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aussi des femelles, et avoient tous esté ramassez de dans l'enclos du roïaume de France 1. »

En 1578 et 1579, Catherine de Médicis avait encore cinq nains, Martin, Rodomont, Pelavine, Majoski et Mandrecart. Henri III, Henri IV, eurent aussi des nains qui figurent dans les comptes des argentiers.

Henri IV en possédait trois, Albert de Xanica, Merlin et Marin Noël.

<< L'Infante-Claire Eugénie, raconte Tallemant des Réaux, envoya une naine à la reine, dans une cage. Le gentilhomme qui la lui présenta dit que c'était un perroquet; et offrit à la reine, pourvu qu'on n'ôtat point la couverture, de peur de l'effaroucher, de lui faire faire par ce perroquet un compliment en cinq ou six langues différentes. En effet, il en fit un, en espagol, en italien, en français, en anglais et en hollandais. Aussitôt on dit; « ce ne saurait être un perroquet » il ôta la couverture et on trouva un naine. Elle crut assez, pour être une petite femme, et on la maria à un assez grand homme nommé Lavan, irlandais, qui était à la reine. Elle fut femme de chambre, et mourut au bout de quelques années en mal d'enfant. »

«Mademoiselle a eu une naine qui était la plus

1. L. Guyon. Les diverses leçons. 2. Tallemant des Réaux, p. 343.

petite personne qu'on ait jamais vu. Elle n'avait pas deux pieds de haut, bien proportionnée, hors qu'elle avait le nez trop grand. Elle faisait peur. Les médiocre spoupées étaient aussi grandes. Je crois qu'elle est morte. »

>> Le feu roi (Louis XIII), avait un fort petit. nain, nommé Geoffroy, mais fort bien proportionné. >>

En France, la charge et le titre de nain du roi ne furent supprimés qu'en 1662 par Louis XIV. La pièce qui le constate est assez curieuse pour être citée :

Le 28 août 1660, un musicien nommé Pierre Pièche, reçut du roi le brevet d'intendant des instruments musicaux servant au divertissement du roi. Deux ans après, le 3 mars 1662, le même Pierre Pièche fut nommé musicien et garde des instruments de la musique de la chambre du roi <«<et, dit le brevet pour cette nouvelle charge, lequel se trouve aux archives du royaume, affin de n'estre point obligé d'ordonnancer un nouveau fonds pour l'appoinctement que sa Majesté désire estre affecté à ladicte charge, elle entend que les gages qu'a ledict Pierre Pièche par la mort de Baltazard Puison, nain, ne soient plus reçus soubs le titre de nain, mais qu'ils lui soient dellivrez soubs le titre de garde des instruments de la musique de sa chambre qui, pour cet effect,

sera désormais employé dans les estats de sa maison au lieu dudict tiltre de nain. >>

Suivant l'exemple donné par la cour, les grands seigneurs entretenaient aussi des nains. Mais leur histoire n'est point connue et sauf Jean Verjus, qui appartenait à Henri de Bourbon, prince de Condé, Dom Pedro, au marquis de Boufflers, Jacob le nain de M. de Liônne, qui fut évêque de Gap et vicaire apostolique en Chine, on ne trouve aucune notice biographique. C'est donc pour mention que nous les signalons.

Mais nous ne pouvons passer sous silence le dernier nain qui en France ait porté le nom de nain en titre d'office, d'autant plus qu'il était notre contemporain.

« Né vers 1769, Richebourg entra tout jeune encore au service de la duchesse d'Orléans, mère du roi Louis-Philippe : on lui donna parmi les personnes attachées à la maison de la princesse le titre de sommelier, mais en réalité il ne remplit jamais les devoirs de sa charge et on le considérait plutôt comme une curiosité que l'on montrait aux visiteurs: il avait à peine soixantecinq centimètres de haut. Très dévoué à la famille de sa bienfaitrice, il donna plusieurs fois des preuves de son dévouement, notamment pendant l'époque révolutionnaire, où il fut chargé d'aller porter au dehors des messages pressés

et des dépêches importantes. A ce effet on l'emmaillotait comme un tout jeune enfant et une nourrice le portait dans ses bras, bien qu'il eut à cette époque à peu près vingt-cinq ans ; on mettait les dépêches importantes sous son bonnet ou sous son petit chapeau d'enfant. Pendant les trente dernières années de sa vie, il ne sortit point de l'appartement qu'il habitait rue du FourSaint-Germain et ne se montrait jamais aux indiscrets qui, connaissant son existence, venaient quelquefois frapper à sa porte: la vue seule d'un étranger lui causait une profonde terreur et une invincible répugnance. Dans sa famille, cependant, il était très gai, très bavard et souvent spirituel. Il mourut en 1858, âgé de quatre-vingtdix ans, et jusqu'au moment de sa mort, la famille d'Orléans lui fit servir une pension annuelle de trois mille francs. Nous n'avons pu savoir s'il était marié et s'il avait eu des enfants. 1»

NAINS ATTACHÉS A LA COUR D'ESPAGNE

Suivant l'usage, les rois d'Espagne eurent aussi des nains. Le nain de Charles-Quint, dont F. Torbido a laissé un splendide portrait, maniait la lance avec une habileté remarquable. Un tournoi ayant eu lieu dans la ville de Bruxelles, il fit as

1. Garnier. Ouv. cité, p. 163.

saut et fut jugé digne de remporter un deuxième prix.

Charles II, avait encore des nains: « Ne croyez pas, dit Mme d'Aulnoy 1, que leurs majestés soient environnées de personnes de la cour quand elles dînent: Il y a tout au plus quelques dames du palais, des menins et quantité de naines et de nains. » Parmi eux cependant il y en avait un qui avait plus d'importance que les autres:

« Je n'ai jamais rien vu de si joli que le nain du Roy, qui s'appelle Louisillo. Il est né en Flandre et d'une petitesse merveilleuse, parfaitement bien proportionné. Il a le visage beau, la tête admirable et de l'esprit, plus qu'on ne peut se l'imaginer, mais un esprit sage et qui sait beaucoup. Quand il va se promener, il y a un palefrenier monté sur un cheval qui porte devant lui un cheval nain qui n'est pas moins bien fait en son espèce que son maître en la sienne. On porte ce petit cheval jusqu'au lieu où Louisillo le monte, car il serait trop fatigué s'il fallait qu'il allât sur ses jambes, et c'est un plaisir de voir l'adresse de ce petit animal et celle de son maître lorsqu'il lui fait faire le manège. Je vous assure que quand il est monté dessus, ils ne font pas plus de trois

1. Me la comtesse d'Aulnoy. La Cour et la ville de Madrid, vers la fin du XVIIe siècle, relation du voyage d'Espagne Paris, 1874.

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