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dame de Liancour, (Gabrielle d'Estrées) ayant autour de luy le comte de Soissons, le comte de Saint-Pol et autre seigneurs se présentèrent à sa majesté pour lui baiser les mains, MM. de Ragni et de Montigni. Ainsy qu'il les recevoit, un jeune garçon nommé Jean Chastel, âgé de dix-neuf ans ou environ, fils d'un drapier de Paris, demeurant dans le Palais, lequel avec la troupe s'estoit glissé dans la chambre et avancé jusques auprès du roy, sans estre apperçu, tascha avec un couteau qu'il tenoit d'en donner dans la gorge de sa majesté ; mais pour ce que le roy s'inclina sur l'heure pour relever ces seigneurs qui lui baisoient les genoux, le coup porta au lieu de la gorge à la face sur la lèvre haute, du costé droit, et luy entama et coupa une dent. A l'instant, le roy qui se sentit blessé, regardant ceux qui estoient autour de luy et ayant advisé Mathurine sa folle, commença à dire : « Au diable soit la folle! Elle m'a blessée ! » Mais elle, le niant, courut tout aussy tost fermer la porte, et fut cause que ce petit assassin n'eschappast; lequel ayant esté saisi, puis fouillé, jetta à terre son couteau encore tout sanglant; dont il fut contraint de confesser le fait sans autre force. »

Après la mort de Henri IV, Mathurine resta à ja cour de Louis XIII, où elle mourut en 1527.

CHICOT

Chicot jouissait à la cour du dernier des Valois, d'une grande liberté et avait même une certaine autorité: Chicot n'était pas un fou ordinaire. Notre grand romancier, Alexandre Dumas, en donne un portrait' qui, rapproché des documents et mémoires du temps, paraît assez vraisemblable.

C'était un homme d'esprit qui avait son franc parler avec tout le monde; il se rappela qu'il avait été soldat et jusqu'à la fin de sa vie garda les allures de sa profession. La légende rapporte que ce fut à la suite d'une querelle amoureuse avec M. de Mayenne, dans laquelle tout simple gentilhomme qu'il était, il l'avait emporté sur ce prince, qu'il s'était réfugié près d'Henri III et payait en vérités quelquefois cruelles la protection que lui avait donné le successeur de Charles IX.

Chicot avait été ligueur et aurait joué un rôle dans la terrible nuit de la Saint-Barthélemy. Plus tard, lorsqu'à la mort de son premier maître, il passa au service d'Henri IV, il aurait, s'il faut en croire P. de l'Étoile, par ses conseils prit une grande part à la conversion du roi :

1. Dame, de Montsoreau, les Quarante-cinq. 2. P. de l'Estoile, op. cit.

<< Le roy aymoit Chicot, tout fol qu'il estoit, et ne trouvoit rien mauvais de tout ce qu'il disoit qui estoit cause qu'ils s'égaroit en mille folies. Quand le duc de Parme 1, vinst en France pour la seconde fois, en 1592, Chicot dit au roy, devant tout le monde :

<«< Monsieur mon ami, je vois bien que tout ce que tu fais ne servira de rien à la fin, si tu ne te fais catholique. Il faut que tu voises à Rome, et qu'estant là, tu bourgeronnes le pape, et que tout le monde le voie, car autrement ils ne croiront jamais que tu sois catholique. Puis tu prendras un peu d'eau bénite pour achever de laver tout le reste de tes péchés. » Il lui dit un autre jour : << Penses-tu pas, monsieur mon ami, que la charité que tu as à l'embrassement de ton royaume doit excéder toute charité chrétienne ? De moi, je tiens pour tout asseuré que tu donnerois à un besoin les Huguenots et Papistes aux protonotaires de Lucifer, et que tu fusses paisible roy de France. Aussy bien dit-on que vous autres roys n'avez guère de religion qu'en apparence. » « Pour mon Dieu, monsieur mon ami, disait encore Chicot à son maître, gardez-vous de tomber

1. Alexandre Farnèse, gouverneur des Pays-Bas Espagnols venu une première fois en France en 1590, sur l'ordre de Philippe II, pour obliger Henri IV à lever le siège de Paris, était revenu en 1592, afin de le contraindre à lever le siège de Rouen.

entre les mains des ligueurs : car vous pourriez tomber entre les mains de tel qui vous pendroit comme une andouille, et puis feroit escrire sur votre potence: A l'escu de France et de Navarre, céans a bon logis pour y demeurer à jamais. Cela est dangereux pour le passage des vivres ». Malgré les fonctions qu'il remplissait à la cour, Chicot conserva toujours un goût particulier pour les combats on le vit souvent couvert de sa cuirasse parcourir la campagne, et sa mort fut celle d'un soldat: en 1592 il se trouvait au siège de Rouen y fit prisonnier le comte de Chatigny, de la maison de Lorraine, et le présentant à Henri IV lui dit : «< Tiens je te donne ce prisonnier qui est à moi. » Le comte désespéré de se voir pris par un homme tel que Chicot lui donna un coup d'épée dont il mourut quinze jours après.

« Dans cette fin, le bouffon disparaît pour ne plus laisser place qu'au vaillant serviteur d'un maître dont c'est l'honneur d'avoir fait naître autour de lui de tels dévouements. En lisant les détails d'une telle mort, on ne se douterait pas qu'il s'agit du successeur de Sibilot. Ce n'est pas ainsi que finissaient en général les bouffons 1. »

1. Gazeau, op. cit.

MAITRE GUILLAUME

Ce bouffon, dont le nom est relativement peu connu, tint son emploi avec honneur. C'était un halluciné victime probable des idées religieuses de l'époque. <«<La manie du presche de son temps était très propre à donner des visions, les prédicateurs étant souvent aussi des visionnaires. - Outre les visions que son cerveau naturellement échauffé lui fournissait, il avait aussi celles que lui donnait quantité de tapisseries qu'il avait vues et, dit le cardinal du Perron, il avait été souventes fois aux sermons. >>

Quand on interrogeait maître Guillaume qui était celui-ci, qui était celui-là, il avait des réponses très fines et certaines expressions qui lui étaient naturelles. Quand on disait quelque chose à Henri IV qui ne lui paraissait pas raisonnable, renvoyait celui qui lui parlait à maître Guillaume.

il

Pendant sa vie et pendant plus de cinquante ans après sa mort, on a introduit maître Guillaume dans les satires de cour et d'État qui ont paru. Partout on lui fait faire le personnage d'un fou français.

ANGOULEVENT

Nicolas Joubert, sieur d'Angoulevent, eut une

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