Page images
PDF
EPUB

égal à la hauteur de la tige sous les feuilles. Le couronnement de cette tige, formé par les palmes, a en élévation la moitié de son diamètre, c'est-à-dire environ dix-sept pieds; car les palmes en ont seize, et le chapiteau qui les porte en a six; ce qui feroit vingt-deux. Mais comme les palmes y sont rangées par étages, les inférieures, qui ont tout leur développement, ont seules seize pieds; tandis que celles du sommet, qui ne font que se développer, en ont tout au plus onze, qui, avec les six du chapiteau qu'elles terminent, font, en tout, dix-sept pieds d'élévation. Cette proportion est

peu près la même dans le bananier, dont les feuilles, de six pieds de longueur, couronnent une tige de douze pieds de hauteur. Mais, comme elles partent du même centre, elles ont un peu moins d'élévation à leur sommet. Ils ont, l'un et l'autre, une hauteur qui est une fois et demie leur largeur.

J'ai remarqué que cette proportion du palmier étoit la plus agréable de toutes, soit dans les berceaux et les avenues formés par des arbres, soit dans les salons. Elle produit, par son élévation, le sentiment de l'infini. C'est celle qu'affectoit l'architecture gothique de nos temples, dont les voûtes élevées, supportées par des coJonnes sveltes, présentoient, comme la cime

des palmiers, une perspective aérienne et céleste qui nous remplit d'un sentiment religieux. L'architecture grecque, au contraire, malgré la régularité de ses ordres et la beauté de ses colonnes, offre souvent, dans ses voûtes, un aspect lourd et terrestre, parce qu'elles ne sont pas assez élevées par rapport à leur largeur.

Enfin, les proportions du palmier se retrouvent dans l'homme même, qui réunit en lui les plus belles de la nature; car ses bras étendus ont une longueur égale à sa hauteur, et sa tête ombragée d'une chevelure flottante imite en quelque sorte la cime ondoyante de ce bel arbre.

Si le palmier, dans son ensemble, présente la plus belle des proportions pour l'élévation et la largeur des voûtes, il offre également dans sa tige le plus beau modèle des colonnes qui doivent les supporter. Les Grecs, qui ont voulu s'approprier l'invention de tous les arts libéraux, ont prétendu qu'ils avoient imaginé les ordres toscan, dorique, ionique et corinthien; qu'ils avoient pris les proportions de la colonne ionique et des volutes de son chapiteau d'après la taille et la coiffure d'une fille ionienne, et le chapiteau corinthien, d'après une plante d'acanthe sur laquelle on avoit posé par hasard

un panier. Mais, bien long-temps avant eux, la nature en avoit offert les divers modèles, dans le palmier-dattier, aux peuples de l'Asie, comme on le voit encore dans les ruines de Persépolis à Chelmina, dont les colonnes ont des chapiteaux à feuilles de palmier. Quant aux volutes et proportions de la colonne ionique, il est certain qu'elles n'ont aucun rapport à la coiffure d'une fille ni à sa taille, qui n'a jamais été tout d'une venue.

Je ne rejette point les harmonies des végétaux avec l'homme, et celles de l'homme avec les végétaux: au contraire, j'en recueille autant que je peux; je suis même persuadé qu'il en existe un très-grand nombre que je ne connois pas; mais je n'en veux admettre aucune qui soit douteuse. Il est possible qu'en comparant la hauteur d'une jeune fille avec la largeur de son visage, on trouve que dans l'enfance elle ait sept fois ce diamètre, huit fois dans l'adolescence, neuf fois dans la jeunesse, et dix fois dans l'âge mûr. Il est possible encore qu'on ait rapporté ces proportions à celles des différens ordres; car, comme on sait, c'est le rapport de la hauteur de la colonne à sa largeur qui les constitue. Mais il est sans vraisemblance que des Grecs nés au sein de la liberté et du goût aient donné à une poutre verticale destinée à

porter des fardeaux les proportions d'une jeune fille; qu'ils aient cru imiter sa taille en formant un cylindre, les plis de ses vêtemens par des cannelures, et les contours de sa coiffure par des volutes. Il est évident, au contraire, que la tige du palmier a donné le premier modèle de la colonne par son attitude perpendiculaire et l'égalité de ses diamètres; celui des tambours cylindriques, dans l'ordre toscan rustiqué, par ses anneaux circulaires et annuels; des cannelures du fût, par les crevasses verticales de son écorce, qui portent à sa racine l'eau des pluies qui tombent sur ses feuilles; des volutes du chapiteau ionique, par les premières sphères de ses élatés; du chapiteau corinthien, par le feuillage de ses palmes; des proportions des divers ordres, par la hauteur de son tronc à différens âges; enfin, de l'accouplement même des colonnes, par la manière dont les palmiers se groupent naturellement.

La tige du dattier d'abord semble faite pour porter un grand fardeau, à cause de sa large cime, sinon pesante par elle-même, qui le devient au moins par les secousses des vents auxquelles elle est exposée. Elle ne se plaît que le long des ruisseaux, dans les déserts orageux de l'Arabie, où les vents élèvent des tempêtes. de sable qui ensevelissent quelquefois des cara

vanes entières. Il en est de même des autres espèces de palmiers, qui aiment tous les climats exposés au vent, tels que le cocotier qui croît sur les écueils de la mer, le latanier sur ses rivages, et le palmiste au sommet des montagnes. C'est sans doute par cette raison que les tiges de toutes ces espèces, si différentes en productions, sont composées d'un paquet de fibres plus fortes à leur extérieur que dans leur intérieur, et que les feuilles dont elles sont couronnées sont non-seulement ligneuses, mais élastiques et filamenteuses comme des cordes. Le dattier, ainsi que les autres espèces de palmiers, a dès sa naissance un diamètre qui ne change point, à quelque hauteur que sa tige s'élève; tandis que celui des troncs des arbres croît avec eux. Ce diamètre, invariable dans le dattier, a donc déjà un rapport très-marqué avec le diamètre ou module de la colonne, qui ne varie jamais, et qui sert à fixer les proportions de sa hauteur. La colonne a sept fois son diamètre dans l'ordre toscan, huit dans le dorique, neuf dans l'ionique, dix dans le corinthien. Ce sont, je le répète, les seuls rapports de sa hauteur à sa largeur qui constituent les différens ordres. C'est par cette raison que les habiles architectes les réduisent à quatre, et rejettent le composite, parce que ses proportions sont les mêmes que celles du

« PreviousContinue »