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« Le grand thaumaturge tenait évidemment à avoir son sanctuaire au milieu de mes pauvres chrétiens nouvellement convertis. Sans vouloir faire du tort aux autres Saints du Paradis, j'avoue que les difficultés rencontrées à l'accomplissement de cette œuvre m'auraient découragé si je n'avais pas été persuadé de sa puissance extraordinaire. Dans l'Inde, il n'est pas facile de se rendre acquéreur d'un terrain, s'il doit avoir une destination religieuse. M'adresser à mes néophytes? Il n'y fallait pas songer. Une nouvelle chrétienté ne se forme guère de gros propriétaires. Je devais donc avoir recours à un payen, sans grande chance de réussir.

« J'entrai en pourparlers. Ce que je redoutai arriva. De tous côtés, on me refusa net. Les gros bonnets avaient déclaré qu'ils jetteraient hors de la caste celui qui s'aviserait de vendre la moindre parcelle de son terrain au prêtre catholique. Cette menace est toujours grave dans l'Inde. L'exclusion de la caste est une espèce d'excommunication civile, qui prive un homme de tout commerce avec ses semblables. Un Indien qui perd sa; caste se voit abandonné des siens; il est comme un réprouvé sa femme même n'ose pas manger avec lui.

« Cependant saint Antoine, de son côté, travaillait ferme et tout gentiment il m'expédie un beau matin un gros païen, riche propriétaire.

((- Sámy, me dit-il, vous désirez construire une Madacóvil (église de Marie). On appelle ainsi nos temples chrétiens à Kaney.

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(- J'accepte. »>

« Le temps de dire un gros merci à saint Antoine et je fais dresser l'acte immédiatement.

« J'avais peur que l'on ne tracassat mon brave païen. On n'en fit rien. La justice humaine a toujours des trésors d'indulgence pour les gens riches.

« Le terrain une fois acheté, notre petite construction a marché grand train et j'ai le plaisir d'annoncer aujourd'hui à mes généreux bienfaiteurs que leur chapelle est debout, couverte et portant bien haut la croix victorieuse qui étend ses bras vers mes nouveaux chrétiens pour les étreindre et vers nos pauvres payens de Kâney pour les attirer sur le Coeur de Jésus.

« Mes chrétiens, grandement éprouvés par la disette, ont trouvé sur le chantier quelques bonnes journées de travail et saint Antoine possède actuellement à Kâney un lieu de pèlerinage qui ne peut manquer d'être très fréquenté. J'y ai une jolie chapelle, où mes enfants se réunissent tous les jours pour prier, et un abri pour moi lors de l'administration.

« Il ne manque plus qu'à orner cette modeste église d'un frontispice que je n'ai pas pu lui donner et d'un autel avec quelques statues. Mes bons amis de France voudront-ils achever leur œuvre ? J'aime à l'espérer. Outre le bien qu'ils se font à eux-mêmes, car saint Antoine est généreux à l'égard de ceux qui se sacrifient pour lui, mes bienfaiteurs seront heureux de penser que leur charité a servi à implanter fortement la religion ici où le paganisme possède des temples si vastes et si nombreux. »

Nagpore (Indoustan). Soeur Véronique, religieuse à Amraoti, écrit le 8 décembre:

« Je viens vous parler de nos pauvres affamés. Leur nombre s'accroît chaque jour de nouveaux venus. Des milliers stationnent non loin de notre couvent, amenés par le peu de nourriture qu'on y distribue. La plupart couchent à la belle étoile, et le froid de la nuit dont leurs méchantes hardes ne peuvent les garantir, emporte bon nombre d'enfants.

» Nous les invitons à venir le dimanche; nous leur faisons ce jour-là un cours d'instruction religieuse. Ils sont par groupes

de 100 à 150, présidés chacun par une Soeur qui dit à haute voix les formules que tous doivent répéter. Quand on récite le Pater la demande: « Donnez aujourd'hui notre pain quotidien ! » plaît à tout le monde et les bonnes vieilles ne manquent jamais d'ajouter: « Oh! oui, donnez-nous-le!

« Quand la cloche de midi sonne, le dimanche, tous les alentours de la mission fourmillent de gens en guenilles qui se hâtent d'arriver pour avoir part à la distribution. Les plus petits êtres ont la leur; aussi ne manque-t-on pas d'apporter tous les bébés qui sans cela mourraient délaissés et sans baptême au fond de leurs huttes. Beaucoup y gagnent un billet de Paradis.

«Les quartiers des ouvriers ne sont plus guère habités. Voyant un jour une hutte entr'ouverte, nos Sœurs y pénétrent; elles y trouvent une femme qui n'eut pas la force d'articuler un mot; à ses côtés gisait un pauvre petit qui n'avait plus qu'un souffle; il fut ondoyé à l'instant. Deux autres enfants se traînaient en criant pitoyablement : « Du pain! du pain! »

« Ces faits navrants dont nous sommes journellement témoins donnent une idée du triste sort des malheureux au milieu desquels nous vivons.»

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Saint-Albert (Canada). On nous communique la lettre suivante d'un Père Oblat, de la mission du Lac d'Onion :

« Je me trouve maintenant tout à l'extrémité du diocèse de Saint-Albert, au milieu des Cris. Je dois y rester plusieurs années, afin d'apprendre la langue de ces sauvages, qui est, avec l'anglais et le français, l'une des plus usitées dans cette partie du Nord-Ouest canadien.

<«< La mission du Lac d'Onion est établie depuis une dizaine d'années. Une école-pensionnat, comptant soixante-trois enfants, y est tenue par les Sours. Le gouvernement donne pour les enfants Cris une subvention; mais elle ne suffit pas, car tout est extrêmement cher à cause du prix des transports. « Pour mieux faire connaître ma vie dans ce poste reculé, voici l'emploi d'une de mes journées.

« Dès huit heures du matin, un pas diseret se fait entendre dans l'appartement qui sert comme d'antichambre Toc

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Si tu viens prier chez nous, je te donnerai tout ce dont « tu as besoin. »

« Je dois done lui donner quelque chose pour le satisfaire. «Il est à peine sorti qu'on frappe de nouveau. Cette fois, c'est une vieille femme à moitié aveugle :

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Eh! mon petit-fils, où est donc le Père X..., qui était « chargé de la mission avant toi et qui nous a appris à prier? « Ah! c'est bien dommage qu'il soit parti: il était si bon pour « nous! C'est lui qui n'aurait pas voulu me voir en guenilles, <« ni souffrir de la faim. Un jour, il m'a donné pour sept pias«tres de butin... On fait bien pitié, va! »

« Tout cela veut dire, bien entendu : Si tu es aussi charitable que ce Père-là, tu me donneras quelque chose.

« Un autre arrivant a un enfant malade. Il lui faut des remèdes. D'autres viennent demander un peu de travail pour gagner de quoi nourrir leur famille. Une pauvre vieille voudrait un sac de pommes de terre pour semer.

« A de tels assauts, la bourse la mieux garnie ne saurait suffire et bientôt viennent les dettes. C'est ainsi que j'ai dépensé plus de trois cents francs en deux mois.

<«< Un mot de nos leçons de catéchisme. Ah! il faut, avant de commencer, faire provision de patience.

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<< D'autres fois, les rôles sont changés, c'est moi qui suis l'élève; on m'enseigne la langue du pays. Chaque leçon me coûte cher, car mes professeurs sont exigeants et, pour stimuler leur bonne volonté, je dois leur donner du thé, du tabac ou des bonbons.

«Mes pauvres Cris sont bien mal logės. Pendant l'hiver, ils habitent dans des loges très petites afin qu'elles soient plus faciles à chauffer. Pendant le jour, il y fait une chaleur étouffante; mais, la nuit, quand il n'y a plus de feu, on y gèle. Ajoutons qu'il se dégage des loques qui servent de lits une

odeur qui, si on n'y est pas habitué, suffoque. Dans la plupart de ces habitatons primitives, on chercherait en vain trace de mobilier.

« Ces loges sont bâties en troncs d'arbres superposés, les intervalles sont bouchés avec du mortier d'une terre blanche mêlée de foin. Elles sont habitées seulement l'hiver. Dès que la belle saison arrive, les tentes sont dressées, chacun se hâte d'abandonner sa cabane. Il est facile de déménager quand on n'a pas de mobilier.

« Ces quelques détails suffisent pour faire connaître la misère de ces pauvres gens et la gêne où nous nous trouvons. Impossible de demander des subsides à Mgr Grandin. Le vénéré prélat cherche lui-même des ressources pour rebâtir sa cathédrale beaucoup trop petite et qui tombe en ruines. C'est avec son consentement que je sollicite la charité. Je promets qu'il sera célébré cinq messes pour chaque centaine de francsqui sera envoyée à la pauvre mission du Lac d'Onion. >>

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tantôt précédés, tantôt suivis, à une certaine distance, de nègres d'assez mauvaise mine.

En passant près d'une maison isolée, une espèce de desperado vint à moi et, ôtant son chapeau avec une grimace de politesse qui paraissait être peu dans ses habitudes, il me pria de m'arrêter chez lui, disant qu'il allait faire cuire un mouton pour mes enfants et que les mules pourraient paître dans une belle prairie où la végétation était luxuriante. Un de mes conducteurs me fit un signe de tête presque imperceptible; je remerciai cet étranger de ses offres si obligeantes en lui disant qu'il était de trop bonne heure pour nous arrêter.

Après l'avoir quitté, nous pressâmes la marche afin de mettre la plus grande distance entre nous et cette maison suspecte, et le soir, avant d'établir le camp et après, je fis décharger plusieurs fois les fusils pour avertir que, si l'on

tentait de nous enlever nos mules, on ne le ferait pas sans courir certains périls. Après cela les nègres cessèrent de nous suivre.

Trois jeunes guerriers osages, MUN-NE-PUS-KEE ou Celui qui n'a pas peur, Ko-A-TUNK-A ou la grosse corneille, NA-COM-EESHE ou l'homme du lit.

Nous arrivâmes enfin à Sacred-Heart, un dimanche soir, après onze jours de marche, sans que j'eusse pu dire la messe une seule fois, bien entendu. Nous avions fait plus de 250 kilomètres, à cause du changement de direction que l'Arkansas nous avait imposé. Enfin ma tàche était accom

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plie et j'avais mené à bonne fin, du moins je le croyais, une entreprise que j'avais d'abord jugée téméraire et impossible. Il ne nous restait plus, à mes hommes et à moi qu'à retourner à Pawhuska.

Pendant les deux jours de repos que nous prîmes, nous vîmes nos petits Indiens subir une métamorphose. Leurs blankets et autres hardes indiennes avaient été brûlées, et, après un bain à l'eau chaude et un nettoyage minutieux des pieds à la tête, on leur avait fait endosser l'uniforme de notre collège. Ils étaient déjà méconnaissables; ils se trouvaient d'ailleurs assez embarrassés dans ce nouveau costume, et faisaient sans cesse le geste de ramener leur blankel autour des reins et sur leurs épaules.

Bref, je les quittai après avoir embrassé et encouragé chacun d'eux. Au bout de six jours nous arrivons chez les Osages.

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Et les enfants?

Ils sont à Sacred-Heart.

Pas tous?

Si,

tous!

J'en ai vu passer sept ce matin, vêtus en collégiens,

se rendant au camp de l'Agence.»

En effet, quand j'arrivai à Pawhuska, le P. Félix m'apprit que sept d'entre eux avaient parcouru la contrée en droite ligne, marchant jour et nuit et traversant les rivières à la nage ou sur des troncs d'arbres. Ils avaient réussi à arriver avant nous et nos équipages. J'ai fait l'école buissonnière, quelquefois, dans ma tendre jeunesse; mais j'avoue que tous mes exploits pâlissent singulièrement devant celui de mes écoliers indiens.

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ils étaient réduits à trois mille; aujourd'hui ils ne sont plus que quinze cents. S'ils continuent à diminuer dans cette proportion, ils auront bientôt complètement disparu comme tant d'autres des plus nobles nations indiennes, par exemple les Mandans, dont je ne crois pas qu'il reste un seul individu.

Maintenant les Osages ne font plus la guerre. Ils sont tout à fait pacifiés et pacifiques.

Les Osages ont été pendant longtemps une des tribus les plus guerrières du Territoire indien et plus d'un vieux chef peut encore montrer bien des scalps pris sur les ennemis. Le scalp est un trophée de victoire: c'est un rond plus ou moins grand du cuir de la tête, arraché avec la chevelure à l'endroit précis où les cheveux rayonnent autour du point central où les phrénologistes placent la bosse de l'estime de soi. Les Indiens, après avoir tué un ennemi à la guerre, tiennent à le scal

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LE SCALPEMENT; d'après une gravure américaine (voir le texte)

par le passé, à leurs danses et cérémonies sauvages. Ils sont très doux de caractère et très hospitaliers. Leur langue est bien plus harmonieuse que le Pottowatomie.

Les Osages ont été bien plus puissants qu'ils ne sont actuellement. Il paraît que les Kansas ou Konzas ne formaient autrefois qu'une seule tribu avec eux leur séparation les affaiblit considérablement. Puis vinrent les migrations que leur imposa le gouvernement des Etats-Unis. Au cours de ces exodes, ils perdirent beaucoup de monde par les privations, le changement de climat et les maladies, surtout la petite vérole, qui fit parmi eux d'épouvantables ravages. Enfin ils furent décimés par les guerres incessantes qu'ils eurent à soutenir, en particulier contre les Pawnees et les Comanches, guerres dans lesquelles ils avaient ordinairement le dessous à cause de leur infériorité numérique.

En 1834, ils étaient encore plus de cinq mille; en 1870,

per, et ils le font avec une dextérité remarquable.

Tous, aussi, donnent à cette partie de leur chevelure la forme d'une longue tresse, ornée de plumes ou de queues d'animaux ; et cela comme un défi à l'ennemi, semblant lui offrir une chance de prendre son scalp pourvu qu'il ait le courage de venir le chercher.

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indécent; d'autres, au contraire, sont fort jolis, gracieux même.

En voici quelques-uns: Nantze-tanka, celui qui a un grand cœur; Wah-shim-pe-chee, le furieux; Pa-hus-ha, cheveux blancs; Shinga-Wassa, bel oiseau; Tcha-tto-gah, buffalo enragé; Cahega-shinga, petit chef; Tchong-tas-sabbee, chien noir; Moi-een-shee, celui qui marche toujours. Il y a encore le Nuage blanc frangé d'or, le Mangeur de miel, le Loup sur la colline, le Vigilant, Celui qui porte une hachette à sa ceinture, Celui qui a le front haut, le Renard vigilant, le Bouclier enfumé, le Tonnerre qui tourbillonne, le Soleil à son midi. Parmi les noms de femmes, nous trouvons l'Herbe parfumée, l'Aigle femelle, la Femelle du pigeon qui se pavane, le Ver luisant ailé, la Fraîche fontaine, l'Osier flexible, l'Eau qui tombe en cascade, l'Arc en ciel, la Tortue, la Vigne sauvage, etc., etc.

Au lieu de nous appeler Mekte Koniah (Robes noires), ils nous nomment, le P. Félix et moi, 0 Wa Kon-ta Ta-pusKa, (Hommes de Dieu à barbe blanche), appellation assez bizarre puisque le Père Félix se rase entièrement, et que ma barbe est toute noire. Je suppose que ce mot leur a été suggéré comme l'équivalent du mot latin presbyter, par les Pères Jésuites du Kansas, où ils ont été initiés à la religion catholique, et qu'ils l'ont toujours appliqué au prêtre depuis.

La nation est divisée en plusieurs tribus, ayant chacune un chef; au-dessus d'eux est le chef suprême, lequel est toujours un Indien pur sang. Les Métis forment une caste à part, très nombreuse, peu aimée des autres indigènes et trop souvent peu aimable en effet, à cause de ses vices. Le Métis a tous les défauts du Blanc, joints à ceux de l'Indien et c'est trop. En peut-il être autrement quand, ce qui arrive souvent, le père est un Blanc, réfugié parmi les Indiens pour cause de mauvaise conduite dans les EtatsUnis? bon chien chasse de race, et un enfant tiendra toujours plus ou moins, de son père.

(A suivre).

PROMENADES EN NORVÈGE

Par Mgr FALLIZE, vicaire apostolique

Suite (1)

Vers le Telemarken. Nous avons quitté Porsgrund. Un quart d'heure de train, et nous descendons à Skien, la gracieuse gardienne de l'entrée de la région du Telemarken.

Jusque là les eaux de la rivière Skienselv sont assez profondes pour permettre aux gros bateaux de mer de passer, en traversant le beau Frierfjord. Mais à Skien, un immense rocher leur barre la route, et ce n'est que grâce à tout un système de canaux à écluses qu'ils arrivent à continuer leur chemin, en passant par des lacs sans fin, pour aboutir à Dale, au cœur même de la Norvège, et y décharger les pro

(1) Veir les Missions Catholiques des 5 et 12 janvier.

duits de toutes les parties du monde. Rien d'intéressant comme ces voyages sur le pont d'un vapeur au milieu des montagnes zébrées de cascades, qui, sans se laisser troubler par le sifflet de la machine, chantent leur éternel refrain en l'honneur de Celui qui a créé ces beautés.

Mais nous ne rencontrons pas que des charmes. Le Norvégien met aussi à profit ses fleuves, ses lacs; il les force à transporter ses bateaux et les millions de troncs de sapins coupés dans les gorges et sur les pentes inaccessibles à tout véhicule, et il contraint des centaines de cascades soit à mouvoir les turbines de ses fabriques, soit à produire l'électricité, qui éclaire ses villes, traîne ses trains et actionne ses machines et ses métiers.

A Skien déjà, nous sommes à moitié étourdis par l'incroyable concert des cataractes et des scieries. Un peu plus haut, pendant que notre bateau monte péniblement au travers des écluses de Loveid pour gagner le lac Nordsjo, nous sommes curieusement inspectés au passage par des centaines de jeunes filles, qui travaillent dans les grandes filatures et dans les ateliers de tissage dont les machines sont mues par les eaux sortant du lac.

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Si la pêche, l'élevage du bétail, l'exploitation de ses immenses forêts et la navigation dans tous les parages du monde forment les principales ressources de la Norvège, l'industrie n'y est nullement négligée. Dans les dernières années surtout, elle a pris un tel essor, qu'on en tient sérieusement compte sur les marchés du continent.

Cependant deux choses, jusqu'ici, l'ont beaucoup entravée; l'une, c'est le manque de capitaux, causé lui-même par le défaut absolu d'esprit d'économie chez ce peuple adonné à la jouissance et à la bonne chère; l'autre, c'est le manque de charbon de terre dans un pays riche seulement en métaux et en minéraux précieux. Mais depuis qu'on s'est mis à mieux exploiter la force motrice, littéralement inépuisable, de nos cours d'eau, depuis surtout que l'électricité permet de transporter au loin cette force, ce dernier défaut, au moins, disparaît de plus en plus, tandis que l'abondante affluence des capitaux étrangers rend moins sensible le premier, quoiqu'en réalité le pays soit, à ce point de vue, sous la dépendance de l'étranger.

Un troisième mal pèse tant sur l'agriculture que sur l'industrie, c'est le prix élevé de la main-d'oeuvre, causé d'un côté par la cherté de tout ce qui est nécessaire à la vie, å l'exception du poisson et du gibier, et d'un autre côté par l'amour du luxe et la chasse aux plaisirs, qui rongent toutes les classes de la population et créent, pour l'ouvrier comme pour le rentier, des besoins factices mais coûteux. C'est là encore la source du mécontentement chronique de notre classe ouvrière, des grèves insensées qui éclatent à chaque instant et ruinent tant l'ouvrier que le patron, et de la propagation rapide du socialisme, qui, bientôt conquerra infailliblement toutes nos grandes villes.

A ce mal, il n'y aurait qu'un seul remède, la religion catholique, qui impose à tous la sobriété et la modération dans le plaisir. Mais que nous sommes encore loin

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