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allemands, quand ils avaient commis des crimes, de porter un chien l'espace d'une lieue. Cette grossièreté digne de ce temps-la, n'ôte rien à la grandeur du courage. Il est vrai que les Hongrois viennent faire plus de dégât que le tribut n'eût coûté: mais enfin ils sont repoussés et vaincus.

Alors il fait fortifier des villes pour tenir en bride les barbares. Il lève le neuvième homme dans quelques provinces, et les met en garnison dans ces villes. Il exerce la noblesse par des joûtes et des espèces de tournois: il en fait un, à ce qu'on dit, où près de mille gentilshommes entrent en lice. Ces tournois avaient été inventés en Italie par les rois lombards, et s'appelaient battagliole.

Ayant pourvu à la défense de l'Allemagne, il veut enfin passer en Italie, à l'exemple de ses prédécesseurs, pour avoir la couronne impériale.

Les troubles et les scandales de Rome étaient augmentés. Marozie, fille de Théodora, avait placé sur la chaire de SaintPierre le jeune Jean XI, né de son adultère avec Sergius III, et gouvernait l'Église sous le nom de son fils. Les vicaires de Jésus étaient alors les plus scandaleux et les plus impies de tous les hommes: mais l'ignorance des peuples était si profonde, leur imbécillité si grande, leur superstition si enracinée, qu'on respectait toujours la place quand la personne était en horreur. Quelques tyrans

qui accablassent l'Italie, les Allemands étaient ce que Rome haïssait le plus.

Henri-l'Oiseleur, comptant sur ses forces, crut profiter de ces troubles; mais il mourut en chemin dans la Thuringue, en 936. On ne l'a appelé empereur que parce qu'il avait eu envie de l'être, et l'usage de le nommer ainsi a prévalu.

OTHON Ier, SURNOMMÉ LE GRAND,

DOUZIÈME Empereur.

(936) Voici enfin un empereur véritable. Les ducs et les comtes, les évèques, les abbés, et tous les seigneurs puissants qui se trouvent à Aix-la-Chapelle, élisent Othon, fils de Henri-l'Oiseleur. Il n'est pas dit que les députés des bourgs aient donné leur voix. Il se peut faire que les grands seigneurs, devenus plus puissants sous Henri-l'Oiseleur, leur eussent ravi ce droit naturel: il se peut encore que les communes, à l'élection de Henri-l'Oiseleur, eussent donné leurs acclamations et non pas leurs suffrages; et c'est ce qui est plus vraisemblable.

L'archevêque de Mayence annonce au peuple cette élection, le sacre, et lui met la couronne sur la tête. Ce qu'on peut remarquer, c'est que les prélats dînent à la table de l'empereur, et que les ducs de Franconie, de Souabe, de Bavière et de Lorraine, servirent à table: le duc de Franconie, par exemple, en qualité de maître d'hôtel, et le duc de Souabe en qualité d'échanson.

Cette cérémonie se fit dans une galerie de bois, au milieu des ruines d'Aix-la-Chapelle brûlée par les Huns, et non encore rebâtie.

Les Huns et les Hongrois viennent encore troubler la fête. Il s'avancent j'usqu'en Westphalie, mais on les repousse.

(937) La Bohême était alors entièrement barbare, et à moitié chrétienne. Heureusement pour Othon, elle est troublée par des guerres civiles. II en profite aussitôt. Il

rend la Bohême tributaire de la Germanie, et y rétablit le christianisme.

(938, 939 et 940) Othon tâche de se rendre despotique, et les seigneurs des grands fiefs, de se rendre indépendants. Cette grande querelle, tantôt ouverte, tantôt cachée, subsiste dans les esprits depuis plus de huit cents années, ainsi que la querelle de Rome et de l'Empire.

Cette lutte du pouvoir royal qui veut toujours croître, et de la liberté qui ne veut point céder, a long-temps agité toute l'Europe chrétienne. Elle subsista en Espagne tant que les chrétiens y eurent les Maures à combattre; après quoi l'autorité souveraine prit le dessus. C'est ce qui troubla la France jusqu'au milieu du règne de Louis XI; ce qui a enfin établi en Angleterre le gouvernement mixte auquel elle doit sa grandeur, ce qui a cimenté en Pologne la liberté du noble et l'esclavage du peuple. Ce même esprit a troublé la Suède et le Danemark, a fondé les républiques de Suisse et

de Hollande. La même cause a produit partout différents effets. Mais dans les plus grands états la nation a presque toujours été sacrifiée aux intérêts d'un seul homme ou de quelques hommes; la raison en est que la multitude, obligée de travailler pour gagner sa vie, n'a ni le temps ni le pouvoir d'être ambitieuse.

Le duc de Bavière refuse de faire hommage. Othon entre en Bavière avec une armée. Il réduit le duc à quelques terres allodiales. Il crée un des frères du duc, comte palatin en Bavière, et un autre, comte palatin vers le Rhin. Cette dignité de comte palatin est renouvelée des comtes du palais des empereurs romains, et des comtes du palais des rois francs.

Il donne la même dignité à un duc de Franconie. Ces palatins sont d'abord des juges suprêmes. Ils jugent en dernier ressort au nom de l'empereur. Ce ressort suprême de justice est, après une armée, le plus grand appui de la souveraineté.

Othon dispose à son gré des dignités et des terres. Le premier marquis de Brandebourg étant mort sans enfant, il donne le marquisat à un comte Gérard, qui n'était point parent du mort.

Plus Othon affecte le pouvoir absolu, plus les seigneurs des grands fiefs s'y opposent: et dès lors s'établit la coutume d'avoir recours à la France pour soutenir le gouver

nement féodal en Germanie contre l'autorité des rois allemands.

Les ducs de Franconie, de Lorraine, le prince de Brunswick s'adressent à Louisd'Outremer, roi de France. Louis-d'Outremer entre dans la Lorraine et dans l'Alsace, se joint aux alliés. Othon prévient le roi de France; il défait vers le Rhin, auprès de Brisach, les ducs de Franconie et de Lorraine qui sont tués.

Il ôte le titre de palatin à la maison de Franconie; il en pourvoit la maison de Bavière: il attache à ce titre des terres et des châteaux. C'est de là que se forme le palatinat du Rhin d'aujourd'hui. C'était d'abord un juge, à présent c'est un prince électeur, un souverain. Le contraire est arrivé en France.

(941) Comme les seigneurs des grands fiefs germains avaient appelé le roi de France à leur secours, les seigneurs de France appellent pareillement Othon. Il poursuit Louis-d'Outremer dans toute la Champagne : mais des conspirations le rapellent en Alle

magne.

(942, 943 et 944) Le despotisme d'Othon aliénait tellement les esprits, que son propre frère Henri, duc dans une partie de la Lorraine, s'était uni avec plusieurs seigneurs pour lui ôter le trône et la vie. Il repasse donc en Allemangne, étouffe la conspiration, et pardonne à son frère, qui apparemment était assez puissant pour se faire pardonner.

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