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était facrificateur de DIE U. Balaam idolâtre était prophète. L'Ecriture nous apprend donc que nonfeulement DIE U tolérait tous les autres peuples, mais qu'il en avait un foin paternel: et nous ofons être intolérans !

Il

Extrême tolérance des Juifs.

AINSI donc fous Moife, fous les juges, fous les rois, vous voyez toujours des exemples de tolérance. y a bien plus: (f) Moïfe dit plufieurs fois que DIEU punit les pères dans les enfans, jufqu'à la quatrième génération: cette menace était néceffaire à un peuple à qui DIEU n'avait révélé ni l'immortalité de l'ame, ni les peines et les récompenfes dans une autre vie. Ces vérités ne lui furent annoncées, ni dans le Décalogue, ni dans aucune loi du Lévitique et du Deuteronome. C'étaient les dogmes des Perfes, des Babyloniens, des Egyptiens, des Grecs, des Crétois ; mais ils ne conftituaient nullement la religion des Juifs. Moïfe ne dit point, honore ton père et ta mère fi tu veux aller au ciel; mais, (g) honore ton père et ta mère, afin de vivre long-temps fur la terre: il ne les menace que de maux corporels, de la gale sèche, de la gale purulente, d'ulcères malins dans les genoux et dans les gras des jambes, d'être expofés aux infidélités de leurs femmes, d'emprunter à usure des étrangers, et de ne pouvoir prêter à ufure; de périr de famine, et d'être obligés de manger leurs enfans mais en aucun lieu il ne leur dit, que leurs ames immortelles fubiront des tourmens après la (f) Exode, chap. XX, v. 5. (g) Deutér. chap. XXVIII.

mort, ou goûteront des félicités. DIEU, qui conduifait lui-même fon peuple, le puniffait ou le récompenfait immédiatement après fes bonnes ou fes mauvaises actions. Tout était temporel; et c'est une vérité dont Warburton abuse pour prouver que la loi des Juifs était divine; (h) parce que DIEU même étant leur roi, rendant juftice immédiatement

( k ) Il n'y a qu'un feul paffage dans les lois de Moïfe, d'où l'on pût conclure qu'il était inftruit de l'opinion régnante chez les Egyptiens, que l'ame ne meurt point avec le corps; ce paffage eft très-important, c'est dans le chap. XVIII du Deuteronome: Ne confultez point les devins qui prédisent par l'inspection des nuées, qui enchantent les ferpens, qui confultent L'efprit de Python, les voyans, les connaiffeurs qui interrogent les morts, leur demandent la vérité.

et

Il paraît par ce paffage, que fi l'on évoquait les ames des morts, ce fortilége prétendu supposait la permanence des ames. Il fe peut auffi que les magiciens dont parle Moife, n'étant que des trompeurs groffiers, n'euffent pas une idée diftincte du fortilège qu'ils croyaient opérer. Ils fefaient accroire qu'ils forçaient des morts à parler, qu'ils les remettaient par leur magie dans l'état où ces corps avaient été de leur vivant; fans examiner feulement fi l'on pouvait inférer ou non de leurs opérations ridicules le dogme de l'immortalité de l'ame. Les forciers n'ont jamais été philofophes, ils ont été toujours des jongleurs ftupides, qui jouaient devant des imbécilles.

On peut remarquer encore qu'il eft bien étrange que le mot de Python fe trouve dans le Deuteronome, long-temps avant que ce mot grec pût être connu des Hébreux: auffi le terme Python n'eft point dans l'hébreu, dont nous n'avons aucune traduction exacte.

Cette langue a des difficultés infurmontables : c'est un mélange de phé nicien, d'égyptien, de fyrien et d'arabe: et cet ancien mélange eft trèsaltéré aujourd'hui. L'hébreu n'eut jamais que deux modes aux verbes, le préfent et le futur : il faut deviner les autres modes par le fens. Les voyelles différentes étaient fouvent exprimées par les mêmes caractères ; ou plutôt ils n'exprimaient pas les voyelles; et les inventeurs des points n'ont fait qu'augmenter la difficulté. Chaque adverbe a vingt significations différentes, Le même mot eft pris en des fens contraires.

Ajoutez à cet embarras la féchereffe et la pauvreté du langage : les juifs privés des arts ne pouvaient exprimer ce qu'ils ignoraient. En un mot, l'hébreu eft au grec ce que le langage d'un paysan est à celui d'un académicien.

après la tranfgreffion ou l'obéiffance, n'avait pas besoin de leur révéler une doctrine qu'il réfervait au temps où il ne gouvernerait plus fon peuple. Ceux qui, par ignorance, prétendent que Moife enfeignait l'immortalité de l'ame, ôtent au nouveau teftament un de fes plus grands avantages fur l'ancien. Il est conftant, que la loi de Moïse n'annonçait que des châtimens temporels, jufqu'à la quatrième génération. Cependant malgré l'énoncé précis de cette loi, malgré cette déclaration expreffe de DIEU, qu'il punirait jufqu'à la quatrième génération, Ezechiel annonce tout le contraire aux Juifs, et leur dit, (i) que le fils ne portera point l'iniquité de fon père: il va même jufqu'à faire dire à DIEU, qu'il leur avait donné (k) des préceptes qui n'étaient pas bons. (1)

Le livre d'Ezéchiel n'en fut pas moins inféré dans le canon des auteurs infpirés de DIEU: il eft vrai que la fynagogue n'en permettait pas la lecture avant l'âge de trente ans, comme nous l'apprend St Jérôme; mais c'était de peur que la jeuneffe n'abusât des

(i) Ezéch. chap. XVIII, v. 20.

{k} Ibid. chap. XX, v. 25.

(1) Le fentiment d'Ezechiel prévalut enfin dans la fynagogue; mais il y eut des juifs qui, en croyant aux peines éternelles, croyaient auffi que DIEU poursuivait fur les enfans les iniquités des pères aujourd'hui ils font punis par delà la cinquantième génération, et ont encore les peines éternelles à craindre. On demande comment les defcendans des Juifs qui n'étaient pas complices de la mort de JESUS-CHRIST, ceux qui étant dans Jerufalem n'y eurent aucune part, et ceux qui étaient répandus fur le refte de la terre, peuvent être temporellement punis dans leurs enfans, auffi innocens que leurs pères? Cette punition temporelle, ou plutôt cette manière d'exifter differente des autres peuples, et de faire le commerce fans avoir de patrie, peut n'être point regardée comme un châtiment en comparaison des peines éternelles qu'ils s'attirent par leur incrédulité, et qu'ils peuvent éviter par une converfion fincère.

peintures trop naïves qu'on trouve dans les chapitres XVI et XXIII du libertinage des deux fœurs Oolla et Ooliba. En un mot, fon livre fut toujours reçu, malgré fa contradiction formelle avec Moïse.

Enfin, (m) lorsque l'immortalité de l'ame fut un

(m) Ceux qui ont voulu trouver dans le Pentateuque la doctrine de l'enfer et du paradis, tels que nous les concevons, fe font étrangement abusés : leur erreur n'eft fondée que fur une vaine dispute de mots ; la Vulgate ayant traduit le mot hébreu Sheol, la foffe, par infernum, et le mot latin infernum ayant été traduit en français par enfer, on s'eft fervi de cette équivoque pour faire croire que les anciens Hébreux avaient la notion de l'Ades et du Tartare des Grecs, que les autres nations avaient connus auparavant fous d'autres noms.

Jl eft rapporté au chapitre XVI des Nombres, que la terre ouvrit fa bouche fous les tentes de Coré, de Dathan et d'Abiron, qu'elle les dévora avec leurs tentes et leur fubftance, et qu'ils furent précipités vivans dans la fepulture, dans le fouterrain; il n'eft certainement queftion dans cet endroit, ni des ames de ces trois hébreux, ni des tourmens de l'enfer, ni d'une punition éternelle.

Il est étrange que dans le Dictionnaire encyclopédique au mot Enfer, on dise que les anciens Hébreux en ont reconnu la réalité ; fi cela était, ce ferait une contradiction infoutenable dans le Pentateuque. Comment fe pourraitil faire que Moife eût parlé dans un paffage ifolé et unique, des peines après la mort, et qu'il n'en eût point parlé dans fes lois? On cite le XXXIIe chapitre du Deuteronome, mais on le tronque; le voici entier : Ils m'ont provoqué en celui qui n'était pas Dieu, et ils m'ont irrité dans leur vanité; et moi je les provoquerai dans celui qui n'eft pas peuple, et je les irriterai dans la nation infenfée. Et il s'eft allumé un feu dans ma fureur, et il brûlera jusqu'au fond de la terre ; il dévorera la terre jusqu'à fon germe, et il brûlera les fondemens des montagnes ; et j'assemblerai fur eux les maux, et je remplirai mes flèches fur eux ; ils feront confumés par la faim, les oifeaux les dévoreront par des morfures amères ; je lâcherai fur eux les dents des bêtes qui fe trainent avec fureur fur la terre, et des ferpens.

Y a-t-il le moindre rapport entre ces expreffions et l'idée des punitions infernales, telles que nous le concevons? Il semble plutôt que ces paroles n'aient été rapportées que pour faire voir évidemment que notre enfer était ignoré des anciens Juifs.

L'auteur de cet article cite encore le paffage de Job, au chap. XXIV. L'ail de l'adultère observe l'obscurité, difant, l'œil ne me verra point, et il couvrira fon visage; il perce les maisons dans les ténèbres comme il l'avait dit

dogme reçu, ce qui probablement avait commencé dès le temps de la captivité de Babylone, la fecte des

dans le jour, et ils ont ignoré la lumière : fi l'aurore apparait fubitement, ils la croient l'ombre de la mort, et ainfi ils marchent dans les ténèbres comme dans la lumière il eft leger fur la furface de l'eau ; que fa part foit maudite fur la terre, qu'il ne marche point par la voie de la vigne, qu'il paffe des eaux de neige à une trop grande chaleur : et ils ont péché le tombeau, ou bien, le tombeau a diffipé ceux qui péchent, ou bien ( felon les Septante ) leur péché a été rappelé en mémoire.

Je cite les paffages entiers, et littéralement, fans quoi il est toujours impoffible de s'en former une idée vraie.

Y a-t-il là, je vous prie, le moindre mot dont on puiffe conclure que Moise avait enseigné aux Juifs la doctrine claire et fimple des peines et des récompenfes après la mort ?

Le livre de Job n'a nul rapport avec les lois de Moife. De plus, il eft très-vraisemblable que Job n'etait point juif; c'est l'opinion de St Jerôme dans fes queftions hébraïques fur la Genèfe. Le mot Sathan, qui eft dans Job, n'était point connu des Juifs, et vous ne le trouvez jamais dans le Pentateuque. Les Juifs n'apprirent ce nom que dans la Chaldée, ainsi que les noms de Gabriel et de Raphaël, inconnus avant leur esclavage à Babylone. Job eft donc cité ici très-mal à propos.

On rapporte encore le chapitre dernier d'Ifaie: Et de mois en mois, de Sabbat en falbat, toute chair viendra m'adorer, dit le Seigneur, et ils fortiront, et ils verront à la voierie les cadavres de ceux qui ont prévariqué; leur ver ne mourra point, leur feu ne s'éteindra point, et ils feront exposés aux yeux de toute chair jnfqu'à fatiété.

Certainement s'ils font jetés à la voierie, s'ils font exposés à la vue des paffans jufqu'à fatiété, s'ils font mangés des vers, cela ne veut pas dire que Moife enfeigna aux Juifs le dogme de l'immortalité de l'ame; et ces mots: Le feu ne s'éteindra point, ne signifient pas que des cadavres qui font exposés à la vue du peuple fubiffent les peines éternelles de l'enfer.

Comment peut-on citer un paffage d'Ifaie pour prouver que les Juifs du temps de Moife avaient reçu le dogme de l'immortalité de l'ame? Ifie prophétifait, felon la computation hébraïque, l'an du monde 3380. Moife vivait vers l'an du monde 2500; il s'eft écoulé huit fiècles entre l'un et l'autre. C'eft une infulte au fens commun, ou une pure plaifanterie, que d'abufer ainfi de la permiffion de citer, et de prétendre prouver qu'un auteur a eu une telle opinion, par un paffage d'un auteur venu huit cents ans après, et qui n'a point parlé de cette opinion. Il eft indubitable que l'immortalité de l'ame, les peines et les récompenfes après la mort, font annoncées, reconnues, conftatées dans le nouveau teftament, et il est

faducéens

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