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bouffons comme en ont eu Pierre le Grand, Anne Ivanowna, Catherine II..., etc 1.

AFRIQUE

- Pour ne citer que le fait le plus récent, nous aurons recours aux documents d'un grand voyageur moderne Serpa Pinto qui de 1877 à 1878 a traversé l'Afrique de l'Océan Atlantique à l'Océan Indien. Cet explorateur rapporte qu'au Bihé, état nègre situé à une assez grande distance de SaintPhilippe de Benguela et de la côte de l'Atlantique, le Sova ou souverain a un fou. « Le fou dit-il, est le complèment indispensable de la cour de tous les Sovas et même de tous les Secoulos ou nobles qui jouissent de quelque richesse ou de quelque puissance. C'est le fou qui doit nettoyer la porte de la demeure du Sova ainsi que les alentours..... 2

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Les bouffons des princes de ces régions encore peu connues, sont presque tous de petite taille. Nous en avons suffisamment parlé dans notre chapitre des nains nous n'y reviendrons donc

pas.

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1. Carla Serena. De la mer Noire à la mer Caspienne, 1875-1876.

2. Serpa Pinto. Comment j'ai traversé l'Afrique de l'océan Atlantique à l'océan Indien, 1877-1878.

Monde, 1881.

In Tour du

Ici nous terminerons ce que nous avions à dire relativement à l'histoire des bouffons. Les pages précédentes prouvent surabondamment combien nous étions fondés pour rendre à ces individus le rang qui leur appartient dans la société .. pathologique.

Influence de certains états morbides sur le développement de l'intelligence chez quelques imbéciles, idiots, etc.

Dans l'étude que nous avons présentée au commencement de ce travail, nous avons cherché à donner l'explication véritable, rationnelle de l'état spécial de ces individus, état qui les faisait rechercher à titre de jouet et pour servir d'amusement aux rois et à leur cour. Nous avons vu la liberté dont ils jouissaient, la position, que l'on pourrait appeler sociale, qu'ils occupaient..., etc. Mais jusque-là, faisant abstraction de son infirmité congéniale, nous avons considéré le bouffon comme parfaitement sain de corps, ayant un esprit approprié à son développement physique. Or, il faut admettre cependant que cet être, tout difforme qu'il soit, n'en est pas moins sujet, tout comme les autres hommes, à des affections physiques de diverse nature, à des maladies soit aiguës, soit chroniques. Il se produit dans ce cas un phénomène remarquable, sur lequel nous devons insister, bien que malheureusement il n'ait pas lieu constamment.

On a vu des imbéciles, des simples d'esprit, des idiots..., etc., dont l'esprit était jusque-là très borné, retrouver sous l'influence d'une maladie aiguë accidentelle, d'une émotion morale puissante, d'une passion vive, une intelligence qui jusque-là était restée à l'état latent et briller alors d'un grand éclat.

Il n'y a pourtant pas lieu de crier «< au miracle » comme on l'a fait: ordinairement c'est un simple phénomène de substitution, ainsi qu'on pourra le voir par les quelques exemples que nous citerons. Nous irons même plus loin en disant que ces transformations, quelque extraordinaires qu'elles paraissent, un observateur attentif peut les prévoir et les annoncer: il en découvre les indices dans les modifications qu'il voit s'opérer dans l'état général, la cessation brusque ou graduée de certains phénomènes morbides, tels qu'accidents convulsifs, état chloroanémique, réapparition d'exanthèmes..., etc.

Dans une fièvre aiguë, alors qu'un afflux de sang plus considérable se fait vers les centres nerveux, imprimant aux fonctions de ces organes plus d'activité, il n'est pas rare de voir le fonctionnement intellectuel acquérir un degré d'énergie et d'expansion extraordinaire : « Dix vibrations au lieu de cinq, dit Broussais, dans un temps donné, peuvent transformer un homme ordinaire en un

prodige, en ranimant la mémoire qui fournit à l'intelligence les matériaux qu'elle retrouvait difficilement... N'est-ce pas, ajoute-t-il, quelques lignes plus loin, à ces sortes de modifications que sont dus les développements subits des facultés les plus relevées chez les hommes qu'on croyait condamnés à une triste médiocrité 1? »

Cabanis, qui a fait une étude si remarquable et si complète de l'influence du physique sur le moral, n'a pas omis de signaler également la réaction de la maladie sur l'intelligence. « A mesure, dit-il, que l'accès de chaud s'établit, les extrémités nerveuses sortent de leur engourdissement les sensations naissent et se multiplient: elles peuvent même devenir fatigantes et confuses par leur nombre et leur vivacité. En même temps tous les foyers nerveux et notamment le centre cérébral, acquièrent une activité surabondante. De là, cette espèce d'ivresse, ce désordre des idées, ces délires qui prennent différentes teintes, à raison des organes originairement affectés..... La fièvre lente qui se joint à certaines inflammations, mais qui ne se trouve compliquée d'aucune altération grave, ou spasme durable des

1. Broussais.

De l'irritation et de la folie, deuxième édition. Paris, 1839, t. II, p. 466 et 467.

2. Cabanis.

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Rapports du physique et du moral, §§ VII et IX édit. Peisse, Paris 1844 p. 321. Libr. J. B. Baillière.

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