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le pontificat, et qui avait été sur le point de rétablir la république romaine. Arnaud est brûlé à Rome comme un hérétique, et comme un républicain que deux souverains prétendants au despotisme s'immolaient.

Le pape va au devant de l'empereur, qui devait, selon le nouveau cérémonial, lui baiser les pieds, lui tenir l'étrier, et conduire sa háquenée blanche l'espace de neuf pas romains. L'empereur ne faisait point de difficulté de baiser les pieds, mais il ne voulait point de la bride. Alors les cardinaux s'enfuient dans Citta-di-Castello, comme si Frédéric-Barberousse avait donné le signal d'une guerre civile. On lui fit voir que Lothaire II avait accepté ce cérémonial d'humilité chrétienne; il s'y soumit enfin; et comme il se trompait d'étrier, il dit qu'il n'avait point appris le métier de palefrenier. C'était en effet un grand triomphe pour l'Eglise de voir un empereur servir de palefrenier à un mendiant, fils d'un mendiant, devenu évêqué de cette Rome, où cet empereur devait commander.

Les députés du peuple romain, devenus aussi plus hardis depuis que tant de villes d'Italie avaient sonné le tocsin de la liberté, viennent dire à Frédéric: „Nous vous avons fait notre citoyen et notre prince, d'étranger que vous étiez, etc" Frédéric leur impose le silence, et leur dit Charlemagne et Othon vous ont conquis; je suis votre maître, etc..

Frédéric est sacré empereur le 18 juin dans Saint-Pierre.

On savait si peu ce que c'était que l'Empire, toutes le prétentions étaient si contra dictoires, que d'un côté le peuple romain se souleva, et il y eut beaucoup de sang versé, parce que le pape avait couronné l'empereur sans l'ordre du sénat et du peuple; et de l'autre côté le pape Adrien écrivait dans toutes ses lettres qu'il avait conféré à Frédéric le bénefice de l'empire romain, be neficium imperii romani. Ce mot de beneficium signifiait un fief alors.

Il fit de plus exposer en public un tableau qui représentait Lothaire II aux geneux du pape Alexandre II, tenant les mains jointes entre celles du pontife; ce qui était la marque distinctive de la vassalité. L'inscription du tableau était

Rex venit ante fores jarans prius urbis honores; Post homo fit papæ, sumit quo dante coronam.

Le roi jure à la porte le maintien des honneurs de Rome, devient vassal du pape, qui lui donne la couronne.

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(1156) On voit déjà Frédéric fort puissant en Allemagne; car il fait condamner le comte palatin du Rhin à son retour dans une diète pour des malversations. La peine était, selon l'ancienne loi de Souabe, de porter un chien sur les épaules un mille d'Allemagne. L'archevêque de Mayence est condamné à la même peine ridicule. On la

leur épargne. L'empereur fait détruire plusieurs petits châteaux de brigands. Il épouse à Wurtzbourg la fille d'un comte de Bourgogne, c'est-à-dire, de la Franche-Comté, et devient par là seigneur direct de cette comté relevant de l'Empire.

Le comte son beau-père, nommé Renaud, ayant obtenu de grandes immunités en faveur de ce mariage, s'intitula le comte-franc; et c'est de là qu'est venu le nom de FrancheComté.

Les Polonais refusent de payer leur tribut, qui était alors fixé à cinq cents marcs d'argent. Frédéric marche vers la Pologne. Le duc de Pologne donne son frère en otage, et se soumet au tribut, dont il paye les ar

rérages.

Frédéric passe à Besançon, devenu son domaine; il y reçoit des légats du pape avec les ambassadeurs de presque tous les princes. Il se plaint avec hauteur à ces légats du terme de bénéfice dont la cour de Rome usait en parlant de l'Empire, et du tableau où Lothaire Il était représenté comme vassal du saint-siège. Sa gloire et sa puissance, ainsi que son droit, justifient cette hauteur. Un legat ayant dit: Si l'empereur ne tient pas l'Empire du pape, de qui le tient-il done?" Le comte palatin, pour réponse, veut tuer les légats. L'empereur les renvoie à Rome.

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Les droits régaliens sont confirmés à l'archevêque de Lyon, reconnu par l'empereur

pour primat des Gaules. La juridiction de l'archevêque est, par cet acte mémorable, étendue sur tous le fiefs de la Savoie. L'original de ce diplôme subsiste encore. Le

sceau est dans une petite bulle ou boìte d'or. C'est de cette manière de sceller que le nom de bulle a été donné aux constitutions.

(1158) L'empereur accorde le titre de roi au duc de Bohême Uladislas sa vie durant. Les empereurs donnaient alors des titres à vie, même celui de monarque; et on était roi par la grâce de l'empereur, sans que la province dont on devenait roi fût un royaume de sorte que l'on voit dans les commencements, tantôt des rois, tantôt des ducs de Hongrie, de Pologne, de Bohême.

Il passe en Italie: d'abord le comte palatin et le chancelier de l'empereur, qu'il ne faut pas confondre avec le chancelier de l'Empire, vont recevoir les serments de plusieurs villes; ces serments étaient conçus en ces termes: „Je jure d'être toujours fidèle à mon-seigneur l'empereur Frédéric contre tous ses ennemis, etc. Comme il était brouillé alors avec le pape à cause de l'aventure des légats à Besançon, il semblait que ces serments fussent exigés contre le saintsiège.

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Il ne paraît pas que les papes fussent alors souverains des terres données par Pepin, par Charlemagne et par Othon Ier. Les commissaires de l'empereur. exercent tous les

droits de la souveraineté dans la Marche d'Ancône.

Adrien IV envoie de nouveaux légats à l'empereur dans Augsbourg, où il assemble son armée. Frédéric marche à Milan. Cette ville était déjà la plus puissante de la Lombardie; et Pavie et Ravenne étaient peu de chose en comparaison: elle s'était rendue libre dès le temps de l'empereur Henri V; la fertilité de son territoire, et surtout sa liberté, l'avaient enrichie.

A l'approche de l'empereur elle envoie offrir de l'argent pour garder sa liberté; mais Frédéric veut l'argent et la sujétion. La ville est assiégée et se défend; bientôt ses consuls capitulent: on leur ôte le droit de battre monnaie et tous les droits régaliens. On condamne les Milanais à bâtir un palais pour l'empereur, à payer neuf mille marcs d'argent. Tous les habitants font serment de fidélité. Milan, sans duc et sans comte, fut gouvernée en ville sujette.

Frédéric fait commencer à. bâtir le nouveau Lodi sur la rivière d'Adda; il donne de nouvelles lois en Italie, et commence par ordonner que toute ville qui transgressera ces lois paiera cent marés d'or; un marquis, cinquante; un comte, quarante, et un seigneur châtelain, vingt. If ordonne qu'aucun fief ne pourra se partager; et comme les vassaux, en prêtant hommage aux seigneurs des grands fiefs, leur juraient de les servir indistinctement envers et contre tous, il orVoltaire. Tom. II.

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