierre sur pierre. A Toung-Kiafang-chen, une quarantaine de chrétiens ont succombé en défendant l'église. Le bon Père Alexandre Hia, chargé de ce poste, a été pris, conduit à Moukden et décapité. A Siao-hei chan, 64 chrétiens ont aussi perdu la vie.

Les Pères Viaud et Bayart, de Siao-hei-chan, et le Père Agnius, de Kouang-ning, s'étaient réfugiés à Che-tze-touen avec leurs orphelines, pensant y trouver une certaine tranquillité. Le bruit se répondit bientôt que leur retraite était

découverte. Ils se cachèrent alors dans les grandes herbes, où ils passèrent deux jours sans nourriture. Le troisième jour, des brigands les aperçurent, et, pour s'emparer plus facilement de leurs chevaux et de leurs armes, eurent recours à un stratagème : ils leur donnèrent à manger.

Rassurés par cet acte d'humanité hypocrite, les Pères, sans défiance, furent dépouillés de tout ce qu'ils possèdaient. Là-dessus, ayant reçu un courrier par lequel je les appelais ici, ils se mirent en route pour venir à Ing-tsė.

Ne les voyant pas arriver, je leur dépêchai un autre courrier. Il m'a rapporté que les trois missionnaires et quatre chrétiens qui les accompagnaient avaient été arrêtés par les païens dans un village, à quelques lieues de Chetze-touen. Un autre chrétien, qui était allé à leur recherche, m'a dit avoir vu trois paires de bottes européennes dans la mairie de ce village. Que sont devenus nos confrères ? Voilà huit jours de cela !

Après leur départ, le village de Che-tze-touen a été incendié, et 60 orphelines avec leurs maîtresses errent çà et là, dans les hautes herbes, sans nourriture, exposées à chaque instant à tomber entre les mains des Boxeurs et des soldats.

Par eux-mêmes, les Boxeurs ne pouvaient rien contre nous, mais ils ont soulevé la populace, lui faisant croire que jamais plus il n'y aurait un chrétien, un européen dans le pays. Sûr de l'impunité, tout le monde se rue sur nous. On fera peut-être retomber nos malheurs sur la religion; remarquez que la tempête n'a sévi que dans les centres où l'on a voulu construire des chemins de fer.

Au milieu de nos peines, nous avons encore la douleur de constater un certain nombre de défections parmi les nouveaux chrétiens. Les Boxeurs disent pouvoir reconnaître tout chrétien, parce qu'il a une croix imprimée sur la tête. Au moyen d'une formule spéciale et d'une incision pratiquée à l'endroit où se trouve cette croix, ils prétendent pouvoir l'effacer. Tout individu pris, qui ne veut pas se soumettre à cette manoeuvre diabolique, est impitoyablement massacré. Tou-ling-sien, notre excellent catéchiste-médecin, a eu ainsi la tête tranchée; sa tête n'est tombée qu'au vingtième coup de couteau.

Le P. Flandrin est arrivé à Ing-tse, après un voyage relativement heureux; des autres confrères, je n'ai presque point de nouvelles. J'ai beau envoyer courrier sur courrier, je ne reçois pas de réponse.

Les dernières nouvelles parvenues de Chà-ling étaient bien tristes. L'église n'avait pas encore été incendiée, mais les chrétiens avaient dù fuir devant la persécution: leurs amis païens ne voulaient plus leur donner asile.

En réalité, les mandarins semblent être les grands chefs des Boxeurs. Ils croient à leurs diableries; aucune police n'est exercée sur les masses. Les bandits tuent, pillent et volent à leur guise. Parfois, c'est un riche païen qui reçoit les coups, et justice ne lui est jamais rendue. Les tribunaux n'existent plus; le diable est le vrai maître de la situation avec les Boxeurs.

Dans le principe, les païens étaient enchantés de voir surgir ces Boxeurs, nouveaux sauveurs de la patrie. Actuellement, ils commencent à être punis de leur faute. A Ingtse, il n'y a plus de commerce; les deux tiers des habitants ont fui, et 50.000 ouvriers, qui ne vivaient que du travail

de leurs mains, sont sans ouvrage. Malgré la présence de cinq canonnières qui nous protègent, je crains bien que la position ne devienne intenable.

Ing-tsé, le 19 juillet.

Hier après-midi, trois courriers sont arrivés, véritables courriers de Job.

Le premier, de Leen-chan, nous annonce que les PP. Bourgeois et Le Guével ont été massacrés sur la montagne avec une vingtaine de chrétiens. Ne pouvant plus tenir dans leur résidence, ils s'étaient dirigés vers la mer pour se réfugier sur une barque. Personne ne voulut leur en louer, même à des prix exorbitants. Un bachelier du pays avait affiché un placard, déclarant que quiconque aiderait les missionnaires et les chrétiens à s'échapper, serait traité comme eux et que sa famille serait massacrée. Les Pères durent gagner la montagne, et c'est là qu'ils périrent, avec une vingtaine de chrétiens armés, sous les balles des soldats de Ning-iuentcheou, après une lutte héroïque.

Dans tout le district de Leen-chan, il ne reste plus rien. La résidence, l'église et les oratoires des différentes chrétientés sont incendiés, détruits. On ne sait pas au juste le nombre des chrétiens massacrés. Trois vierges et les plus grandes orphelines de la Sainte-Enfance s'étaient réfugiées sur la montagne; les trois vierges ont été tuées. Pas de nouvelles des vingt-cinq orphelines qui les avaient suivies. A Leen-chan même, sauf un riche païen, cause de tout le mal, les païens ont montré quelques sentiments d'humanité pour les Pères et les chrétiens. Les chrétiens échappés à la mort disent que les têtes des deux Pères sont appendues aux ruines de l'église.

Le courrier de Leen-chan n'avait pas fini sa narration qu'un autre arrive. Je l'avais envoyé à la recherche des Pères de Siao-hei-chan, avec un peu d'argent pour leur voyage. Il ne fait que confirmer ce que les courriers précédents m'avaient rapporté. Il ajoute que les trois Pères ont été fusillés et jetés à la rivière. Leurs quatre compagnons, c'est-à-dire les quatre chrétiens qui les accompagnaient, n'ont pas été fusillés, mais liés et jetės dans la même rivière de Souang-t'ai-tsé. Le courrier a vu, sur son chemin, plusieurs personnes (enfants, filles, vieillards) égorgées. Un homme d'environ 40 ans avait le cou à moitié coupé et respirait encore. Il s'est approché du moribond mais n'a pu en tirer une seule parole.

Le troisième courrier arrive de Tie-ling. Les Russes, qui avaient là un petit poste pour la garde du chemin de fer, ont dû abandonner la ville. La résidence du P. Lamasse et l'orphelinat qu'il venait de construire sont devenus la proie des flammes. Dans ce district, si beau, si plein d'avenir, non seulement il ne reste aucune église, mais les petits villages chrétiens de Pao-Kia-Kang-tse et d'An-sin-tai sont complètement ruinés. D'ailleurs, presque partout, les maisons de nos chrétiens ont été incendiées, leur mobilier brûlé ou volé et leurs moissons elles-mêmes détruites.

Les P. Lamasse et Vuillemot se trouvaient encore à Tieling, dans le poste russe, lors de l'incendie de la résidence. Avec les Sœurs Gérardine et Praxede et trois cents chrétiens environ, ils ont suivi les Russes vers le nord. Pour

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