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,, (g) Il y aura avant la pentecôte deux nouveaux ,, mémoires imprimés, lefquels feront fuivis de fort

près par quatre autres mémoires, tous destinés à " traiter en particulier chacune de nos prétentions : ,, ils feront courts afin qu'ils foient lus, mais ils n'en , feront pas moins forts de chofes. Nous avons fait

des oppofitions fur les biens de M. de la Borde, et les oppofitions feront converties en faifies réelles au " premier jugement que nous aurons. Les avocats, les procureurs, les huiffiers, les notaires nous confomment en frais. C'eft une perte réelle, une , perte énorme, une perte certaine pour votre famille; perte qui ne fe réparera jamais, quels que foient , les vainqueurs. Vous auriez pu la prévenir, et vous la voyez faire tranquillement ! vous laiffez couler ,, l'eau fans faire aucun effort pour l'arrêter. L'incen

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die fait tous les jours de nouveaux progrès, et vous ,, ne vous en mettez point en peine. Pouvez-vous " croire que DIEU ne vous en demandera aucun ,, compte? Quel aveuglement ! quel oubli de la justice ,, du DIEU que nous fervons! Voilà, Madame, trois fujets de fcrupule, qu'une charité facerdotale propofe " à vos méditations. ",

Ce n'eft pas tout, il envoie cette lettre à la dame de Cramayel, au curé de Saint-Paul, et à trois ou quatre prêtres directeurs de dévotes qui ne manqueront pas

(5) Quel miniftre du Seigneur, comme il fête la pentecôte, comme il est fort de chofes ce petit Fontenelle! comme il mêle fagement l'inondation et l'incendie ! comme il est éloquent! comme fa charité facerdotale propose trois fcrupules à une femme pieufe! on verra ci-dessus ses menfonges : ils furpaffent de beaucoup le nombre des trois fcrupules de ce faint perfonnage.

de la répandre, qui formeront une pieuse cabale contre la famille la Borde, qui folliciteront les juges, qui animeront le public, en faveur de l'innocence opprimée par un fermier général. La cause va devenir celle de DIEU et celle du peuple : car on fuppofe toujours que ni l'un ni l'autre n'aiment les fermiers généraux. Cette manœuvre n'était pas mal adroite; mais DIEU ne l'a pas bénie comme l'efpérait Claustre. Ce n'eft pas affez, quand il s'agit d'un compte de tutelle, de parler de piété et de dévotion; il faut des faits vrais et des calculs juftes. C'eft précisément ce qui a manqué au zèle de l'abbé Claustre. Il fe flattait que le fieur Jean-François de la Borde, principalement attaqué dans ce procès, étant âgé de quatre-vingts ans, fuccomberait à la faibleffe de fon âge, et à la fatigue de raffembler un tas immense de papiers oubliés depuis long-temps, et peutêtre égarés. Il était sûr de compromettre le frère avec fa fœur de la Flachère, le père avec fa fille de Cramayel. Il avait l'efpérance de conduire au tombeau la vieilleffe du fieur Jean-François de la Borde, et celle de sa fœur, la dame de la Flachère : et c'eft dans cette unique vue qu'il ne s'eft pas trompé. L'un et l'autre font morts en effet de chagrin; mais du moins ils ne font morts qu'après avoir pleinement confondu leur adverfaire, et après avoir obtenu des arrêts contre le calomniateur. Clauftre n'était pas auffi exact qu'il était zélé. Ses menfonges étaient pieux, mais ils n'étaient pas fins.

Premier menfonge de Claufire.

IL redemandait pour le mari de fa nièce Boutaudon environ deux millions dont la mère de Defmartres avait

hérité en Hollande. Mais par les comptes juridiquement arrêtés, il fe trouva que le bien de sa mère ne se montait, à sa mort, qu'à deux cents foixante-seize mille vingt livres qui devaient être partagées entre Defmartres fils et fa fœur ; et à la mort de la fœur ces deux cents foixante-feize mille vingt livres appartinrent au fils; mais fur ce bien il fallait payer au fieur Defmartres père douze mille livres de penfion à lui léguées par sa femme, et trois mille livres de penfion à lui léguées par fa fille avec d'autres dons. Ainfi voilà l'abbé Clauftre bien loin de fon compte. Et nihil invenerunt, viri divitiarum in manibus fuis.

Second menfonge de Clauftre.

IL dit affez malignement que la bifaïeule de Defmartres fils, qui était hollandaife, mourut en 17 28; et il le dit pour infinuer que des actes de 1729 n'étaient pas légitimes. Il ajoute que cette dame laissa une groffe fucceffion. Il a été prouvé qu'elle était morte en 1730, que la fucceffion était fort petite, et qu'il raifonnait fort mal.

Troisième menfonge de Clauftre.

IL fait dire à Defmartres fils, qu'on ne lui a pas rendu fes papiers à fa majorité; et il a été prouvé par acte juridique, du 13 mai 1761, que tous fes papiers

lui avaient été rendus.

Quatrième menfonge de Clauftre...

IL dit qu'on ne laiffe jouir Defmartres fils que de dix mille livres de rente; que ce n'eft pas affez pour lui Clauftre et pour fa nièce Boutaudon; qu'il comptait fur un fonds de deux millions.

A l'égard de ces deux millions, il faut bien que Clauftre et fa nièce Boutaudon s'en paffent ; mais il a été prouvé que le fieur Defmartres fils jouiffait de quatorze mille livres de rente, provenantes de l'administration fage de fon père, et qu'à la mort de ce père il jouira de quinze mille livres de penfion qu'il eft obligé de lui faire; ce qui composera environ trente mille livres de rente au fieur Defmartres fils. C'est un bien fort honnête ; il y a beaucoup de gens d'efprit dans Paris qui n'en ont pas tant, et qui n'ont pas des Clauftre pour directeurs de confcience et de finances.

Cinquième menfonge de Clauftre.

IL fait dire à Defmartres fils qu'étant malade, en 1760, fon père le força de faire un teftament par lequel il inftituait ce père fon héritier universel, et il se trouve que ce teftament fut fait, le 11 avril 1757, dans la ville d'Aigueperse, fon père étant alors à cent lieues de là; ce père Defmartres n'eft point inftitué héritier univerfel, c'est l'oncle même Jean-François. Quand on a reproché à Clauftre qu'il avait dit la chose qui n'est pas, il a répondu qu'on peut en ufer ainfi pour le bien des mineurs, que des patriarches ont fait des mensonges officieux, mais qu'en effet il a dit la vérité,

puisqu'il y a eu un teftament. Voilà le point principal; la date et le contenu ne font que des acceffoires.

Sixième menfonge de Clauflre.

Nous paffons quelques menues fraudes qui feraient exceffivement ennuyeuses, et que les curieux peuvent voir dans les mémoires imprimés; mais en voici une importante. Il accufe le fieur de la Borde, fermier général, d'avoir volé cinquante - huit mille livres avec les arrérages à fa belle- fœur, la dame Defmartres, mère du complaignant.

Voici le fait. La dame Defmartres, ayant confervé quelques inclinations de la Hollande, fon pays, fe plaifait quelquefois à mettre de l'argent dans le commerce de Cadix. Elle fit une avance de cinquantehuit mille livres fur des effets eftimés foixante- fept mille, que le fieur Jean-François de la Borde envoyait à Buenos-Aires, en 1731. Jean-François de la Borde perdit presque tout. Il ne reçut qu'en 1751 les faibles débris de cette espèce de banqueroute, et cependant il eut la générosité, dès 1744, de rembourfer les 58000 livres avec les intérêts. Alonzo, Rubio de Rivas et Bartholomé Pinto de Ribera, chargés de la commisfion de vendre au Pérou les effets du fieur de la Borde, s'en étaient fort mal acquittés, malgré leurs grands noms. Je n'en fuis point étonné; ces meffieurs m'ont caufé, à moi qui vous parle, une perte de plus de cent mille livres ; mais n'ayant point à faire à un dévot, je n'ai pas effuyé de procès pour furcroît de ma perte. Clauftre, au contraire, a redemandé les

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