Page images
PDF
EPUB

méthodes et les rendre usuelles, une portion dans la gloire de tous ceux qui les emploient avec succès; mais du moins il a sur leur reconnaissance des droits qu'ils ne pourraient contester sans ingratitude.

L'analyse des séries a occupé M. Euler dans presque toutes les époques de sa vie : c'est même une des parties de ses ouvrages où l'on voit briller le plus cette finesse, cette sagacité, cette variété de moyens et de ressources qui le caractérisent.

Les fractions continues, inventées par le vicomte Brouncker, paraissaient presque oubliées des géomètres; M. Euler en perfectionna la théorie, en multiplia les applications, et en fit sentir toute l'importance.

Ses recherches, presque absolument neuves sur les séries de produits indéfinis, offrent des ressources nécessaires à la solution d'un grand nombre de questions utiles ou curieuses; et c'est surtout en imaginant ainsi de nouvelles formes de série, et en les employant non-seulement à des approximations dont on est si souvent forcé de se contenter, mais aussi à la découverte de vérités absolues et rigoureuses, que M. Euler a su agrandir cette branche de l'analyse aujourd'hui si vaste, et bornée avant lui à un petit nombre de méthodes et d'applications.

Le calcul intégral, l'instrument le plus fécond de découvertes que jamais les hommes aient possédé, a changé de face depuis les ouvrages de M. Euler; il a perfectionné, étendu, simplifié toutes les méthodes employées ou proposées avant lui: on lui doit la solution générale des équations linéaires, premier

fondement de ces formules d'approximation si va

riées et si utiles.

Une foule de méthodes particulières, fondées sur différents principes, sont répandues dans ses ouvrages et réunies dans son traité du calcul intégral : là on le voit, par un heureux usage des substitutions, ou rappeler à une méthode connue des équations qui semblaient s'y refuser, ou réduire aux premières différentielles des équations d'ordres supérieurs; tantôt, en considérant la forme des intégrales, il en déduit les conditions des équations différentielles auxquelles elles peuvent satisfaire; et tantôt l'examen de la forme des facteurs, qui rendent une différentielle complète, le conduit à former des classes générales d'équations intégrales : quelquefois une propriété particulière qu'il remarque dans une équation, lui offre un moyen de séparer les indéterminées qui semblaient devoir y rester confondues; ailleurs, si une équation où elles sont séparées se dérobe aux méthodes communes, c'est en mêlant ces indéterminées qu'il parvient à connaître l'intégrale. Au premier coup d'oeil, le choix et la réussite de ces moyens peuvent sembler, en quelque sorte, appartenir au hasard; cependant, un succès si fréquent et si sûr oblige de reconnaître une autre cause, et il n'est pas toujours impossible de suivre le fil délié qui a guidé le génie. Si, par exemple, on considère la forme des substitutions employées par M. Euler, on découvrira souvent ce qui a pu lui faire prévoir que cette opération produirait l'effet dont il avait besoin; et si on examine la forme que,

dans une de ses plus belles méthodes, il suppose aux facteurs d'une équation du second ordre, on verra qu'il s'est arrêté à une de celles qui appartiennent particulièrement à cet ordre d'équations. A la vérité, cette suite d'idées qui dirige alors un analyste est moins une méthode dont il puisse développer la marche, qu'une sorte d'instinct particulier dont il serait difficile de rendre compte, et souvent il aime mieux ne pas faire l'histoire de ses pensées, que de s'exposer au soupçon d'en avoir donné un roman ingénieux, et fait après coup.

M. Euler a observé que les équations différentielles sont susceptibles de solutions particulières qui ne sont pas comprises dans la solution générale. M. Clairaut a fait aussi la même remarque: mais M. Euler a montré depuis pourquoi ces intégrales particulières étaient exclues de la solution générale ; et il est le premier qui se soit occupé de cette théorie, perfectionnée depuis par plusieurs géomètres célèbres, et dans laquelle le mémoire de M. de La Grange, sur la nature de ces intégrales et leur usage dans la solution des problèmes, n'a plus rien laissé à désirer.

Nous citerons encore une partie de ce calcul qui appartient presque en entier à M. Euler; c'est celle où l'on cherche des intégrales particulières pour une certaine valeur déterminée des inconnues que renferme l'équation; cette théorie est d'autant plus importante, que souvent l'intégrale générale se dérobe absolument à nos recherches, et que dans les problèmes où une valeur approchée de l'intégrale ne

suffit pas aux vues qu'on se propose, la connaissance de ces intégrales particulières peut suppléer à ce défaut.

En effet, on connaît alors, du moins pour certains points, la valeur rigoureuse; et cette connaissance, unie à celle d'une valeur générale approchée, doit suffire à presque tous les besoins de l'analyse.

Personne n'a fait un usage plus étendu et plus heureux des méthodes qui donnent la valeur de plus en plus approchée d'une quantité déterminée par des équations différentielles, et dont on a déjà une première valeur; et il s'est également occupé de donner un moyen direct de déduire immédiatement de l'équation même une valeur assez voisine de la vraie, pour que les puissances élevées de leur différence puissent être négligées; moyen sans lequel les méthodes d'approximation en usage parmi les géomètres ne pourraient s'étendre aux équations pour lesquelles les observations ou des considérations particulières ne donnent pas cette première valeur dont ces méthodes supposent la connaissance.

Ce que nous avons dit suffit pour montrer jusqu'à quel point M. Euler avait approfondi la nature des équations différentielles, la source des difficultés qui s'opposent à l'intégration, et la manière de les éluder ou de les vaincre; son grand ouvrage sur cet objet est non seulement un recueil précieux de méthodes neuves et étendues, c'est encore une mine féconde de découvertes, que tout homme, né avec quelque talent, ne peut parcourir sans en rapporter de riches dépouilles. L'on peut dire de cette partie

des travaux de M. Euler, comme de beaucoup d'autres, que les méthodes qu'elle renferme serviront, longtemps après lui, à résoudre des questions importantes et difficiles, et que ses ouvrages produiront encore et plus d'une découverte et plus d'une réputation.

Le calcul aux différences finies n'était presque connu que par l'ouvrage obscur, mais plein de sagacité, de Taylor: M. Euler en fit une branche importante du calcul intégral, lui donna une notation simple et commode, et sut l'appliquer avec succès à la recherche de leurs sommes, ou de l'expression de leurs termes généraux, à celle de la racine des équations déterminées, à la manière d'avoir, par un calcul facile, la valeur approchée des produits, ou des sommes indéfinies de certains

nombres.

C'est à M. D'Alembert qu'appartient réellement la découverte du calcul aux différences partielles, puisque c'est à lui qu'est due la connaissance de la forme générale de leurs intégrales; mais, dans les premiers ouvrages de M. D'Alembert, on voyait plus le résultat du calcul que le calcul lui-même; c'est à M. Euler que l'on en doit la notation; il a su se le rendre propre, en quelque manière, par la profonde théorie qui l'a conduit à résoudre un grand nombre de ces équations, à distinguer les formes des intégrales pour les différents ordres et pour les différents nombres de variables, à réduire ces équations, lorsqu'elles ont certaines formes, à des intégrations ordinaires; à donner les moyens de rappeler à ces

« PreviousContinue »