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qui étaient attachés à la personne du prince Minièh: l'un d'eux est assez bien proportionné dans sa petitesse, mais l'autre joint à l'exiguïté de la taille l'avantage d'être pied-bot.

» Le Ciel égyptien n'échappait pas plus que les Pharaons à la manie courante et contenait plusieurs nains dont deux au moins avaient un rôle important, Bisa qui présidait aux armes et à la toilette, et le Phtah qu'on a longtemps appelé sans raison le Phtah embryonnaire...

» Peut-être Khnoumhotpou joignait-il à sa fonction d'intendant de la garde-robe la charge de bouffon de cour; peut-être était-il de haute naissance et préservé par son origine des ennuis auxquels leur difformité exposait les nains de basse extraction1».

Tel est encore le nain qui figure au premier plan du tableau de Deveria, la naissance de Henri IV, au musée du Louvre, et ceux que l'on voit dans les tableaux de Raphaël, Mantegna 3, Véronèse, le Dominiquin 5, Velasquez, J. Stradan... etc.

Le plus connu de tous, Bébé, le nain du roi

1. Hist. de Constantin.

2. Monuments de l'art antique,. publiés sous la direction dé M. O. Rayet, 30 livr. pl. XIV. Paris, Quantin, éditeur.

3. Triomphe de César, à Hampton Court.

4. Musée du Louvre.

5. Suite de l'empereur Othon à Grotta Ferrata.

de Pologne, dont la statue en cire se trouve au musée Orfila, de l'École de Médecine de Paris, ne fait pas exception à la règle commune. Son squelette que l'on voit dans l'une des collections anatomiques du muséum d'histoire naturelle offre un crâne avec une saillie considérable à la région frontale et sa colonne vertébrale présente deux courbures très marquées. De plus le nez, à en juger par l'épine nasale, devait être épaté et fort long, enfin ses orteils atteignent des dimensions qui lui faisaient des pieds tout à fait disproportionnés.

Il y a loin de là à la petite personne aux traits réguliers que nous a présenté le modeleur! Mais nous aurons occasion de revenir plus en détail sur cet intéressant personnage.

En général les nains sont laids, et lorsqu'on les dépouille des riches oripeaux dont on les couvre, ils ne donnent guère que le spectacle d'êtres rabougris, disgracieux, au dos et aux membres tors, assez souvent muets, infirmité qui d'ailleurs les faisait rechercher et payer fort cher par les sultans.

L'époque de la plus grande floraison des nains est celle du Bas-Empire, et si on en trouvait une si grande quantité, c'est qu'à ce moment l'art venait en aide à la nature, car on les fabriquait.

Plusieurs procédés étaient en usage:

FABRICATION DES NAINS

Aussitôt après la naissance, on donnait à l'enfant une nourriture appropriée, ou pour mieux dire insuffisante: il ne fallait pas longtemps pour qu'il devint rachitique, ou pour nous servir d'une expression technique, atrepsié. « C'était donc, dit le Dr Martin, une désuétude artificielle qu'on amenait progressivement. »

D'autres fois, d'après le témoignage de Longin', on employait, pour les empêcher de grandir, un moyen atroce et qui ajoutait aux misères de ces pauvres êtres, déjà si malheureux cependant... << De même que ces boîtes où l'on enferme les Pygmées, vulgairement appelés nains, les empêchent non seulement de grandir, mais les rendent même plus petits par le moyen de cette bande dont on les entoure par tout le corps, ainsi la servitude, je dis la servitude le plus justement établie, est une espèce de prison où l'âme se rapetisse en quelque sorte. »

En Italie, à l'époque de la renaissance, la tradition du Bas-Empire fut renouée : les familles riches possédaient toutes un nain et la passion des grands pour un être microscopique fut poussée à un tel point que l'on chercha à s'en

1. Longin, Traité du sublime, cap. XLIII.

procurer artificiellement, non pas comme autrefois en empêchant les enfants de grandir par des moyens mécaniques que nous avons signalés plus haut, mais à l'aide de certains onguents.

Quelque invraisemblable que cela paraisse, Garnier en a trouvé la preuve dans un recueil scientifique du XVIIe siècle, recueil grave, sérieux et auquel les plus célèbres médecins de l'époque envoyaient leurs observations 1.

<< Notre esculape de Prague, qui heureusement vit encore, le docteur Joannes Marcus Marci à Kronland, philosophe mathématicien et médecin des plus célèbres, entre autres sujets dont il m'entretint à son retour d'Italie, me raconta qu'il avait été consulté par un religieux (a viro religioso), afin de savoir si le moyen dont on se servait pour faire des nains était naturel ou inventé par le démon, ennemi du genre humain, afin d'avilir ainsi la figure humaine. Il connaissait, en effet, un pauvre homme, qui avait coutume, jour même de la naissance de ses enfants, de leur enduire l'épine dorsale et les articulations d'un certain onguent dont il avait la recette; il répétait cette opération jusqu'à ce que la moelle

le

1. Wenceslas Dobrensky di Negroporite, observ. LXXIX, artificialis Pygmæorum efformatio, in Miscellanæa curiosa medico physica academiæ naturæ curiosorum, etc., Lipsiæ, anno 1670, pet. in-4o cité par Garnier, Nains et géants, p. 107.

épinière fut desséchée et les linéaments assez durcis pour empêcher la croissance; de cette façon les enfants restaient nains et en les offrant gracieusement aux grands seigneurs, il se conciliait leurs bonnes grâces en même temps qu'il y trouvait un grand profit. Cet onguent était composé, disait-il, d'un triple mélange de la graisse des plus petits animaux de la création, tels que les loirs, les chauves-souris, les taupes, etc... »

Il ne faut pas oublier non plus la version que Marco Polo donnait de la fabrication des nains; il semble avoir honte à considérer ces petits êtres comme appartenant au même titre que lui à la nature humaine. Il ne voit en eux qu'une sorte de fac-simile obtenu par l'habileté d'un fabri

cant.

<«< Je veux aussi vous prévenir que ces petits hommes de l'Inde qu'on fait voir n'en sont nullement; mais on les fait dans ce pays (l'île de Sumatra, qu'il désigne sous le nom d'île de Java la petite), et voici comment: il y a en cette île une espèce de singes moult petits et ayant le visage de l'homme. On les prend et on les pelle tout entiers, en ne leur laissant de poils que pour la barbe et la poitrine, puis on les fait sécher et on les prépare avec du camphre ou autre chose, de sorte qu'on les fait passer pour des petits hom1. É. Charton. Les voyageurs anciens et modernes, t. II.

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