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bouffons destinés à grandir se reconnaissent comme le semeur lui-même au fameux bonnet, avec cette différence qu'ici les pointes en sont droites et semblables à des oreilles d'âne. Quant au costume c'était une jaquette découpée à angles aigus, sur laquelle ils portaient le plus souvent une épée de bois dorée et parfois une vessie de porc gonflée renfermant une poignée de pois secs et suspendue à l'extrémité d'une baguette.

La couleur du vêtement n'était pas non plus indifférente. Ce costume était bariolé de jaune et de vert ces deux couleurs n'ont jamais eu, surtout au moyen âge, une excellente renommée... « Cet habit estoit fait par bandes de serge, moitié de couleur verte et l'autre de jaune et là, où il y avait des bandes jaunes, il y avait des passements verts et sur les vertes des passements jaunes. Entre les bandes il y avait aussi du taffetas jaune et vert qui estoit cousu entre lesdites bandes et passements. Les bas de chausses cousus avec le haut estoient l'un tout de serge verte et l'autre de jaune, et un bonnet aussi moité de jaune et de vert avec les oreilles........... »

Il arrivait parfois que le rouge remplaçait le vert ou que le costume tout entier était rouge, ou encore que les trois couleurs se mariaient de façon à former un costume tricolore, mais il semble que ce soit par exception.

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Également est exception le costume de Triboulet, que nous décrit le bibliophile Jacob'. Le costume de fou royal n'était pas moins bizarre que le personnage qui le portait: selon son emploi secret de procureur des plaisirs du roi, il adoptait les couleurs de la maîtresse en titre, et s'habillait de même que son maître, à la forme des habits près, Triboulet avait un justaucorps de soie bleu et blanc, si serré, qu'il faisait ressortir les difformités du corps, de manière à exciter le rire des spectateurs : il portait au dos les armes de France, argent et or, ces mêmes armes étaient répétées à droite et à gauche de ses chausses, pareillement bleues et blanches, ainsi que sur son bonnet en cône allongé; sa ceinture de cuir doré à laquelle pendaient une marrotte, une épée de bois et une cornemuse, était le symbole de ses attributions joviales et satiriques. Une autre distinction de son état, c'était les grelots d'argent qui ornaient sa coiffure, sa marotte et ses souliers de maroquin à la poulaine; il ne pouvait faire un pas ou un mouvement, sans que tous ces grelots sonnassent de concert, avec plus de bruit que n'eussent fait dix mulets allant le trot..... » D'après les comptes de l'argentier de Charles IX, il avait été fourni à Brusquet des chausses de ve

1. Bibliophile Jacob. Les deux fous, histoire du temps de François Ier. Paris, 1830.

lours noir découpées à petites bandes avec franges d'or doublées de tocque d'or et bouillonnées de taffetas noir rayé d'or et d'argent, à l'occassion d'un tournoi où parurent presque tous les officiers de la maison du roi1.

Mais en réalité, le jaune et le vert se rencontrent presque partout et passent pour les couleurs ordinaires de la folie.

Ainsi donc la marotte, le capuchon pointu avec les oreilles d'âne, les grelots, la jaquette verte et jaune, composaient la livrée des bouffons, et non seulement des bouffons domestiques, mais aussi suivant toute apparence des bouffons de cour, des bouffons de ville, des bouffons populaires, et des associations de bouffons.

Le rapide aperçu que nous venons de présenler sur l'histoire des bouffons, basé sur la description des auteurs leurs contemporains, suffit quand à présent à nous montrer ce qu'étaient les fous des rois et à nous faire pressentir le caractère particulier qui les distinguait tant au physique qu'au moral.

Si on veut bien se reporter aux différentes espèces de difformités physiologiques et psychologiques qui frappent certains êtres, on verra la ressemblance absolue qu'il y a entre les rachitiques, les imbéciles, les idiots..., etc., et les 1 Cité par M. Jal.

bouffons: il suffit de l'indiquer pour que chacun reconnaisse le bien fondé de nos assertions, à savoir que ces derniers rentraient dans ces diverses catégories et que par suite l'étude de leur nature psychologique est justiciable de la médecine mentale.

HISTORIQUE

Ceci nous amène à ce que l'on pourrait appeler la partie historique de ce travail : mais c'est là un mot bien prétentieux pour qualifier quelques esquisses rapides de portraits de nains et de fous ayant eu l'heure de célébrité. D'ailleurs, notre but étant seulement de faire connaître que ces êtres bizarres, ces disgraciés de la nature tant au moral qu'au physique ont aujourd'hui leur place marquée dans le cadre nosologique et d'appuyer notre dire par quelques exemples, nous n'avons pas à nous étendre sur ce chapitre. Puis, après les travaux si curieux de MM. Martin ', Gazeau", Garnier et autres, notre rôle de littérateur se

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1. E. Martin, Les Monstres. Reinwald, Paris, 1880.

2. Gazeau, Les fous et les bouffons, Hachette, Paris, 1884. 3. Garnier, Les nains et les géants. Hachette, Paris, 1884. 4. Récréations historiques, critiques, morales et d'érudition, avec histoire des fous en titre d'office, par M. D. D.-A... auteur des anecdotes des rois, reines et régents de France. Paris, 1777. 2 vol. in-12. Les deux fous par le bibliophile Jacob. Sauval, Histoire et recherche sur les antiquités de Paris. Brantôme, Vie des hommes illustres, etc., etc., etc.

P. MOREAU.

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