Page images
PDF
EPUB

vastes flancs, des toits, des charpentes, des foyers contre les rigueurs de l'hiver.

Souvent les dons que la nature a suspendus aux arbres sont déposés sur de simples herbes, soit celles-ci soient des consonnances des que genres arborescens, comme les graminées le sont des palmiers, et que la nature les ait destinées à croître sur des sols qui ont peu de profondeur, soit plutôt qu'elles forment une seconde table de réserve, à l'abri des injures des élémens. En effet, un arbre est plusieurs années à donner ses premiers fruits, et quelquefois un âge d'homme à parvenir à sa dernière hauteur, tandis que l'herbe atteint à sa perfection dans le cours d'une année. Si l'un et l'autre sont

il

détruits des incendies ou des ouragans, par y a un intervalle immense entre leur reproduction. Il faut un siècle pour former une forêt, et un seul printemps pour faire croître une prairie. C'est sans doute par cette raison que la nature a quelquefois attaché sous terre, à de simples racines, des fruits qu'elle avoit suspendus aux rameaux les plus élevés dans la région des tempêtes.

Quoique nous ayons observé que les espèces des herbes étoient plus nombreuses que celles des arbres dans les zones tempérées, leurs prototypes croissent dans la zone torride, où sont

réunies toutes les richesses de la puissance végétale, ainsi que celles des autres puissances. On trouve des farineux sucrés dans la bulbe de la patate et de l'igname; des épiceries dans les pattes du gingembre; des huiles dans les capsules souterraines de la fausse pistache, remplies d'amandes très-savoureuses lorsqu'elles sont grillées. Ces mêmes substances se montrent en évidence dans les aromates des graines du cardamome et de l'anis, dans les semences farineuses et huileuses d'une multitude d'herbes à fleurs papilionacées et cruciées. Les teintures bleues se manifestent dans la couleur glauque de l'herbe de l'indigo; on peut trouver encore des vases dans les cucurbitées, des retraites et des habitations dans quantité d'herbes sarmenteuses; des haies et des remparts dans les épines des tribus nombreuses des nopals, des raquettes, des aloès, des cactus, qui forment des forêts dans le Mexique. Ce genre épineux de végétaux, aussi étendu que celui des palmiers, semble appartenir aux arbres par son élévation, il s'élance à des hauteurs prodigieuses, et végéte pendant des siècles. Mais comme il est dépourvu de branches, qu'il n'a que des fils et des pulpes dans ses tiges, et qu'il croît sur les sols les moins profonds, nous le plaçons au rang des herbes. Lui seul pourroit suffire aux

principaux besoins de l'homme; car il lui donne des espèces de figues dans les pommes de raquettes, un fruit délicieux dans l'ananas, qui semble être une espèce d'aloès, et des fils de pite très-forts dans les feuilles de l'aloès de la grande espèce. Ce genre est très-répandu dans l'Amérique.

Nous retrouverons quelques productions des arbres torridiens dans les herbes annuelles et bisannuelles de nos climats. Le goût du fruit à pain du rima se retrouve dans celui du cul d'artichaut; le melon du papayer et la courge du calebassier rampent sur les couches de nos jardins, la pulpe fondante et parfumée du corossol reparoît dans la fraise qui tapisse nos bois, et celle du litchi dans le framboisier. Les saveurs aromatiques des épiceries se font sentir dans nos pimens, nos sarriettes, nos thyms, nos basilics. Mais qui pourroit nombrer les . substances farineuses des pommes de terre, aphrodisiaques de la truffe, alcalines de l'oignon, sucrées et pulpeuses des carottes et des betteraves; huileuses du colsa; et toutes les herbes qui servent à nos alimens, à nos vêtemens et à notre industrie, comme les légumineuses, les chanvres, les lins, les garances, les chardons même épineux et les orties piquantes. Il semble que l'Abondance a épuisé

une de ses cornes dans nos jardins et dans nos campagnes.

Cependant il ne faut pas s'imaginer que les contrées boréales soient dépourvues de végétaux. J'ai vu croître en Finlande, au-delà du soixante et unième degré de latitude, plusieurs plantes légumineuses et potagères de nos climats, tels que les choux et les pois. J'y ai même vu cultiver le tabac, et le cerisier y por ter des fruits. On y récolte l'avoine et l'orge. Il n'est pas douteux qu'un grand nombre de nos plantes annuelles pourroient y venir à l'abri et dans les reflets de ses roches. Nos climats s'enrichiroient à leur tour des végétaux qui leur sont indigènes, entre autres du chou-rave d'Archangel, dont la pomme solide, colorée en dehors des plus vives teintures de la pourpre et du vermillon, renferme au-dedans la saveur de l'artichaut. Plusieurs arbrisseaux et arbres même de nos montagnes y perfectionnent leurs qualités. Le genévrier aromatique y parvient à plus de douze pieds de hauteur : ses rameaux hérissés de feuilles piquantes et ses grains noirs glacés d'azur, contrastent de la manière la plus agréable avec le sorbier au large feuillage et aux grappes écarlates. Tous deux conservent leurs fruits au sein des neiges et dans les plus grandes rigueurs de l'hiver; et ils offrent à

l'homme, par leur harmonie, le premier, dans l'aromate de ses grains, le second, dans le jus de ses baies, une eau-de-vie qui est un puissant et salutaire cordial. Les bois y sont tapissés de fraisiers. On croit y reconnoître le fruit de la vigne dans la baie bleue et vineuse du mirtil, et celui du mûrier dans celle blanche et pourpre du kloukva, qui rampe au pied des roches, au sein d'un feuillage du plus beau vert. Si ces baies n'égalent pas en qualité celles dont elles imitent les formes et les couleurs, elles les surpassent en durée; car lorsque l'hiver les a frappées de froid et ensevelies sous les neiges, elles s'y conservent jusqu'au printemps avec toute leur fraîcheur.

Si nos arbres fruitiers semblent expirer vers le Nord, ceux de ses forêts y prennent une nouvelle vigueur. La puissance végétale s'y montre à la fois dans une jeunesse toujours verdoyante et dans la sombre majesté de l'âge avancé. Toutes les tribus des peupliers, dont le vaste bouleau paroît le chef, y contrastent avec celles des pins et des sapins, dont le cèdre est le prototype. Les premiers, à la cime étendue, au feuillage ondoyant, exhalent en été les parfums de la rose, et fournissent des eaux sucrées, du papier, des chaussures, des vases, des tonneaux, des nacelles imperméables à l'humidité. Les seconds

« PreviousContinue »