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vent émaner d'elle, et se montre aussi clairement dans les aptitudes particulières que l'hérédité dans la force élémentaire des sens et dans les moindres détails, dans les moindres accidents de leurs perceptions. »

L'influence de l'hérédité se fait sentir bien plus encore dans l'état morbide que dans l'état sain. Il n'est pas hors de propos, du reste, de faire remarquer que le fait n'est pas particulier aux maladies de l'esprit, mais est applicable à tous les dérangements de l'organisme en général.

De même que l'on voit l'hérédité modifier, d'après un type spécial dont les auteurs (père, mère, etc.) sont la source, les facultés morales des descendants de mille manières différentes affectant tantôt une partie, tantôt l'ensemble des pouvoirs intellectuels, atteignant une ou plusieurs générations.

De même et plus souvent encore, chez les descendants d'aliénés, on observe que les facultés mentales, isolément ou dans leur ensemble, sont entachées des caractères propres à l'intelligence de leurs auteurs, que la déraison des uns (qu'on nous permette cette expression), a déteint sur la raison des autres.

Ainsi, tantôt l'hérédité sera complète, c'est-àdire que les descendants offriront les mêmes désordres intellectuels que leurs auteurs et, dans

ce cas, chez les uns comme chez les autres il y aura délire, folie, dans l'acception ordinaire du mot le délire sera reproduit dans ses caractères les plus saillants, dans ses nuances même les plus fugitives, avec ses conditions étiologiques; on le verra faire explosion à la même époque de la vie, suivre la même marche..., etc.

Tantôt l'hérédité sera incomplète, c'est-à-dire que les anomalies de l'esprit seront moins nettement accusées; elles le seront assez cependant pour qu'on ne puisse méconnaître leur origine, leur filiation avec d'autres anomalies plus prononcées et plus évidentes; et quelle que soit l'idée qu'on s'en fasse, quelque dénomination qu'on leur donne, qu'on les appelle bizarreries, excentricités, etc., on n'en changera pas la nature, ce sera toujours du délire ou l'expression symptomatologique d'une lésion de l'organe intellectuel, d'intensité différente mais de nature semblable dans tous les cas.

Ce qui vient d'être dit, fait pressentir toute l'importance de l'hérédité et de quelle manière il faut l'envisager. Sans vouloir nous étendre plus longuement sur ce point, disons seulement encore qu'il faut considérer l'organe ou le système d'organes dans lequel a été déposé le germe maladif, comme étant dès le principe même de sa formation dans un véritable état anormal, et

qu'en matière psychologique la prédisposition héréditaire est quelque chose de réel, de parfaitement saisissable dans ses effets, sinon dans sa cause matérielle, qui se traduit par des manifestations fonctionnelles d'une nature particulière et qui a sa raison d'être comme tous les phénomènes pathologiques.

Nous sommes donc en état de comprendre le rôle que dans tous les temps, aux époques principalement où la science, l'érudition n'étaient le partage que d'un petit nombre d'individus, ont dû jouer parmi leurs contemporains les esprits bizarres dont nous nous occupons; on comprend aussi que l'esprit d'à-propos qu'ils possédaient, le tour mordant de leur langage leur aient donné un libre accès auprès des Grands et des Puissants et l'influence qu'il leur a été donné d'exercer sur ceux qu'ils approchaient.

Mais, nous ne saurions trop le répéter, cet ensemble constituait un état réellement morbide. Les alternatives de raison et de folie, les éclairs d'intelligence étaient dus à une sorte d'éréthisme cerébral passager qui modifiait plus ou moins profondément d'une manière inégale l'état habituel de l'intelligence.

Sans cesse sur les limites de la véritable folie, ces êtres étranges et exceptionnels les franchissaient souvent ainsi que l'atteste le récit des idées

étranges, impossibles, extravagantes qui surgissent tout à coup de leur cerveau. Mais cet état violent d'orgasme cérébral était de courte durée: l'esprit, comme on dit, ne tardait pas à se refroidir, à redevenir ce qu'il était habituellement; disposition d'esprit instantanée et inhérente à la constitution morale de tels ou tels individus.

Quittant le domaine purement intellectuel, nous trouvons également cette influence étendue aux sentiments affectifs : « il arrive parfois, dit l'auteur de la psychologie morbide, que par le fait d'une surexcitation ressentie par les passions, ou bien de soulèvements partiels dus à une inégale répartition de la sensibilité, elles sont entraînées dans une sphère d'activité tout à fait exceptionnelle. De là l'étrange association dans un même individu des passions les plus diverses et les plus opposées, un inexplicable mélange de vices et de vertus, de grandeur et d'égoïsme, de générosité de pusillanimité, de courage, de douceur, de férocité. Parfois l'activité désordonnée des passions fait un contraste avec une faiblesse intellectuelle pouvant aller jusqu'à l'imbécillité... », et c'est ce cas que nous rencontrons le plus souvent dans l'étude que nous faisons des bouffons.

Passons donc rapidement en revue les caractères morphologiques qui distinguent les rachitiques, les faibles d'esprit, les imbéciles... etc., et

l'on reconnaîtra combien nous sommes fondés à ranger les bouffons dans ces différentes catégories.

En première ligne nous trouvons le Rachitisme.

Rachitisme

Mens sana in corpore sano; jamais axiome ne trouva plus juste application que dans le cas qui nous occupe.

Dans cette affection, en effet, le retentissement des lésions physiques non seulement est indéniable, mais reçoit une explication logique et toute naturelle. Ceci d'ailleurs ressortira de l'étude de cette affection.

Sous le nom de Rachitisme, on entend, on le sait, une maladie caractérisée physiquement par des troubles de la nutrition et du développement du tissu osseux, troubles entraînant des déformations diverses du squelette et, psychiquement par un développement exagéré, anormal, mais le plus souvent passager, des facultés intellectuelles.

Bien que l'existence de cette maladie remonte à une époque reculée, c'est à tort croyons-nous, qu'on a voulu qu'Hippocrate l'ait mentionnée dans ses œuvres. Les auteurs qui soutiennent cette

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