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GONTRAN.

Ah ça, mais on dirait qu'il faut qu'elle mendie!
Saprelotte, Gaston, cent mille francs et rien

Ce n'est pas même chose! En somme, votre bien
Suffit déjà pour deux, et...

GASTON.

Pour deux, je l'accorde.

Mais pour trois!... un enfant en plus ! miséricorde!
Que devenir avec une fille à doter?...

M'y voyez-vous d'ici?... Je crois, sans me vanter,
Que je serais un père excellent, mais les hommes
Sont si rats aujourd'hui, veulent de telles sommes
Pour épouser, qu'à moins d'agréer un bossu,
Tout espoir de placer mon sang sera déçu.
Pourquoi se marier, alors? - Non, ma famille
Avec moi s'éteindra; je n'aurai point de fille,
Point de petits-enfants; je vieillirai garçon,
Seul, infirme, exploité, pillé, mis à rançon
Par d'odieux neveux, par de vils domestiques,
Et je mourrai dans des désespoirs frénétiques.

GONTRAN.

C'est navrant.

GASTON.

Ah! tenez, quand je pense, mon cher,

1.

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Il décroche un stylet de la panoplie.

Qu'avec un pouce ou deux de ceci dans la chair...

GONTRAN.

Laissez donc cette lame.

GASTON.

Elle est empoisonnée ?

GONTRAN.

Non, mais d'un armurier fameux elle est signée; Vous pourriez la gâter.

GASTON.

Eh bien, avec ceci...

Il décroche un revolver

Quand je pense, Gontran, que, sans sortir d'ici,
Je pourrais lestement quitter ce pauvre monde,
Endormir ma douleur dans une paix profonde,
Et dire à ma Louise un assez doux adieu,
Rien qu'en pressant du doigt ce bout de fer...

Le coup part.

L'arme était donc chargée?...

Credieu

GONTRAN.

Il faut croire.

GASTON.

Tonnerre!

Et vous ne bougiez pas, vous? vous me laissiez faire?

GONTRAN.

L'arme ne craignait rien, et vous êtes majeur.

GASTON.

Heureusement aussi, je ne suis point rageur!
Sans cela, jour de Dieu! pour votre sang-froid bête,
Je devrais vous lâcher le reste dans la tête !
A-t-on vu!... je pouvais tout net m'estropier!...
J'étais joli garçon, moi, pour me marier,
Avec un œil de moins ou l'oreille fendue!

GONTRAN.

Vous marier?

GASTON.

La chose est-elle défendue?

Eh oui, je me marie! Et moi qui l'oubliais !...
Décidément, l'amour fait d'un homme un niais,
Un bœuf, un idiot perclus de la cervelle! -
Mon mariage en train est ma grande nouvelle ;

7

Eh bien, il a fallu ce coup de pistolet
Pour le tirer du fond de mon oubli complet!

GONTRAN.

Avec ce mariage - admirable surprise Comment arrangiez-vous vos projets sur Louise?

GASTON.

Que voulez-vous! j'en suis à ce point-là féru
Qu'avant mon dernier ban, chez Moysin j'ai couru,
Pour voir si je pouvais me résoudre à la prendre!
Si tout était compté... si l'on n'osait prétendre
A quelque indemnité d'Haïti... soit encor
A la succession Dubois, aux tonnes d'or
Que le gouvernement hollandais lui conteşte...
A la mort d'un parrain... Non, rien !-Je crois, du
Que pour elle on attend un miracle, un époux,
Un homme de courage!...

GONTRAN.

Vous ?

Enfin, qu'épousez-vous

GASTON Souriant d'aise.

Dot, un million! le double en espérance.

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