Page images
PDF
EPUB

d'assez bonne heure, les oiseaux étaient dénichés. Heureusement, la femme était une de celles. que j'avais vues la veille... La mère des enfants était cachée dans la hutte près de laquelle ils se trouvaient blottis. Mes Ashangos l'appelèrent en lui disant de ne pas s'effrayer. On m'apprit alors qu'elle avait perdu son mari quelques jours auparavant, quand elle habitait encore le village abandonné que j'avais trouvé sur mon chemin. Elle avait sur le front une large raie d'ocre jaune. Je donnai quelques perles à la pauvre femme et je m'en allai.

» A ma visite suivante, je trouvai le village complètement désert; pas plus de femmes cette fois que d'hommes, ou du moins les femmes en nous entendant venir, étaient allées se blottir au fond de leurs cabanes. Quand j'entrai dans le village on n'entendait pas le moindre bruit; des branchages étaient placés au seuil de toutes les cabanes pour nous faire croire que les habitants étaient tous allés dans les bois. Mon guide Ashango se mit alors à crier: « Nous avons des perles à vous donner, où êtes-vous?» Pas une voix, pas un souffle ne répondit. Il n'y avait pas cependant à s'y méprendre puisque nous avions vu de loin les femmes courir aux huttes. Je me dirigeai donc vers celle de la vieille que je connaissais déjà, j'écartai les branchages et appelai. Pas de ré

ponse. L'obscurité était si épaisse à l'intérieur que je ne pouvais rien voir. J'entrai et je trébuchai sur la vieille... Se voyant découverte, elle se hâta de sortir, en prétendant qu'elle dormait profondément et que je l'avais réveillée. Puis elle appela les autres femmes : « Ce n'était pas, leur dit-elle, un léopard qui devait les manger, mais elles ne devaient pas s'effrayer. »

» Je fis plusieurs visites successives à ce village et parvins à mesurer cinq femmes: une seule me laissa prendre mesure de son visage. Cette opération ne fut pas possible avec les autres. Je voulais d'abord, pour calmer leurs frayeurs, mesurer devant elles un de mes guides Ashangos, mais celui-ci s'y refusa avec presque autant de crainte que les femmes. La moyenne de la taille des femmes que j'ai mesurées est de quatre pieds cinq pouces anglais (1TM34.)

>> La couleur de ces Obongos est d'un jaune sale leurs yeux ont une expression farouche dont je fus vivement frappé. Leur extérieur, leur mine, leur couleur, leurs habitations, tout chez eux diffère essentiellement des Ashangos au milieu desquels ils vivent. Ces derniers, du reste, ont grand soin de renier toute parenté avec eux. Il ne se conclut pas de mariage entre les deux tribus. Mais il est certain que les Obongos se marient entre eux, les frères avec les sœurs, pour

conserver leur race autant que possible. Leur petit nombre et l'isolement dans lequel ces pauvres créatures sont condamnées à vivre légitiment ces unions consanguines, mais, en même temps, par un entraînement fatal, cette obligation qui leur est imposée par leur situation devient la cause de leur dégénérescence physique.

>> Les Obongos sont doués d'une dextérité remarquable pour prendre les bêtes fauves au piège el pour pêcher dans les rivières. Ils vendent à leurs voisins le gibier et le poisson qui excèdent leur consommation personnelle et reçoivent en échange des bananes, des outils de fer, des ustensiles de cuisine et tous les articles fabriqués et ouvragés dont ils ont besoin. La forêt qui avoisine leurs villages est pleine de trappes et de traquenards; aussi est-il fort dangereux de s'y aventurer; dans les sentiers mêmes, il y avait une trappe pour les léopards, les cochons sauvages et les antilopes.

>> Les Obongos sont un peuple essentiellement nomade qui se transporte d'un endroit à un autre à mesure que le gibier devient rare. Pourtant ils ne s'aventurent pas très loin et ne franchissent pas le territoire d'Ashango. On les appelle les Obongos d'Ashango comme ceux qui demeurent au milieu des N'javis s'appellent les Obongos N'javis; de même pour les autres tribus. On dit

qu'il y a des Obongos à l'Est, aussi loin que s'étendent les connaissances géographiques des Ashangos. Pareille aux bohémiens d'Europe, cette race se distingue toujours des populations parmi lesquelles elle campe, bien qu'elle soit toujours confinée entre les mêmes limites pendant une suite de générations. Les Obongos ne font pas de plantations; leur nourriture végétale dépend de ce qu'ils trouvent dans les bois; racines, baies, noix ou fruits sauvages. Mais leur appétit pour la nourriture animale est plutôt d'une bête carnassière que d'une créature humaine. Un jour, une vieille femme, dont j'avais gagné le cœur par des cadeaux de perles, se décida à venir à Niembouai sur la simple promesse que je lui fis de lui donner un os de chèvre; je lui avais demandé si elle avait faim et sans me répondre elle avait exhalé un souffle profond de son estomac pour me faire comprendre qu'il était vide... »

Sans vouloir entrer dans de plus longs détails sur ces races d'hommes il faut cependant rappeler la relation très complète que le Docteur G. Schweinfurth a donné de son voyage en Afrique sur la petite nation des Akkas.

1

1. G. Schweinfurth, Au cœur de l'Afrique (1868-'871), voyages et découvertes dans les régions inexplorées de l'Afrique centrale, trad. par Mme H. Loreau. Paris, 1875.

Akkas

« Les Akkas semblent appartenir à une série de peuples nains qui offrent tous les caractères d'une race aborigène, et qui, sous l'équateur, se rencontrent d'un village à l'autre. Ce ne sont pas des Pygmées dans le sens de l'ancien mythe; pas davantage des nains difformes pareils à ceux qu'on exhibe chez nous pour de l'argent. Tous les voyageurs qui se sont dirigés vers le centre de l'Afrique ont reçu de nombreux témoignages relatifs à l'existence de ces petits peuples.

» La couleur des Akkas est d'un brun mat assez clair, celui de café brûlé... Entre les Akkas et les Mombouttous leurs voisins immédiats, il y a peu de différence quant à la couleur de la peau : je peux dire toutefois qu'en général les Akkas ont le teint un peu terne. Tous ceux que j'ai vus avaient peu de barbe et la chevelure courte et laineuse. Sous le rapport de la teinture, leurs cheveux peuvent être comparés à la filasse d'un vieux câble; et pour la couleur, ils sont à peu près de la même nuance que celle de la peau... D'après les spécimens que j'ai eus sous les yeux et parmi lesquels mon petit Nsévoué, je le répète, un des types les plus purs de la race, les Akkas ont la tête grosse et hors de proportion avec le cou

« PreviousContinue »