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donne que dans ces serments on excepte toujours l'empereur; loi sagement contraire aux coutumes féodales de France, par lesquelles un vassal était obligé de servir son seigneur en guerre contre le roi; ce qui était, comme nous l'avons dit ailleurs, une jurisprudence de guerres civiles.

Les Génois et les Pisans avaient depuis long-temps enlevé la Corse et la Sardaigne aux Sarrazins, et s'en disputaient encore la possession, c'est une preuve qu'ils étaient très-puissants; mais Frédéric, plus puissant qu'eux, envoie des commissaires dans ces deux villes; et parce que les Génois le traversent, il leur fait payer une amende de miile marcs d'argent, et les empêche de continuer à fortifier Gênes.

Il remet l'ordre dans les fiefs de la comtesse Mathilde, dont les papes ne possédaient rien i les donne à un Guelfe, cousin du duc de Saxe et de Bavière. On oublie le neveu de cette comtesse, fils de l'empereur Conrad, lequel avait des droits surs ce fiefs. En ce temps l'université de Bologne, la première de toutes les universités de l'Europe, commençait à s'établir, et l'empereur lui donne des privilèges.

(1159) Frédéric ler commençait à être plus maître en Italie que Charlemagne et Othon ne l'avaient été: il affaiblit le pape en soutenant les prérogatives des sénateurs de Rome, et encore plus en mettant des troupes en quartier d'hiver dans ses terres.

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Adrien IV, pour mieux conserver le temporel, attaque Frédéric-Barberousse sur le spirituel. Il ne s'agit plus des investitures par un bâton courbé ou droit, mais du serment que les évêques prêtent à l'empereur; il traite cette cérémonie de sacrilège et cependant sous main il excite les peuples.

Les Milanais prennent cette occasion de recouvrer un peu de liberté. Frédéric les fait déclarer déserteurs et ennemis de l'Empire; et par l'arrêt leurs biens sont livrés au, pillage, et leurs personnes à l'esclavage; arrêt qui ressemble plutôt à un ordre d'Attila qu'à une constitution d'un empereur

chrétien.

Adrien IV saisit ce temps de troubles pour Tedemander tous les fiefs de la comtesse Mathilde, le duché de Spolète, la Sardaigne et la Corse. L'empereur ne lui donne rien; il assiège Crême, qui avait pris le parti de Milan, prend Crême et la pille. Milan res pira, et jouit quelque temps du bonheur de-、 devoir sa liberté à son courage.

(1160) Après la mort du pape Adrien IV, les cardinaux se partagent; la moitié élit le cardinal Roland qui prend le nom d'Alexandre III, ennemi déclaré de l'empereur: l'autre choisit Octavien, son partisan, qui s'appelle Victor. Frédéric-Barberousse, usant de ses droits d'empereur, indique un concile à Pavie pour juger entre les deux compétiteurs. Alexandre refuse, de reconnaître ce concile, Victor s'y présente; le concile juge

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en sa faveur; l'empereur lui baise les pieds, et conduit son cheval comme celui d'Adrien. Il se soumettait à cette étrange cérémonie pour être réellement le maître.

Alexandre III, retiré dans Anagni, excommunie l'empereur, et absout ses sujets du serment de fidélité. On voit bien que le pape comptait sur le secours des rois de Naples et de Sicile. Jamais un pape n'excommunia un roi sans avoir un prince tout prêt à soutenir par les armes cette hardiesse ecclésiastique; le pape comptait sur le roi de Naples, et sur les plus grandes villes d'Italie.

(1161) Les Milanais profitent de ces divisions; ils osent attaquer l'armée impériale à Carentia, à quelques milles de Lodi, et remportent une grande victoire. Si les autres villes d'Italie avaient secondé Milan, c'était le moment pour délivrer à jamais ce beau pays du joug étranger.

(1162) L'empereur rétablit son armée et ses affaires: les Milanais bloqués manquent de vivres; ils capitulent. Les consuls et huit chevaliers, chacun l'épée nue à la main, viennent mettre leurs épées aux pieds de l'empereur à Lodi. L'empereur révoque l'arrêt qui, condamnait les citoyens à la servitude, et qui livrait leur ville au pillage (27 mars); mais à peine y est-il entré qu'il fait démolir les portes, les remparts, tous les édifices publics, et on sèmel du sel sur leurs ruines, selon l'ancien pré

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jugé, très-faux, que le sel est l'emblème de la stérilité. Les Huns, les Goths, les Lombards n'avaient pas ainsi traité l'Italie.

Les Génois, qui se prétendaint libres, viennent prêter serment de fidélité; et en protestant qu'ils ne donneront point de tribut annuel, ils donnent mille deux cents marcs d'argent; ils promettent d'équiper une flotte pour aider l'empereur à conquérir la Sicile et la Pouille: et Frédéric leur donne en fief ce qu'on appelle la rivière de Gênes, depuis Monaco jusqu'à Porto-Venère.

Il marche à Boulogne, qui était confédérée avec Milan; il y protège les collèges, et fait démanteler les murailles: tout se sou met à sa puissance.

Pendant ce temps l'Empire fait des con quêtes dans le nord; le duc de Saxe s'empare du Mecklenbourg, pays de Vandales, et y transplante des colonies d'Allemands.

Pour rendre le triomphe de Frédéric-Barberousse complet, le pape Alexandre III, son ennemi, fuit de l'Italie, et se retire en France. Frédéric va à Besançon pour intimider le roi de France, et le détacher du parti d'Alexandre.

C'est dans ce temps de sa puissance qu'il somme les rois de Danemark, de Bohême et de Hongrie de venir à ses ordres donner leurs voix dans une diète contre un pape.. Le roi de Danemark, Valdemar Ier, obéit; il se rendit à Besançon. On dit qu'il n'y fit serment de fidélité que pour le reste de

la Vandalie, qu'on abandonnait à ses conquêtes d'autres disent qu'il renouvela l'hommage pour le Danemark: s'il est ainsi, c'est le dernier roi de Danemark qui ait fait hommage de son royaume à l'Empire; et cette année 1162 devient par là une grande époque.

(1163) L'empereur va à Mayence, dont le peuple, excité par des moines, avait massacré l'archevêque. Il fit raser les murailles de la ville; elles ne furent rétablies que long-temps après.

(1163) Erfort, capitale de la Thuringe, ville dont les archevêques de Mayence ont prétendu la seigneurie depuis Othon IV, est ceinte de murailles, dans le temps qu'on détruit celles de Mayence.

Établissement de la société des villes anséatiques. Cette union avait commencé par Hambourg et Lubeck, qui faisaient quelque négoce à l'exemple des villes maritimes de l'Italie, Elles se rendirent bientôt utiles et puissantes, en fournissant du moins le nécessaire au nord de l'Allemagne; et depuis, lorsque Lubeck, qui appartenait au fameux Henri-le-Lion, et qu'il fortifia, fut déclarée ville impériale par Frédéric-Barberousse, et fut la première des villes maritimes, lorsqu'elle eut le droit de battre monnaie. Cette monnaie fut la meilleure de toutes, dans ces pays où l'on n'en avait frappé jusqu'alors qu'à un très-bas titre. De là vient, à ce qu'on a cru, l'argent esterling; de lá vient

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