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GÉANTS.

PATAGONS

A l'État de race distincte, les géants n'existent pas, et si les écrivains des seizième et dix-septième siècles acceptaient sans contrôle et même avec une sorte de complaisance puérile les récits exagérés que leur faisaient sur les géants Patagons les compagnons de Magellan nous avons vu qu'ils niaient l'existence des races de nains.

Pourtant à voir la peine que Frézier prenait dans le dix-huitième siècle pour convaincre ses lecteurs, il y a lieu de supposer qu'on n'ajoutait pas une foi explicite à l'existence de ces prétendus géants. A l'appui de son dire il invoque le témoignage d'Antoine Pigafetta, à qui nous devons le journal du voyage de Magellan et qui assure que dans la baie Saint-Julien, les Espagnols virent plusieurs géants si hauts, qu'ils n'aiteignaient pas à leur ceinture. Il cite aussi Bar

1. Frézier, Relation d'un voyaye de la mer du Sud aux côtés du Chili et du Pérou fait pendant les années 1712, 1714, 1716. Seconde édition 1732.

thélemy Léonard d'Arginsola, qui au 1er livre de son histoire de la conquête des Moluques, dit que le même Magellan vit dans le détroit qui porte son nom, des géants ayant plus de dix de nos pieds, et au 3o livre revenant sur le même. sujet, prétend que l'équipage des vaisseaux de Sarmiento combattit avec des hommes qui avaient plus de trois varres ou trois mètres de haut. C'est quelque chose qu'une diminution d'un pied sur une première évaluation de cette nature; aussi Frézier s'empresse-t-il de prendre sa revanche et et de revenir à son thème favori en s'armant du témoignage de Sébald de Werd, d'Olivier de Noort et de celui du Hollandais George Schouten, qui portent à plus de neuf pieds la hauteur de ces colosses. Le premier pour donner apparemment un plus grand air de vérité à son assertion, prétend que ces Indiens épouvantés par le feu de la mousqueterie et ne sachant plus comment faire pour se garantir de ses effets meurtriers, arrachaient des arbres pour se mettre à couvert.

Quant à Schouten, dont le témoignage en qualité de chirurgien ne serait pas à dédaigner, s'il n'avait parfois fait preuve d'une trop grande crédulité, son observation est fondée sur des ossements trouvés sous des tas de pierres, qui avaient attiré l'attention de l'équipage du navire à l'ancre dans le port Désiré, Malheureusement ces débris

n'étaient que des os d'un Mastodonte particulier

à l'Amérique.

Dom Pernetty, qui a écrit après Frézier, donne du voyage du commodore Byron autour du monde, en 1764 et 1765 un extrait non moins curieux à ce sujet :

« Le 22 décembre 1764, dit-il, les Anglais étant dans le détroit de Magellan, à cinq lieues de la terre de feu, découvrirent de la fumée qui s'élevait de différents endroits sur la côte des Patagons. Ils s'en approchèrent, jelèrent l'ancre à environ un mille de la côte, et y virent distinctement des hommes à cheval qui leurs faisaient des signes avec leurs mains. En approchant de la terre, des marques sensibles de frayeur se manifestèrent sur le visage de ceux qui y allaient aborder dans le canot, lorsqu'ils aperçurent sur le rivage des hommes d'une grandeur prodigieuse. Le commodore Byron excité par l'idée de faire une découverte au sujet de ces patagons dont l'existence était depuis longtemps en Angleterre un sujet de conversation, sauta le premier à terre, et fut suivi par les officiers et les matelots bien armés et s'y mit en état de défense. Alors les sauvages accoururent à eux au nombre de deux cents environ, les regardant avec l'air de la plus grande surprise, et souriant, en observant la disproportion de la taille des Anglais avec

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la leur. Le commodore leur ayant fait signe de s'asseoir ils le firent; alors il leur passa au cou des colliers de grain d'émail et des rubans, et distribua à chacun un de ces colifichets. Leur grandeur est si extraordinaire, que, même assis, ils étaient encore presque aussi hauts que le commodore debout. (Byron avait un mètre quatrevingt-trois centimètres) leur taille moyenne lui parut être d'environ huit pieds. (deux mètres soixante-six centimètres) et la plus haute de neuf pieds (trois mètres) et davantage ».

Pernetty remarque qu'au dire même des Anglais, ceux-ci n'avaient employé aucune mesure pour s'assurer de la justesse de leur évaluation : mais il accepte comme bonne et valable l'assurance qu'ils donnent d'avoir plutôt diminué qu'exagéré la grandeur indiquée par eux. Il ajoute ensuite, toujours d'après les mêmes témoins, que la taille des femmes est aussi étonnante que celle des hommes, et que les enfants étaient dans la même proportion; et il termine par ce trait qui nous semblerait une hablerie de touriste, si le grave et savant bénédictin n'en avait pris en quelque sorte la responsabilité en le racontant sérieusement:

<< Parmi les Anglais était le lieutenant Cummins: les Patagons paraissaient surtout le voir avec plaisir à cause de sa grande taille qui était

de six pieds dix pouces (deux mètres vingt-sept centimètres). Quelques-uns de ces Indiens lui frappèrent sur l'épaule, et quoique ce fut pour lui faire caresse, leurs mains tombaient avec tant, de pesanteur, que tout son corps en était ébranlé ».

Banks, qui, deux ans plus tard, en 1716, accompagnait le capitaine Wallis dans son voyage autour du monde, renonçait pourtant au privilège si amplement exercé par ses prédécesseurs, et réduisait la taille des Patagons à des proportions beaucoup plus raisonnables. Le plus grand de ceux qu'il mesura n'avait, suivant lui, que 'six pieds sept pouces anglais (environ six de nos pieds); quelques autres six pieds cinq pouces, et le plus grand nombre de cinq pieds dix pouces à six pieds.

En résumé, et pour donner une idée des assertions contradictoires hasardées par les différents navigateurs sur ce problème si intéressant au point de vue physiologique, nous allons donner en quelques lignes le tableau de tous ces témoignages, en laissant de côté l'opinion des voyageurs qui ne se sont pas prononcés catégoriquement sur la question:

En 1520, Magellan, suivant le chevalier Pigafetta, dit: Notre tête touchait à peine à leur cein

ture.

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