Page images
PDF
EPUB

Les faits de tout un an: Sosthène et son méche -Sosthène fut un Grec de petite lignée,

Mais de sang chaud, à qui l'on fit une saignée, Un jour qu'avec sa troupe il voulut nous braver Et j'arrive au fameux Temple, sans dériver, Sans même m'arrêter aux fières Thermopyles... Pour les forcer, sans doute il fallut être habiles!. Mais, point; je vous ai dit que je n'en dirais rier

Nous voici donc au pied du rocher Pythien!
A combien de vaillants avait coûté la vie
Ce terme inespéré d'une si longue envie,
On ne le compta plus en y dressant les yeux.
Jugez-en.

Tout le dos de ce mont sourcilleux, Où les chèvres avaient une herbe étrange à ton Comme si le soleil y fût venu se fondre, Ruisselait d'or! - Partout l'or, se réverbérant, Éclatait, et dardait son rayon fulgurant. Chapelles d'or, le long des hautes avenues! Sur leurs piédes taux d'or mille figures nues! Chars en or, dédiés par autant de cités! Membres d'or, figurant autant d'infirmités, Pendus en ex-voto! tables à sacrifices,

Armes, vases géants, et jusqu'à deux génisses

Colossales, présent d'un Indou pèlerin,

Tout ce qu'ailleurs on fait ou de marbre ou d'airain,
Tout était d'or!.. Cet or, qu'en tout pays on cache,
Ou qu'on ne laisse voir aux gens que sous la hache,
Ici, banal objet d'un prodigieux don,

Frappait moins par son prix que par son abandon.
Que pouvait donc cacher de richesses plus rares
Le Temple, qui fermait dessus des murs avares?
Voilà ce qui battait dans nos tempes en feu.
Et, pendant ce temps-là, les prêtresses du Dieu,
Qui, chez lui, gagnaient gros à faire des grimaces,
Les devins, plus visqueux et gras que des limaces,
Les hôteliers, avec femelles et petits,

Enrichis aux dépens des pieux appétits

De tant de pèlerins venus des bouts du monde,
La foule des marchands d'objets saints, troupe immonde.
Tous, barrant le courant, pleurant, s'invectivant,
Nous criaient: «O Gaulois! n'allez pas plus avant!..
Malheureux! sous vos pieds vont s'ouvrir des abîmes!
Respectez les Dieux chers aux Grecs, cœurs magnanimes!
O Gaulois! respectez les trésors de l'Archer! >>

Avec de tels propos ils pensaient nous toucher,
Nous effrayer au moins, mais ils nous faisaient rire.
Et Bolgg en belle humeur se bornait à leur dire :
<< Calmez-vous. Des trésors entassés chez vos Dieux

[ocr errors]

Ne soyez point en peine, ô Grecs dévotieux!
Grâce à nous, ils seront remis à leur adresse.
Eh! ne voyez-vous pas que, tout pleins de tend
Ces Dieux, d'un bout de l'an à l'autre, prennen
De les distribuer à l'homme en son besoin?
Nous leur épargnerons une telle fatigue.
Et, bénin, il poussait cette vivante digue;
Mais elle résistait et s'excitait, si bien
Qu'elle en vint à jouer des mains en moins de
Et qu'il se fit sur place une mêlée horrible.
Beaucoup de nos guerriers y passèrent au cribl
Et virent, ce jour-là, leurs besoins retranchés.
Les glaives, que les Grecs avaient tenus cachés,
Y mirent ordre, ainsi qu'une troupe accourue
Qui se lança sur nous du haut de la grand'rue.
Ma foi, tant pis pour ceux qui restent en chem
Un jour pareil! Le sort, envers eux inhumain,
Les condamne.

Pour nous, que sa faveur plus a Avait prédestinés, sans doute, au sac du Templ Nous n'y pûmes entrer qu'en montant sur nos Mais alors, quels plaisirs payèrent tant d'efforts D'abord, de tout casser: autels, flambeaux, stat Augures glapissants, prêtresses éperdues,

Pots et cruches sacrés!.. Tic, toc, à coups de pie

A coups de hache, allez, le sacro-saint trépied!
Et allez donc, du haut en bas des grandes arches!
Et allez donc, du haut en bas des cinq cents marches,
Le fameux Apollon, qui n'était qu'en airain!...
Et Diane, sa sœur, sur le nez, sur le rein
Sautant, rebondissant, mannequins en délire,
Et allez donc!.. C'était à se pâmer de rire.

Les Grecs, puissants menteurs, ont depuis raconté
Que le ciel, contre nous justement irrité,

Avait mis du désordre au milieu de la fête,

En nous lançant des coups de foudre sur la tête,
Et que des Dieux plus forts, vengeurs des Delphiens,
Nous avaient du parvis chassés comme des chiens.
De même des Romains la vaine gloriole

Nie aujourd'hui l'affront fait à leur Capitole ;
Nos pères, en dépit de l'oie au cri goulu,

Y sont restés, pourtant, tout comme ils ont voulu;
Nous, dignes écoliers de leur superbe exemple,
Nous n'avons pas quitté moins librement le Temple;
Et, tant que les bons vins aux prêtres réservés,
Tant que les saints jambons avec eux encavés,
Tant que le benoit miel et la dive farine
Ont pu fournir au four qu'on a sous la narine,
Nous n'avons pas lâché la place d'un moment.

Le retour, j'en conviens, s'est fait moins plaisam

Le temps avait changé. Quand le froid vous h
Marcher, la pique au dos et les mains à l'aisselle
Ce n'est pas drôle. Et quand, au fond noyé d'un
Malade, il faut vingt fois descendre de cheval
Pour soulager son ventre, ou pousser à la roue
Des chariots, versés à moitié dans la boue,
C'est triste. Chacun sait le mot habituel
Du Gaulois : Je ne crains que la chute du ciel!...
Il la craint avant tout quand le ciel tombe en pl
Nous voilà donc marchant; il pleut et l'on s'enn
La nuit vient. Pour camper, nous n'avons pas le
Montagne à droite, à gauche, et, par dessus, les
On reste là, le feu s'allume, on fait la soupe.
Mais, paf!.. Voici quelqu'un qui n'est pas de la t
Qui s'invite; l'intrus est un quartier de roc.
Cuisine et cuisiniers sont écrasés du choc.
A d'autres!.. Les suivants ont pareille visite:
Paf! pouf!.. A décamper personne alors n'hésit
Et nous recommençons à marcher, ventre creux
Et les rocs à nous suivre; importuns, mais nom
Tant et si bien que Bolgg, n'ayant dans ses cam
Vu jamais si souvent accoucher les montagnes,
Soupçonne à celles-ci des enfants supposés.
Il lance en éclaireurs quelques garçons osés,

« PreviousContinue »